THAROT - ASQUINS
Vendredi, 29 mai 2009
Jour 9
16 km
J’ai bien dormi
dans le lit confortable de La Roulotte et comme d’habitude nous prenons notre
petit déjeuner très tôt. La veille, Annie nous avait ravitaillés pour le petit
déjeuner étant donné que sa chambre d’hôte n’est pas contiguë à sa maison.
Avant de ce faire, nous jetons un coup d’œil sur les ânes qui se trouvent dans
la cour et qui ont visiblement bien récupéré. Alors que nous sommes occupés de
tout remettre en ordre et de nettoyer la cour, nous entendons une ambulance qui
passe dans la rue. Avant de partir nous récupérons les plantes et pots de
fleurs que nous avions mis à l’abri, évitant ainsi toute tentation de nos
bourricots. Un dernier coup d’œil et nous voilà prêts pour reprendre la route.
Au moment où
j’ouvre la porte qui donne accès à la rue, je suis surpris par la présence d’un
gendarme qui me dit aussitôt : « Maintenant vous pouvez sortir. »
C’est seulement à ce moment que je réalise que la sirène que j’avais entendue
n’émanait pas d’une ambulance mais d’une voiture de gendarmerie. Plus j’avance
dans la rue, plus je vois de voitures de la gendarmerie et des gendarmes – il y
en a partout. Mais qu’est-ce qui se passe ? Les gendarmes viennent juste
d’arrêter un homme qui menaçait les villageois avec une hache. Mon Dieu, et si
jamais les ânes s’étaient trouvé dans un pré accessible à tout un chacun –
mieux vaut ne pas y penser. Merci Annie d’avoir accepté les ânes dans la petite
cour.
« Je vous ai
encore préparé une petite surprise, » dit Annie, qui peut également sortir
de son domicile et tire derrière elle une caisse montée sur une sorte de
carriole. Quand elle ouvre le couvercle, je vois qu’il s’agit d’un orgue de
barbarie. « C’est mon cadeau d’adieu » dit-elle et nous quittons
Tharot sous les airs d’une valse. Voilà une autre petite histoire qu’écrit le
Camino.
Aujourd’hui le
chemin sera moins long puisque nous avons décidé de retarder la montée vers
Vézelay à samedi et de ne marcher que jusqu’à Asquins. Nous prenons le petit
chemin qui descend près du Grand Cray et longeons ensuite la ligne de chemin de
fer jusqu’à Valloux. En cette heure matinale et compte tenu du fait que les
ânes n’ont mangé que du foin cette nuit, nous leurs laissons le temps de faire
le plein d’herbes fraîches qui poussent en abondance.
A Valloux, nous
devons croiser la N6 qui est bien fréquentée et j’ai des doutes que tout le
monde respecte la vitesse réglementaire. Heureusement, nous pouvons accéder
après une centaine de mètres sur la D427 où nous nous arrêtons un petit peu
pour savourer le paysage près du pont qui passe au-dessus de la rivière Cousin.
Puis notre chemin nous mène directement vers un sentier qui donne accès au GR13,
sur lequel nous voulons passer en partie pour aller à Domecy sur la Vault. Le
dénivelé est cependant tel que nous décidons de ne pas abuser des ânes pour
passer de cent quarante deux à deux cent quarante mètres via un raccourci qui
fait à peine cent cinquante mètres. C’est la raison pour laquelle nous faisons
un petit détour par Vermoiron pour passer au GR13 par la rue qui mène à la
Croix Monmartre. Ce chemin n’est pas sans monter non plus mais la pente est
moins rude. Au cas où cette montée que nous avons contournée aurait été un
obstacle d’une randonnée d’une journée alors que les ânes n’auraient pas à leurs
actifs cent quatre vingt kilomètres dans les jambes, nous aurions pu l’attaquer
sans problème – mais en cette proche fin de notre périple de cette année, nous
préférons terminer en beauté. Pour arriver sur le plateau à hauteur du Champ
des pierres, nous mettons un certain temps puisque ce dernier se trouve à une
altitude de trois cent dix mètres. Henry et Basile ont très vite compris que
nous sommes prêts à négocier le rythme d’avancement et profitent pleinement des
friandises asiniennes qui nous restent. Si vous avez un jour la chance de faire
plus amplement connaissance avec un de ces représentants de la race aux longues
oreilles, vous comprendrez très vite que vous ne pourrez que difficilement résister
à son charme.
A Domecy sur la
Vault, nous rencontrons notre deuxième marchand ambulant et Daniel profite pour
acheter une baguette – disons plutôt qu’il a voulu le faire. A son retour,
alors que je suis resté près des ânes, il m’informe que le marchand ne peut
vendre des baguettes que sur commande. En contrepartie il a pu acquérir un des
seuls pains que le marchand avait pris en sus. Je connais le principe du sur
mesure, mais qu’on le pratique au plus profond de la terre des pèlerins isolés
me laisse un peu bouche bée. Comme il n’est pas encore midi et que le chemin
sur la journée restant à faire n’est plus tellement long, nous décidons de
faire une pause en face d’un logis de France et de l’église Saint-Léger. Une
fois qu’on a pris place dans le pré, une petite sieste à l’ombre s’ensuit,
déclenchée probablement par une petite fatigue générée par la distance parcourue ces derniers
jours. Et puis, qu’est-ce qui nous empêche en ce moment de nous laisser aller ?
