MOGRO
– SANTILLANA DEL MAR
Samedi,
9 septembre 2017
Jour
9
22 km
Le
desayuno au Joyuca del Pas dépassait toutes nos attentes, raison de plus pour
recommander cette adresse. Tant pis pour tous ces pèlerins qui débarquent
encore ce matin à la gare de Mogro avec l’arrivée d’un des premiers trains qui
dessert la petite gare.
Puisque
chaque année il faut passer par une étape pénible c’est bien celle
d’aujourd’hui qui nous a mis à rude épreuve : du vent, de la grisaille, de
la plus battante pendant quelques minutes et puis tout l’après-midi il pleuvait
à pleins seaux. La première douche commençait peu après la ermita de la Virgen
del Monte à la sortie de Mogro.
A
la sortie de Mogro un peu avant Gornazo il semble que les guides sur le Camino
del Norte ne parlent pas tous le même langage puisque quelques pèlerins optent
pour une variante vers la gauche alors de les flèches jaunes disent qu’il faut
aller dans le sens opposé. D’autres ont des difficultés pour se décider et
préfèrent relire tout le passage qui parle du coin.
Ce
qui est avant intéressant quand la petite grisaille se transforme dans une vraie
pluie c’est la manière dont réagissent les uns et les autres. Ils y en a qui
mettent une pèlerine ou un poncho dès les premières gouttes. Comme j’avais
acheté en son temps une pèlerine très légère qui ne protège pas seulement
contre la pluie mais pour le surplus évacue le trop de chaleur vers l’extérieur,
je range dans la première catégorie – ma pèlerine est facile à mettre et sèche
dans un court laps de temps une fois que la pluie a cessé. Raymond semble
ranger également dans cette catégorie. Contrairement à moi il plaide plutôt
pour un poncho. Christiane quant à elle se retrouve dans la catégorie des super
prudents – elle n’a pas besoin de mettre une pèlerine puisque elle l’avait mise
dès le départ. Nicolas de son côté préfère attendre – il se pourrait que les
efforts des autres étaient en vain auquel cas il aurait investi dans un effort
qui n’a rien apporté. Restent deux catégories qu’il faut relever encore :
la première sont ceux qui ont oublié ou fait le mauvais choix des pèlerines et
qui risquent de se mouiller complètement ce qui fut le cas d’une pèlerine
allemande qui nous avons rencontré un peu plus loin. Finalement les durs des
durs : un pèlerin allemand qui, alors qu’il était déjà mouillé, a continué
de marcher sous la pluie et est venu prendre refuge sous un hangar près duquel
nous nous étions réfugiés en attendant que Saint Pierre ferme au moins pour un
petit instant ses écluses.
Par
précaution presque tout le monde avait jugé utile de dresser la housse anti
pluie sur son sac à dos. Il y en a qui ont amené un parapluie qui est fort
utile pour parer contre les petites grisailles. Nicolas et même possédons un
bâton pèlerin qu’on peut transformer en quelques secondes dans un parapluie.
Inutile de préciser que pas mal de personnes nous ont demandé les coordonnées
du fournisseur.
Pour
revenir sur le pèlerin allemand qui a mis sa pèlerine alors qu’il était déjà
complètement mouillé je pense ne pas être le seul qu’il a surpris pour d’autres
raisons. D’abord pour ce qu’il a raconté – difficile de se retrouver dans ses
réflexions. Puis il pérégrinait sans réservation aucune – la plus part du temps
il dormirait au claire la lune ce qui est quand même un peu surprenant par un
temps venteux et pluvieux. Pour se prémunir contre quiconque il portait ostensiblement
une bonbonne de gaz lacrymogène sur sa ceinture. J’ai rien contre le tutoiement
mais me demander en même temps un give me five sans savoir à qui j’ai affaire
c’est quand même un peu bizarre – il a probablement pris un coup de soleil les
jours précédents ou fumé une herbe qui lui a fait tourner les esprits.
Près
de Mar nous avons pris un café dans un bar et acheté de quoi casser la croûte
plus tard. A hauteur de la gare quelques pèlerins en ont assez de la pluie pour
aujourd’hui et préfèrent rejoindre l’objectif de la journée en train.
