AIX-SUR-VIENNE
– LES CARS
Mardi,
30 juillet 2013
Jour
2
22 km
La
température ambiante dans ma chambre a été trop élevée pour fermer la fenêtre
et empêcher ainsi d’être constamment réveillé par le bruit des voitures, qui
passaient devant l’hôtel. J’ai dormi mais un bon sommeil correspond à autre chose.
Comme
la météo annoncée prévoyait les trente degrés, nous avions convenu de prendre
le petit déjeuner à sept heures trente, afin de nous permettre de partir à huit
heures au plus tard. Le petit déjeuner qui était servi répondait au nécessaire
d’un pèlerin et nous avons pris congé à l’heure prévue.
Marc
m’a informé que la routine pour remplir le sac à dos mettrait probablement
encore une ou deux journées et je lui ai souhaité la bienvenue au club.
Conformément
au guide, nous sommes passés près de l’église romane et ogivale dédiée à Notre-Dame
et avons trouvé un boulanger qui avait ouvert sa porte. Après avoir acheté un
pain, nous nous sommes dirigés vers la petite route des Châtaigniers pour
rejoindre la sortie de la ville et longer les moulins Moreau, David, le Mas
Neuf et Japaud. Juste avant d’accéder à cette rue, Marc m’a regardé d’un air
inquiet en fouillant dans sa poche pour s’écrier : « Merde, j’ai
encore la clef de la chambre dans ma poche ». Le temps pour moi de déposer
mon sac à dos et d’attendre son retour. Plus tard, je lui racontai que mon
épouse avait en son temps également oublié de rendre la clef d’une chambre
d’hôtel à Florence, sauf qu’elle s’en est seulement aperçu à notre retour à
domicile. Nous avions informé l’hôtel et renvoyé la clef par la poste.
Le
chemin qui longe les quatre moulins correspond bizarrement au paysage qu’on
trouve également au Grand-Duché de Luxembourg et nous échangeons quelques réflexions
à ce sujet sans cependant aller trop dans le détail. Ce qui frappe aux yeux est
le fait que nous sommes fin juillet et que la végétation est verte comme dans
un début mai. Interrogé à ce sujet, un local nous informe qu’il a en effet plu
de manière continue jusqu’à la semaine passée.
Juste
avant d’arriver à Saint-Martin-le-Vieux, nous passons près du château de la
Judie dont la construction remonte aux années mille six cent quarante et
suivantes. L’édifice, qui est en mains privées et ne peut être visité, comporte
un corps central flanqué à l’est de deux tours circulaires et rectangulaires.
Le
soleil commence à nous tomber dessus et comme convenu nous nous rappelons
mutuellement les règles élémentaires, qui permettent de progresser dans de
bonnes conditions : ne pas oublier d’utiliser la crème solaire, boire
régulièrement, manger un petit quelque chose et appliquer du talc sur les pieds
quand on estime que la sueur risque de l’emporter et surtout adapter un rythme
de croisière qui n’épuise pas à terme nos réserves. Etant donné qu’il s’agit de
règles préalablement établies de commun accord, ni Marc, ni moi-même n’éprouvons
quoi que ce soit si l’un d’entre nous vient à charge. Devinez ce qui figure au
top des rappels : Roland respectivement Marc : nous marchons trop
vite.
A
l’entrée de Saint-Martin-le-Vieux, une entreprise de construction routière est
juste en train de refaire le tapis, quand nous arrivons à hauteur de l’église
Saint-Martin dont la partie primitive date du 12e siècle. Comme nous
avons un petit creux et qu’un petit poudrage de pieds nous ferait du bien, nous
bifurquons à droite en direction de la mairie et déposons nos sacs à dos sous
un abri, pour lequel on ne peut que féliciter les responsables qui l’on fait
construire. Situé dans un angle de presque quatre vingt-dix degrés et ouvert
côté mairie, il protège par tout temps – à la fois contre le soleil ou une
pluie éventuelle. En attendant le séchage de nos chemises fonctionnelles sous
un soleil battant, nous consommons des fruits séchés. A force de manger de
temps à autre une petite ration, nous sommes d’accord pour dire qu’on n’a pas
besoin de manger plus. Commence alors une discussion sur la manière de manger à
midi, quand nous ne sommes pas sur la Camino. Comparé à l’effort physique dans
ces conditions, nous sommes d’accord qu’on mange beaucoup trop au journalier.
