LES
CARS – LA COQUILLE
Mercredi,
31 juillet 2013
Jour
3
20 km
Même
si j’ai déjà mieux dormi qu’à Aix-sur-Vienne, je me suis quand même réveillé à
plusieurs reprises. Remplir le sac à dos et surtout se rappeler où il faut
mettre quoi est entretemps devenu une routine qui fonctionne à merveille. Marc,
interrogé sur le sujet, me confirme que la routine commence également à prendre
sa place d’usage chez lui.
Nous
prenons le petit déjeuner à sept heures le quart et j’observe en même temps les
clients de passages qui répondent tout à fait à ce que je dirais si on me
demandait de décrire le clients d’un bistrot yeux fermés : porte ouverte,
la petite bise en rentrant, commande d’un espresso, difficulté pour résister à
la tentation de fumer à l’intérieur, achat d’un paquet de cigarette, achat d’un
billet de lotto et critique du gouvernement. Désolé pour mes amis français de
l’image que j’ai de vous et que je suis en train de décrire, mais avouez qu’il
y a quand même quelque part de vrai.
Après
le passage obligé chez le boulanger, nous quittons Les Cars vers sept heures
quarante-cinq en empruntant sur une partie du trajet la D21. Contre toute
espérance, le trafic sur cette route était un des plus denses qu’on a rencontrés
sur tout notre périple.
Côté
température, ça chauffe – déjà à huit heures et après une heure de marche nous
appliquons le premier poudrage au talc. Comme Marc rencontre visiblement les
mêmes problèmes au niveau de la transpiration des pieds que moi-même, les haltes
poudrages se passent sans contrainte d’attente ni pour l’un ni pour l’autre. Il
y a pour le surplus un avantage : le premier qui met la main sur le
récipient de talc le continue dans la suite à l’autre. C’est ainsi que le
récipient talc qui à l’origine se trouvait au fonds du sac à dos change
d’emplacement pour être placé à portée de main.
La
route sur laquelle nous progressons ne comporte aucune difficulté particulière
et permet de marcher côte à côte. Comme nous aurons des élections prématurées
au Luxembourg au mois d’octobre, nous parlons un peu du passé, de ce que le
gouvernement a fait, de ce qu’on avait promis de faire et de ce que finalement
on n’a pas fait. En tant que grands experts politiques sans la pratiquer, nous
savons bien entendu comme tout le monde ce qu’on aurait dû faire autrement et
de ce qu’on ferait encore, sauf et oui sauf qu’on n’avait pas le courage
en son temps de se porter volontaire pour se présenter au vote de l’électeur,
pour peu qu’un parti politique aurait reconnu les capacités dormantes dans deux
pèlerins.
Pendant
toute la matinée nous longeons des étangs, une fois avant Lautrette où la
configuration du terrain est cependant relativement nivelée et plus tard en
direction de Châlus, qui se prononce au niveau local comme Chèlu. Sur cette
partie du trajet, le trop plein d’un étang se déverse quelques centaines de
mètres plus loin dans un autre étang et ainsi de suite. Ce qui frappe aux yeux
n’est pas le fait qu’il y ait un étang mais leur nombre.
A
force de marcher et de vouloir atteindre son objectif de la journée, je
constate après coup qu’il est dommage de ne pas se renseigner d’avantage auprès
des locaux ou plus simplement d’avoir lu un peu de documentation au préalable.
Savoir si effectivement on passera par là dans la suite est cependant une autre
chose, ce qui explique pourquoi je me laisse surprendre par ce que je vois.
En
ce qui concerne Châlus, je me suis renseigné, comme d’usage, après y avoir posé
les pieds. Historiquement, on a donc marché dans le coin qui a coûté la vie à
Richard Cœur de Lion et où est passé Lawrence d’Arabie, à qui est dédié une
plaque commémorative. Hydrographiquement parlant, les étangs sur le territoire
de la commune sont au nombre de soixante et devraient s’expliquer par
l’abondance des précipitations et des sources naturelles. Aujourd’hui, je
comprends mieux pourquoi un village dans lequel on est passé s’appelle Le Lac.
