Melide
- SALCeDA
Lundi,
1er octobre 2018
Jour
13
22 km
Lors du desayuno nous avions
rencontré trois pèlerines suédoises dont une portait une coiffe qui laissait
supposer qu’elle était d’origine scandinave sans pour autant pouvoir lui
attacher un lieu de provenance exact. Le desyauno en lui était typique pour la
région sauf qu’on nous apportait du tostado à volonté sans supplément. Alors
que nos chemins ne s’étaient pas croisés depuis quelques jours, nous avions
rencontré les âmes sœurs à hauteur de l’église. Les croiser à cette heure
matinale laissait prévoir qu’une nouvelle journée de recherche commençait.
L’étape du jour croise à de
multiples reprises la N547 ce qui vous incite à prudence. Jusqu’à Castaneda il
y a quelques faux plats et la suite ne présente plus de difficulté
particulière. Ce qui est par contre gênant est le bruit des voitures et l’odeur
émise par les modèles construits il y a longtemps.
Castaneda est intéressant à
double titre. Juste à l’entrée du village à travers un chemin boisée se trouve
un petit chalet en bois tenu par une personne qui propose un peu de tout à la
vente : denrées alimentaires, boissons, tarte de Santiago, écharpes et
pins. Puis à l’intérieur du village je voyais un homme que j’estimais dans les
quatre-vingt ans venir en sens opposé de notre marche. Arrivé à une dizaine de
mètres, son visage s’illuminait et il souriait comme on le fait lors de la rencontre
avec une personne qu’on aime bien et qu’on n’a pas vu depuis longtemps. Juste à
ma hauteur il venait à mon encontre et levait son bras droit pour un
« give me five » que j’ai volontiers retourné. J’avais tout attendu
sauf ce geste – impressionnant ce que des gens peuvent faire sans se connaître pour
laisser un souvenir inoubliable.
Avant de partir sur le Camino
2018 j’avais vu un reportage sur une chaîne allemande intitulée
« Asphaltpilger ». Il s’agissait d’un groupe de huit couples
d’allemands partis avec leurs camping-cars pour s’arrêter devant chaque village,
faire un kilomètre à pied, aller chercher un tampon pour leur Crédential et
continuer ainsi la route jusqu’à Saint Jacques de Compostelle. Ce qui m’avait
interpelé le plus était la manière dont un des participants se vantait
connaître maintenant la manière dont le Camino était fait. Par contre il y
avait un couple qui à partir de la quatrième journée s’interrogeait si ce
qu’ils faisaient, correspondait bien à la réalité des choses : « j’ai
un peu honte » confiaient-ils au reporter « de voir des pèlerins dans
la pluie et la chaleur à la recherche d’un abri en fin de journée alors que
nous on a tout, bien au chaud, à l’abri de la pluie ou dans un environnement
climatisé ».
Comme ce reportage m’avais étonné
à outre mesure, j’étais d’autant plus surpris que depuis quelques jours nous
avions vu un camping-car à l’entrée des villages dans lesquels nous avions
battu le pavé. Ils étaient effectivement en train de collecter des tampons pour
le Crédential.
Tout près de Ribadiso dans une
clairière se trouve le Bar Manuel – le lieu idéal pour faire une pause. Devant
le bar une bonne douzaine de tables, chacune munie avec un parasol et le plein
de pèlerins. A l’intérieur se trouvait une affiche vantant les fromages locaux.
La patronne m’expliquait que le fromage provient exclusivement du lait de la
région et nous avons profité pour gouter deux sortes – une merveille le tout
avec un peu de pain et un café.
Alors que tout le monde était
depuis le petit matin en tenue de travail c.à.d. Tshirt pour éviter une
surchauffe et une transpiration trop abondante, je ne peux me passer de dire un
mot sur les pèlerins « asiatiques » qu’on rencontre en abondance. Si
certains réagissent comme nous, la grande majorité semble néanmoins avoir peur
du soleil. J’ai des difficultés pour comprendre, alors que le pèlerin lambda
pérégrine en Tshirt, pourquoi des personnes mettent une jaquette fermée
jusqu’au coup – il ne manquait que certains mettent encore des gants.
Les us et coutumes étant ce
qu’elles sont, il est cependant parfois difficile pour faire la différence
entre ce qui est typique pour un coin et le respect du travail d’autrui. Tel
est notamment le cas en Espagne avec les papiers qu’on trouve par terre que ce
soit sur une terrasse ou dans un bar. Les locaux jettent en effet tout papier
par terre, que ce soit l’emballage d’un sucre ou autre, alors que nous on a
plutôt l’habitude de mettre ces papiers dans le premier bac à ordure qu’on
trouve ou du moins, en ce qui concerne l’emballage d’un sucre, de le mettre
soit dans la tasse vide ou le caler entre l’assiette et la tasse. C’est certes
prétentieux me direz-vous, mais une fois sur place on change vite d’avis si la
personne qui doit ramasser le tout par après a un certain âge et gagne
difficilement son pain.
Pour éviter le bruit des voitures
le long de la N547 nous avions opté à Arzua de prendre sur quelques kilomètres
une route alternative passant par Pregontono. Je ne peux que recommander cette
alternative dans la mesure où elle passe partiellement à travers un beau chemin
forestier avant de rejoindre derrière Pregontono le Camino Frances.
Vous connaissez probablement ce
sentiment qui vous empare les derniers jours de vacances alors que vous êtes
encore en vacances mais pas encore rentré. On se trouve quelque part entre deux
chaises. C’est justement ce que je ressentais en cette fin de journée. Physiquement
j’étais toujours sur le Camino mais dans la tête je n’y étais plus.
La Casa Tia Teresa dans laquelle
j’avais réservée pour la nuit se situe sur la N547. La maison ne dispose que de
quelques chambres et le comedor n’est pas trop grand. Cependant dès notre
arrivée, à voir la Tia (tante) Teresa, on se sent chez soi. Un accueil comme si
on retrouvait de vielles connaissances et toujours à la quête pour savoir si on
se sent bien etc. Nous avons bien entendu pris le repas chez elle et il se
passe de commentaires pour dire que c’était excellant tant en ce qui concerne
la qualité que le service assumé par le mari de tia Teresa.
Mon Camino avait failli se
terminer en cette veille d’arrivée à destination. Alors que nous mangions
j’avais mis une jambe sur l’autre sans me rendre compte que mon pied gauche
s’était endormi. Au moment de me lever, le pied refusait tout service et au
dernier moment j’ai pu m’appuyer avec la main sur une table voisine. Plus de
peur que mal lourd de conséquence. On n’est jamais arrivé tant qu’on n’est pas
au point final.