Zarautz - Deba - Camino

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ZARAUTZ - DEBA
Lundi, 5 septembre 2016
Jour 4
24 km
 
Nous quittons notre logement vers sept heures le quart en direction du centre de la ville. Le ciel est un peu couvert mais il ne pleut pas – la température doit de nouveau avoisiner les vingt degrés ce qui se confirmera à hauteur de la première pharmacie sur notre chemin. Si hier nous avons profité pour pouvoir déposer nos bagages dès l’entrée dans la ville nous en payons les frais à cette heure matinale puisque nous avons encore toute sa traversée devant nous. Comme les jours précédents, ici encore on ne sert le desyauno qu’à partir de huit heures ce qui est trop tard pour un pèlerin.
C’est à côté de la gare que nous trouvons une boulangerie qui est déjà ouverte et qui sert également du café. Nous optons pour un café croissant et profitons en même temps des prévisions météo qui passent à la télé. Lorsque nous nous apprêtons à payer, Marc constate qu’il a toujours les clefs de notre chambre dans son pantalon. Du coup je deviens gardien de deux sacs-à-dos le temps que Marc retourne à l’hostel et qu’il revienne. Dires que le chemin que nous avions déjà parcouru pour arriver à la boulangerie avoisine le kilomètre et demi, Marc aura en fin de journée fait trois kilomètres supplémentaires. A son retour je lui raconte l’histoire où mon épouse découvre au retour de notre congé la clef de la chambre d’hôtel dans lequel nous étions descendus à Florence. Je doute fort que cette histoire ait contribué à relever son moral en ce moment.
Compte tenu d’une plage longue de presque trois kilomètres, le nombre d’habitants de Zarautz triple durant la période estivale. Dans le vieux Zarautz on découvre nombre d’anciennes bâtisses et avant tout des blasons dans la calle Zigordia. Nous passons tout près du kiosk et prenons à droite en direction du Palcio de Narros pour rejoindre la digue. C’est en effet cette route qu’une dame qui sortait d’un magasin nous avait conseillée – elle serait un peu plus longue mais plus agréable pour marcher que l’alternative qui monte directement dans la pampa à la sortie de la ville.
Pour rejoindre Guetaria nous restons sur la digue et le trottoir le long de la mer ce qui nous prend une heure. Sur toute la longueur de la digue les vagues se cassent dans les falaises ce qui avec la vue sur le jour qui se lève a un effet tranquillisant. Nulle part ailleurs nous avons rencontré autant de gens qui se donnent à un sport matinal. La beauté de cette digue ne compte décidément plus comme endroit secret dont il ne faut surtout pas révéler sa localisation.
Il est huit heures et demie quand nous arrivons à Guetaria. Le Camino ne passe pas par la vielle ville mais longe un imposant monument dédié à Juan Sebastian Elcano – un enfant du pays explorateur et marin né en mille quatre cent soixante-seize et décédé dans le Pacifique en mille cinq cent vingt-six. Contrairement à toute attende l’office du tourisme est déjà ouvert question de faire tamponner le crédential. Puisque le Camino n’est pas seulement fait pour marcher, nous profitons d’une boulangerie du coin pour prendre un deuxième petit déjeuner. La terrasse de la boulangerie donne sur une rue commerciale assez étroite et le stationnement des voitures y est un peu compliqué sauf si on ne voit pas de difficultés pour faire quelques centaines de mètres à pied où ce qui était le cas on s’en fiche royalement. C’est ainsi que nous assistons à la manière de dresser des PV pour stationnement irrégulier à la Guetaria. Un agent municipal fait ses va et vient dans cette rue et chaque fois qu’il découvre quelqu’un en stationnement irrégulier il se met à hauteur de la voiture, prend son sifflet et siffle rigoureusement – puis il attend au maximum une minute avant de verbaliser. Visiblement les fautifs connaissent bien le sifflet puisque dans la plupart des cas on voit des personnes sortir comme une fusée des magasins pour éviter le PV. Outre le sifflet ils connaissent probablement également l’agent municipal – inutile de vouloir lui raconter une histoire puisque tout le monde dégage sans discussion.