A chacun son Camino – et le mien m’a suggéré maintenant un moment de lâcher tout.
Nous continuons
notre route sur le GR13 et sommes heureux de pouvoir transiter à travers une
forêt et être ainsi à l’abri du soleil. Les pluies des derniers jours n’ont pas
été sans laisser leurs traces par endroits, où le chemin forestier est rempli par
endroits avec de l’eau. Basile contourne largement chaque obstacle alors que
Henry avance tout droit. Je n’ai pas l’habitude de le voir passer à travers des
flaques d’eau et ne saurait vous dire si cette avancée est plutôt due à la
fatigue ou bien s’il avançait en dormant.
A la hauteur du Champ
Moré, nous quittons le GR13 qui mène à Saint-Père et bifurquons à droite en
direction Asquins. En pleine forêt, nous tombons sur un croisement de chemins
forestiers qui ne sont pas renseignés sur la carte et pour la première fois
nous nous voyons contraints de reporter les coordonnées du GPS sur la carte
pour nous retrouver. Comme Asquins se trouve dans la vallée, notre chemin
devrait logiquement descendre – hélas il y en a trois qui font autant. Une
petite illustration de la situation dans laquelle nous nous trouvons – forcé d’étendre
la carte par terre, d’y reporter les coordonnées du GPS, avec les ânes à la
laisse puisque les petits arbustes ne résisteraient certainement pas à leur
poids avec en prime Basile qui profite de tout arrêt pour vous faire part de
son amitié en frottant sa tête contre vous depuis le plus bas de la jambe
jusqu’à hauteur de la nuque. Inutile d’essayer de faire du contrepoids – il est
plus fort. Merde alors - arrête.
Arrivent soudainement
deux hommes qui sont en train de peindre les flèches indicatrices des chemins.
Visiblement ils ont les mêmes difficultés pour se retrouver à l’endroit où nous
sommes – par contre, ils nous confirment que pour aller à Asquins c’est bien le
chemin que nous avons voulu emprunter. Espérons que ceux qui arrivent après
nous sauront pleinement profiter des flèches repeintes dans la bonne direction.
Quelques mètres
plus loin, nous passons près d’une chapelle qui est indiquée sur la carte, ce
qui est bien le signe que nous sommes sur le bon chemin. A la sortie de la
forêt au lieu dit Belle Face je découvre Asquins dans la vallée mais surtout la
première vue sur la basilique de Vézelay. Merci saint Jacques de nous avoir
permis d’arriver dans le temps escompté même si nous n’y sommes pas encore.
A Asquins, nous
longeons le camping, passons le pont au dessus de la Cure et nous dirigeons
vers la mairie où nous faisons tamponner notre Crédential à l’effigie de la
coquille saint Jacques. A partir d’ici, nous sommes bien arrivés sur le chemin de
Compostelle à grande fréquentation. A la recherche d’un endroit pour passer la
nuit, on nous recommande le camping et pour éviter de dépenser des énergies
inutiles nous retournons d’où nous venons. Au retour nous découvrons aussi la
coquille dans la rue qui indique le chemin en direction de Vézelay. Nous nous arrêtons
auprès du café – station essence – près de la D951 et savourons une bière
fraîche et un sandwich.
Ceci est un message
personnel pour Luc. Oui, le Camino change le pèlerin à dose homéopathique et cette
fois-ci nous avons bien attaché Henry et Basile au grillage devant le café.
Sur le camping, il
n’y a pas grand monde et nous commençons à monter nos tentes étant donné qu’une
affiche près du bureau indique qu’une personne passe deux fois par jour pour
encaisser le droit de séjour et qu’en attendant le campeur peut s’installer.
Nous décidons de garder les ânes près de nous puisque l’herbe suffit à première
vue et je veux surtout éviter de devoir me lever la nuit pour vérifier si tout
est en ordre, ceci d’autant plus qu’à une centaine de mètres se trouve un
terrain de football sur lequel aura lieu un tournoi avec plusieurs équipes de
jeunes qui commencent à arriver.
Daniel fait encore
quelques achats dans l’épicerie, où l’exploitante se fait des soucis sur la
survie de son commerce une fois qu’elle sera à la retraite. Nous faisons
l’inventaire de ce qui nous reste de bon pour préparer du chaud et l’arrosons
avec un vin rouge fraîchement acquis. Plus tard dans la soirée, il y a un peu
plus d’animation sur le camping avec la mise en place de deux nouvelles
roulottes. Surgit également l’exploitante de l’épicerie qui nous propose un vin
un peu plus rond – inutile de préciser que nous avons passé une bonne nuit.
Avant de nous endormir, j’ai néanmoins profité de rappeler au personnel
encadrant d’une dizaine de footballeurs apprentis de la région parisienne que
la Province a ses règles bien à elle et que le repos nocturne est sacré. Le
message était bien passé étant donné que je ne me suis pas réveillé par du
bruit pendant la nuit.
Bien avant que
Vézelay ne prenne la relève, Asquins a été le lieu principal du départ pour
Saint-Jacques de Compostelle. Aujourd’hui l’église Saint-Jacques est classée
Patrimoine mondial par l’UNESCO.