A
FONSAGRADA – O CADAVO
Mercredi,
26 septembre 2018
Jour
8
27 km
Dans la Casa Manolo celui qui
servait le desayuno nous avait recommandé de prendre près de l’église à droite
et de ne pas aller tout droit – ce serait mieux et moins long. Puisqu’il habite
le village, il devrait avoir raison. Après coup il nous semblait qu’il avait
probablement pensé que nous étions ici en voiture puisque tous les pèlerins que
nous avions rencontré près de l’église étaient en même temps que nous à la
sortie du village.
Dès la première montée la
poudrière soignait les pieds de celui qui l’accompagnait. Par contre l’appman
cherchait toujours le chemin ou était déjà passé devant – on ne le l’avait pas
vu non plus les âmes sœurs.
Sur une distance de plus ou moins
deux kilomètres le Camino passe par un chemin qui venait d’être réaménagé il y
a peu de temps. Pendant la reconstruction on avait pris soin d’y installer des
rainures aussi profondes qu’une voiture ne peux pas y passer sans endommager sa
carrosserie. A quoi bon, je ne le sais pas. Fait est qu’on n’y rencontrait aucune
voiture. Les agriculteurs du coin peuvent certes y passer avec les tracteurs
mais sont contraints de réduire la vitesse presque au point mort à chaque
passage – dire que j’avais compté une bonne douzaine de rainures, ils
remercient probablement chaque jour l’ingénieur qui a eu ce coup de génie.
Sur les hauteurs de Pedrafitelas
j’avais discuté un peu avec une pèlerine qu’on avait déjà vue l’autre jour et qui
avançait également à un rythme fou. Interrogée pourquoi elle avançait aussi
vite, elle me répondait qu’elle voulait « terminer le Camino pour lundi
prochain ». Originaire de Bolovie elle était prof de yoga à Barcelone et
était sur son premier Camino en partant d’Oviedo. Ses étapes étaient les mêmes
que les nôtres et en plus elle avait également réservé d’avance. Alors si elle
avait réservé d’avance pourquoi vouloir arriver le plus vite possible et bruler
des grains inutiles pour les jours à venir ? Elle ne s’était jamais posée
la question de la sorte.
Les vestiges de l’ancien hospital
de Montouto et le dolmen à hauteur du parc éolien sur la première montée de la
journée unissent le temps passé et les temps modernes sur une superficie d’à
peine deux hectares. Par ailleurs le petit plateau permettait d’avoir de
nouveau une des ses vues imprenables réservée à ceux qui sortent des sentiers
battus.
Sur la descente à Paradevella on
passe de mille à sept cent mètres sur une distance de quelques quatre kilomètres.
Cette descente n’est pas dangereuse mais interminable et compte tenu du fait
que nous avions croisé une partie de forêt qui avait été la proie du feu
l’année passée, nous nous demandions que faire ici si jamais il y aurait le feu
ceci d’autant plus qu’on se trouvait dans une sorte de sapinière qui n’avait vu
aucune goute d’eau depuis plusieurs semaines. Le fait que la température
frôlait entretemps de nouveau les trente degrés, nous n’attendions pas mieux
que de sortir de et entonnoir.
Après une heure de descente juste
avant d’arriver à Paradavella je voyais un panneau « Bar » et
j’entendais des voix. Ce bar tombait à pic et nous n’étions pas les seuls pour
y faire une pause. Petit mais soigné, avec une terrasse couverte et des tables
et des chaises sur une partie qui en basse saison doit probablement servir
d’aire de stationnement, l’exploitante avait la fibre commerciale et rentrait
son blé. Tous les pèlerins y ont bu au moins un rafraichissement et consommé un
pincho ou autre chose. C’est d’ailleurs la première fois qu’on me servait le thé,
que j’ai l’habitude de prendre le matin, non pas dans une tasse mais dans une
théière : le double de liquide au même prix qu’ailleurs. Le chien de la
patronne n’accueillait pas tout le monde du même genre et bonjour les dégâts
pour le pèlerin qui pérégrinait avec son cleps. Sans l’intervention de la
patronne qui l’avait pris sous son bras pour le mettre dans sa cage il aurait
continué à défendre son terrain avec tous les moyens de bord qui étaient les
siens. Les deux chats qui tournaient dans le coin et cherchaient à attraper un
peu de pincho ne dérangeaient pas les pèlerins – bien au contraire.
Alors qu’on s’était bien établi
et mis notre écharpe pour protéger le coup puisque la terrasse se trouvait dans
l’ombre, une des âmes sœurs – la stewardess – faisait son apparition. Pendant
la journée chacune d’elle marcherait seule. Pour épargner des frais elles se
mettraient ensemble pour la nuit nous disait-elle.