Quand nous reprenons le chemin il donne directement sur une de ces montées dont le revêtement date probablement du Moyen-Age. Arrivés sur un faux plat nous croisons un groupe d’anglais ou d’américains qui sont en droit de réciter des prières et de chanter la gloire de je ne sais qui. S’y arrêter aurait probablement conduit à une tentative de conversion à en juger les personnages. Je suis conscient que je porte un jugement sur autrui et que c’est subjectif mais dans certaines situations il faut faire confiance à un son septième sens et son intuition.
La prochaine rencontre dans une descente était  par contre tout à mon gusto. Deux couples à l’arrêt en train de discuter qui vous disent bonjour et se présentent : un des couples vient de San-Franciso et l’autre de Barcelone. J’aime de telles rencontres avec des gens que je ne connais pas et que je ne vais probablement plus revoir – simplement le fait d’oser de s’échanger est un vrai plaisir. Avant de prendre congé la dame de San-Francisco sortait un tube de son sac-à-dos et demandait à chacun «  do you like some suncream ? » Inutile de préciser que j’en ai profité ce qui me permettait de devoir sous peu enlever mon sac-à-dos pour sortir mon tube de crème solaire.
Avant de rejoindre une petite rue le chemin longe un mur de soutènement sur lequel des praticiens du graffiti ont laissé des messages. Contrairement aux dessins classiques, les graffitis d’ici sont plutôt d’ordre politique. Certains d’entre eux ont été biffés, question de montrer qu’ils ne sont plus d’actualités,  et le dernier en date complètement lisible dit «  Stop fracking ».
La suite de parcours passe par des vignobles et Marc me rend attentif à ce qui est en train de se faire sur le versant opposé – un nuage épais blanc avec en arrière fond un tracteur qui déverse un produit de l’industrie chimique au plus grand service du vin. Heureusement nous sommes cette fois-ci du bon côté pour éviter une douche telle que nous l’avions eue près de Sainte Foy-la-Grande.
Sur la hauteur nous voyons au loin le village d’Azkizu avec son église Saint Martin-de-Tours qui est le patron des voyageurs et pèlerins – évidemment elle était fermée.
A partir d’ici le chemin commence tout doucement à descendre et Marc profite pour augmenter le nombre de photos des chemins qui ne rentrent pas dans la définition digne de ce nom. Pour être servi, le début du Camino del Norte se prête à merveille pour une telle documentation.
Tout le chemin que nous avons fait depuis la plage de Guetaria pour monter sur la colline derrière la ville nous force de faire l’inverse pour arriver à niveau de mer à Zumaia. L’arrivée à Zumaia est marquée par des strates verticales de roches à en couper le souffle mais dont la beauté des vagues qui se cassent dans les falaises restent ancrée dans l’œil interne – on se dirait presque en Irlande. A l’entrée de Zumaia nous passons par un petit parc en face des chantiers navals. Dans ce parc se trouve également un des  canons de Zumaia datant du XVIIe siècle de calibre neuf cent avec lesquels on utilisait des projectiles cylindriques de neuf cm de diamètre. Autre curiosité du parc : plein de jubilados comme on appelle ici les retraités avec leurs petits enfants dont pas mal, pour mon goût, étaient trop proche du bord des quais sans que les grands-parents auraient eu la moindre des chances par rattraper la progéniture sans se mouiller au meilleur des cas. 
Dans le port de plaisance nous rencentrons pas des pèlerins que nous avons croisés en cours de route. Comme il fait vraiment chaud et compte tenu du regard que nous avions jeté sur la suite du chemin, nous décidons de ne pas prendre un verre à la terrasse mais d’acheter uniquement une baguette, un peu de saucisse et du fromage avant d’attaquer la sortie de la ville qui n’était pas triste. Après une montée de près de quarante minutes sans pour autant avoir atteint le haut de la colline nous arrivons près de l’église gothique San-Pedro datant du XVIe siècle. Avec une vue superbe sur la ville et la baie nous décidons d’y faire la pause-midi sous le porche. C’est ici que nous revoyons un couple de jeunes que nous avions déjà croisé à la sortie de San-Sebastian alors que madame avait des difficultés pour suivre. Les choses se sont bien arrangées pour elle puisque son compagnon a fait appel à un autre pèlerin pour lui donner un coup de main pour porter le sac-à-dos de madame. Il se trouve maintenant accroché au milieu du bâton de pèlerin dont la partie avant se trouve sur l’épaule du compagnon et la partie arrière sur l’épaule de leur nouvel accompagnateur.