Comme nous ne souffrons à nous deux pas d’un problème de surpoids mais du juste
ce qu’il faut, nous terminons vite cette discussion pour ne pas nous
démoraliser pour l’avenir. Il est presque midi quand nous repartons et j’en
profite pour aller faire tamponner le crédential à la marie avant la fermeture
des bureaux.
Jusqu’à
Flavignac nous ne croisons que des cultivateurs qui sont en train de rentrer du
foin. Un panneau nous indique que nous sommes à vingt-six kilomètres
d’Oradour-sur-Glane, ville tristement célèbre par un crime des nazis pendant la
deuxième guerre mondiale. Aller-retour, il faut compter deux jours étant donné
que c’est à l’opposé de la direction qui est la nôtre - nous décidons de
continuer notre route sachant qu’on est tout près.
L’historique
de Flavignac est très bien documenté sur le net et je ne peux que conseiller
d’y jeter un coup d’œil. Vouloir mettre en exergue un point précis de cette
histoire dépasserait l’objectif de mon reportage. Je ne peux cependant me
passer d’une comparaison avec Aix-sur-Vienne. Flavignac est une ville qui
vit et les efforts des commerçants sont récompensés par l’afflux d’une
clientèle, certes pas en très grand nombre, mais probablement en nombre
suffisant pour leur permettre de survivre et ainsi contribuer à prévenir
l’exode de la France profonde. Comme nous avons réservé une chambre à l’hôtel « Le
Simone » à Les Cars, nous ne nous arrêtons pas au refuge pèlerin local,
qui a ouvert ses portes en deux mille cinq.
Arrivés
à destination, nous prenons possession de nos chambres et profitons pleinement
du confort accessible dès l’arrivée, alors qu’en compagnie des ânes il nous
aurait fallu nous mettre préalablement à la recherche d’un abri et d’un pré. Si
jamais je devais continuer avec les ânes, il est sûr et certain que je devrais
quitter le chemin officiel du pèlerin qui devient de plus en plus orienté
commerce avec ses très bons et moins bons côtés. Compte tenu de l’expérience de
deux mille douze et des deux étapes de cette année, je dois conclure que la
progression avec des ânes peut certes se faire mais uniquement en empruntant
une route auxiliaire.
A
part l’église de la Nativité de la Très-Sainte-Vierge et les ruines du château
qui a été détruit pendant la Révolution Française, le tour du village est vite
fait. Quant aux commerces sur place, on y trouve à part l’hôtel, dans lequel
nous sommes descendus, une épicerie et une boulangerie ce qui pour le pèlerin
est ce qu’il faut pour refaire ses provisions et avoir un toit sur la tête pour
la nuit. Après le tour du village, nous assistons à l’hôtel à un drôle de
scène. Alors qui nous récupérons encore un peu dans nos chambres, nous
entendons des bruits et des soupirs. Plus par curiosité que par l’appel vers la
table pour aller manger, nous découvrons dans l’escalier qui mène à l’étage, comptent
une bonne vingtaine de marches, un couple qui monte l’escalier. Lui à l’avant
chargé comme une mule, en train de transpirer comme un arrosoir, porte des
valises et sachets dans ses mains comme si on avait devant soi quelqu’un qui était
en train de déménager. Libre à chacun d’apporter dans sa chambre ce dont il
croit avoir besoin, mais à sa place j’aurais fait le chemin plusieurs fois.
Néanmoins compte tenu de sa taille qui à elle seule remplissait déjà la cage
d’escalier, il ne voulait probablement plus descendre par incapacité physique.
Ce spectacle dura une bonne dizaine de minutes et chaque marche ou plutôt
tentative de gravir la prochaine était accompagnée de gros soupirs. A l’arrière
probablement son épouse avec une sorte de chaise sous les bras n’était pas non
plus dotée d’une capacité d’avancement plus avantageuse.
Même
si le pèlerin auvait donné un coup de main, il n’aurait pas pu descendre les
escaliers par peur de ne plus pouvoir prendre le chemin le lendemain sans se
faire écraser. Il y a des moments dans la vie d’un pèlerin où il faut également
pouvoir faire preuve d’attendre que les choses se passent.