Le
couvent de Sainte-Marie de Frugie se trouve sur une ligne droite de sorte qu’on
le voit longtemps avant d’y arriver. Le bâtiment en tant que tel n’a rien
d’extraordinaire mais ressemble au genre de couvent qu’on rencontre chez nous
avec ses murs empêchant celui qui passe devant de voir à l’intérieur et celui
qui se trouve à l’intérieur de voir à l’extérieur. Délimiter un terrain par une
haie qui, en hiver, ouvre partiellement la vue ou prévoir quelque chose pour
empêcher les animaux de prendre la fuite me semble de mise. Je n’ai jamais compris
pourquoi tant de gens mais surtout des institutions de quelque genre que ce
soit, érigent des murs qui empêchent toute vue. De quoi a-t-on peur ou
qu’est-ce qu’on veut cacher ?
Près
de l’église de Sainte-Marie de Frugie nous décidons de faire notre pause midi
et j’en profite pour m’installer confortablement sur mon matelas alors que Marc
s’assied sur une autre protection. Chacun de nous s’endort à la minute sans
avoir omis d’enlever, les souliers et les chaussettes, veillant à mettre ces
dernières au soleil pour sécher.
Tiens,
un détail que j’aurais presque oublié qui mérite d’être mentionné. Aujourd’hui
nous n’avons pas rencontré une église qui était fermée.
C’est
justement devant cette petite église de Sainte-Marie de Furgie que j’ai
ressenti une douleur dans mon pied gauche. Pendant la pause midi j’en ai parlé
à Marc et il m’a proposé d’y jeter un coup d’œil tout en me précisant que ç’aurait
été son souhait de faire des études d’ostéopathie. Comme souvent on finit par
étudier autre choses que ce dont on avait envie. Dès la première prise en main,
j’ai pu me rendre compte que Marc ne prétendait pas seulement en savoir en peu
en la matière mais qu’il avait la manière de s’y prendre. Depuis qu’un tiers
m’avait heurté avec sa voiture devant un stop il y a une vingtaine d’année,
j’ai visité à plusieurs reprises un ostéopathe et à ce jour j’ose prétendre que
je sais faire la différence entre quelqu’un qui s’y connaît et ceux qui exercent
le métier sans jamais mériter le qualitatif qui est rattaché à leur profession.
Après plusieurs manipulations qui m’ont réveillé malgré une petite fatigue,
Marc me disait qu’il croyait qu’il s’agissait d’une petite inflammation.
Arrivé
à La Coquille, nous passions devant un centre médical et je m’y rendais pour me
renseigner s’il y avait une pharmacie dans le coin, question d’acheter une
crème anti-inflammatoire. Un des médecins me donna les coordonnées de la
pharmacie du coin et me confirma qu’il s’agissait d’une petite inflammation.
Elle me recommandait d’aller voir un ostéopathe dans le village et se proposa
même de l’appeler. Malheureusement il était absent et elle me donna l’adresse
d’une ostéopathe à Thiviers, une autre halte sur le Camino.
La
Coquille porte dans son emblème une coquille et la ville doit son nom au fait
qu’en son temps on y donnait aux pèlerins une coquille Saint-Jacques, qui est le
signe extérieur de reconnaissance en tant que pèlerin.
Vers
treize heure trente, en face de l’église Saint-Joseph nous avons savouré une
bonne bière par une température que nous ne pouvions situer exactement, mais
qui s’avérait être visiblement au-dessus de la moyenne saisonnière. Plus tard,
la recherche d’un abri s’est révélée un peu plus difficile et c’est une des
employées communales qui, au moment où nous faisions tamponner notre crédential,
qui nous recommandait de l’essayer encore chez les Anglais – juste en face. Les
Anglais d’en face sont en train de rénover une maison, qui était un restaurant
très fréquenté du coin. Inexploité et pris par l’usure du temps, les Anglais y accueillent
déjà des clients sous l’enseigne « Quracea ». Le séjour était très
agréable et je ne peux que recommander aux pèlerins d’y descendre, ceci
d’autant plus qu’ils ne se trouvent pas encore dans le guide officiel du
pèlerin. Comme je leur avais promis de faire de la publicité pour leur projet,
voilà qui est fait.