Que tout commerce évolue en
fonction de son emplacement était plus que visible à Paradevella. Le bar ou
nous nous étions arrêtés était plein alors que celui qui se trouvait à quelques
centaines de mètres plus loin situé sur la LU530 était presque vide. Si c’était
à refaire et rien que pour la configuration des locaux je serais retourné au
premier.
Entretemps nous avions également
eu des nouvelles de Nicolas et son épouse qui nous accompagneront pour les
derniers cent kilomètres. Ils étaient bien arrivés à Lugo la veille après avoir
pris l’avion de Luxembourg pour Madrid et continué la route de Madrid à Lugo en
train avec un arrêt prolongé pour des raisons techniques. Ils nous attendraient
avec impatience.
Pour la suite mon plan A4 indique
« Camino en mal estado » - je veux bien mais c’est plutôt vrai par
temps mouillé – un peu de pente du mauvais côté et par ailleurs il ne permet
qu’une progression en file indienne mais « mal estado » est relatif.
Par contre pour la suite il indique « Cuesta durisima » - c’est vrai
mais c’est peu de le dire. A mon avis il faudrait modifier la notice en
« Cuesta muy durisima ». Si
vous voulez tuer le pèlerin, vous lui mettez le premier jour rien que cette
montée de deux kilomètres et il aura besoin de plusieurs jours pour s’en
remettre. Comme le Camino Primitivo est connu pour être plus dur que les autres
chemins, ici vous êtes servi.
A Lastra juste après la sortie de
la forêt de cette montée durisima se trouve un petit bar dans lequel la moitié
des pèlerins fait une halte alors que les autres continuent leur route. Nous y
avons attendu Raymond et cassé la croute. Assise sur le devant d’un mur se
trouvait une pèlerine qui soignait sa cheville qui n’était pas belle à voir.
Contrairement à l’exploitante du bar en bas de la montée, celle-ci fonctionnait
plus d’après le principe du self-service et sa priorité était plutôt de finir
d’éplucher les pommes de terre sur la terrasse avant de s’occuper des clients.
Il existe des étapes au courant
desquelles vous ne voyez pas les kilomètres passer, alors qu’il y en a d’autres
où c’est justement le contraire. L’étape A Fonsagrada – O Cadavo tombe
indiscutablement dans cette catégorie surtout en ce qui concerne les derniers
cinq kilomètres. Après avoir escaladé la dernière montée du jour, suit une
descente avec des faux plats sur un terrain avec du gravier fin dans lequel se
trouve du verre cassé qui, si le soleil y fait du sien, brille et vous fait mal
aux yeux.
A O Cadavo nous avons passé la
nuit dans l’albergue Porta Santa exploitée par une jeune femme qui ne laissait
personne monter à l’étage sans avoir entreposé ses chaussures dans une étagère
incorporée dans le mur – bonne idée mais ça ne plaisait pas à tout le monde.
Pour un petit pécule elle nous offrait en plus de faire notre linge ce qui nous
arrangeait bien. Par ailleurs elle m’expliquait que demain elle ne pourrait
exceptionnellement pas servir le desayuno puisqu’elle aurait rendez-vous chez le
pédiatre avec son enfant et du coup elle nous proposait un rabais sur le prix
de séjour.
Tout comme les autres villages
dans lesquels nous sommes passés, O Cadavo ne compte pas beaucoup de commerces
ni d’industries. On voit à gauche et à droite un peu d’agriculture et surtout
le plein de pèlerins ce qui donne un sérieux coup de pousse à l’économie
locale. Telle était justement le cas pour le bar restaurant à quelques mètres
de l’albergue Porta Santa. A l’intérieur un bruit infernal: de un à cause du
téléviseur dont la puissance du volume était probablement à son maximum et de
deux par des pèlerins qui, après l’étape du jour avaient directement attaqué la
cerveza avant de se désaltérer dans un premier temps avec de l’eau. Sur la
terrasse à part le bruit du téléviseur, l’ambiance était la même interrompue de
temps à autre par une voiture qui passait. Dans cet environnement il tombe sous
le sens que certains, pour bien ancrer leurs dires ou souligner leur point de
vue, se sont donnés à frapper avec la main sur la table. Dans des moments
pareils je préfère chercher le large et soit me reposer soit faire un peu le
tour du village.
C’est justement dans ce
restaurant que nous avons également mangé en soirée et constaté que le degré
d’alcool n’était pas seulement une affaire de certains pèlerins mais touchait
également la population locale. Le restaurant est situé le long de la route
principale et en face se trouve une bifurcation pour passer dans une autre rue.
A un certain moment une voiture tourne de la route principale pour s’engager
dans le virage. Au lieu de continuer sa route et libérer le passage, le
conducteur s’arrête en plein virage, sort avec beaucoup de difficultés de sa
voiture et vacille jusqu’au comptoir pour se déshydrater avec un liquide qui
n’était pas transparent. Après un passage aux servicios il a cherché à
rejoindre sa voiture ce qu’il est parvenu à faire après quelques essais et libérer
le virage par la suite.