Le
Camino passe par après par Barreda qui est marqué par l’implantation de Solvay
Chimie pour y fabriquer de la soude. Les premières exploitations remontent à
mil huit cent soixante-sept. Le site industriel est visible dans un rayon
kilométrique relativement étendu, d’anciennes bâtisses informent qu’elles
servaient d’école et d’antenne médicale Solvay dans le temps. Le tout a
probablement été relocalisé dans le nouveau site ou se trouvent également le
restaurant d’entreprise Solvay près de la gare et face au parking sur lequel
des camions bennes passent dans un ballet à n’en pas finir.
Une
fois arrivés à hauteur de la gare de Barreda alors qu’une nouvelle averse
s’annonce, nous profitons de la salle d’attente pour y casser la croûte. Tout y
est : un chef de gare accueillant, une salle d’attente à l’abri des
intempéries avec en prime des toilettes dans un état impeccable.
La
suite de l’après-midi se résume comme suit : douze kilomètres sous la
pluie, encore de la pluie et rien que de la pluie à verse.
Dès
notre arrivée à Santillana del Mar nous n’avons qu’une envie – rejoindre
l’hôtel Los Angeles au plus vite pour prendre une douche et nous reposer un
petit peu.
Vers
dix-sept heures la pluie a fait une petite pause ce qui a permis à Nicolas,
Raymond et moi de faire un petit tour de ville, Christiane quant à elle a
préféré rester à l’hôtel.
Lors
de mon contact journalier avec notre transporteur de bagages je lui
communiquais l’adresse pour le lendemain. A ma grande surprise il m’informait
qu’il ne pouvait pas desservir l’hôtel que nous avions choisi dans le relevé
qu’il nous avait communiqué. Nous ne pouvions que spéculer sur la raison du
pourquoi. Après lui avoir fait comprendre que c’était quand-même lui qui nous
avait transmis le relevé des hôtels et que l’hôtel que nous avions choisi se
trouvait bien sur son relevé, il m’a informé qu’il me rappellerait et
chercherait une solution. Une heure plus tard il est revenu aux nouvelles pour
me dire qu’il avait trouvé un copain qui habite Bilbao qui pourrait faire le
transport mais cela coûterait dix euros de plus. Qu’est-ce que vous voulez
faire : on est à la merci d’une telle entreprise ce qui m’incite
quand-même à la réflexion suivante. Soit il est conscient du fait que pour
l’instant il n’y a personne d’autre qui offre le service soit il est
inconscient du fait que sa pratique peut faire le tour en un tour de main sur
les réseaux sociaux et il sera out. De toute façon il aura probablement de
grosses difficultés pour survivre à partir du moment où un autre prestataire
offrira ses services.
Recensé
depuis deux mille treize comme un des plus beaux villages d’Espagne, Santillana
del Mar est un aimant touristique de un par la vieille ville qui vous retourne
au Moyen Age avec ses rues pavées irréguliers et les toits des maisons qui
n’ont pas de gouttières. De deux bien entendu les grottes d’Alamria. Sans avoir
de preuves tangibles sur le nom que porte la ville, tout semble s’orienter vers
Sancta Illana. Toutes les maisons anciennes que l’on peut encore admirer de nos
jours et qui se trouvent dans un état remarquable dates des XVIe et
XVIIe siècles.
Vers
vingt heures nous sommes revenus dans la ville pour y manger. La lumière
tamisée émise par les réverbères vous met dans une ambiance rétro et laisse présager
à quoi rassemblaient les rues alors qu’elles n’étaient éclairées qu’avec des
cierges ou autres matières peu étincelantes. Je savais que le boudin noir est
également une spécialité espagnole, la version du chef dépassait toutes mes
attentes. Vers vingt-et-une heures trente alors que nous voulions rentrer à
l’hôtel, il était impossible de sortir du restaurant à cause d’une pluie qui
avait doublé d’intensité conférant aux ruelles une atmosphère pesante. L’eau
qui coulait des toits atterrissait faute de gouttières chez le voisin et une
petite rivière descendait par où le pavé était au plus bas. Ajoutez à tout cela
des lumières à faible intensité et vous vous croyez vraiment à une autre époque
– ne manquaient plus que les poules et les cochons dans la rue pour compléter
le rétro.