Quand nous reprenons la route nous ne savons pas encore que le trajet de cet après-midi sera le plus difficile de tous ceux que nous parcourons sur notre périple de cette année après le manger. D’abord une interminable montée en serpentine qui ne vous permet à aucun moment de vous situer. Après une heure de marche nous arrivons sur un plateau avec un panneau indiquant l’arrivée prochaine d’un bar. Mais avant d’y arriver le Camino donne sur un air de repos avec plein de bancs avec des tables et une vue sur la mer net de voitures. Juste devant se trouve un food truc qui a bien choisi son emplacement puisque l’air de repos est plein de monde – une abondance de vacanciers et quelques pèlerins qu’on distingue facilement aux efforts écrits dans leurs visages. Nous décidons de ne nous pas y éterniser même pas sur invitation de quelques américains installés près d’une table sur laquelle a été dressé un buffet de fortune. Même si l’invitation « do you want some red wine with cheese » est alléchante, je crois que nous avions bien fait de les remercier et de continuer notre route qu’au lieu de savourer le vin et le fromage par plus de trente degrés à l’ombre.
La suite du chemin nous force à descendre un chemin goudronné pour passer de nouveau au niveau de mer au-dessus d’un pont d’autoroute et remonter de l’autre côté par un petit sentier qui donne accès à une nationale. Même si la distance qu’il fallait parcourir sur cette nationale était à peine cinq cent mètres, je considère ce passage comme un des plus dangereux que j’ai jamais parcouru. La vitesse est limitée à cinquante kilomètre mais personne ne semble voir les panneaux – il y a deux virages aigus qui sont pris à des vitesses folles, il n’y aucun aménagement pour les piétons et il faut rejoindre un sentier de l’autre côté en plein virage qui ne vous permet pas de voir le trafic – il faut se fier à son regard et surtout à son oreille.
La montée vers Itziar n’est pas triste surtout en fin de journée par une chaleur écrasante. Le sentier accidenté en pente raide contribue à chauffer les mollets et cette fin de parcours - on veut juste encore arriver. Notre pied à terre d’aujourd’hui se trouve dans la périphérie de Deba sur une colline avec une vue superbe sur la mer. Vers quinze heures trente nous approchons l’agritursimo Perlakua. Juste avant d’accéder à la propriété se trouve un pré dans lequel nous pouvons admirer des taureaux et un peu plus loin une corrida privée. L’accueil est chaleureux et familial – le grand père derrière le comptoir du restaurant adjacent, la grand-mère fait le repassage à quelques mètres du comptoir et au fonds on entend les bruits de la cuisine dans laquelle se font les préparatifs pour la soirée le tout avec deux chiens qui dorment sur le carrelage.
Les chambres sont dans le bâtiment à côté auquel on accède par une grande terrasse couverte et un hall généreux dans lequel un chat est en train de dormir dans un fauteuil. Quand la porte de notre chambre s’ouvre il n’y a que du bonheur dans nos visages : une chambre avec seulement deux lits et coin WC-douche séparé avec des serviettes offertes par la maison.
Alors que nous avons pris une douche et une petite sieste, nous profitons pour nous ressourcer en liquide sur la terrasse couverte du restaurant quand arrive en taxi Reza un pèlerin perse. Il s’est fait transporter les derniers trois kilomètres sous prétexte qu’il ne savait pas exactement où se trouvait le gîte et qu’il ne parle pas l’espagnol. En soirée nous arrosons cette histoire avec du vino tinto et un goulache de taureau sur recommandation de la patronne – nous avons décidément bien fait de lui faire confiance.
Un appel à mon épouse me confirme que tout va bien – idem du côté de Marc. Rien ne s’oppose à passer une bonne nuit avec la fenêtre largement ouverte puisqu’un grillage spécifique anti-moustique y a été installé.
 
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