Chassignelles - Annoux - Camino

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Trajet > 2009
CHASSIGNELLES - ANNOUX
 
Mercredi, 27 mai 2009
Jour 7
24 km
 
 
Après un bon petit déjeuner au restaurant de l’Ecluse avec vue sur le canal nous allons récupérer les ânes qui sont très contents de nous revoir après une nuit à la laisse dans le hangar. Les bâts se trouvent dans la remorque dans laquelle nous les avions déposés la veille. Je suis cependant plus préoccupé par la récupération de mon appareil photo que le fermier m’avait promis d’y déposer, quand je le découvre effectivement, attaché à l’arrière de la remorque avec en prime une baguette fraîche. Merci pour tout, même si nous n’avons pas eu trop le temps de nous parler après l’étape épuisante du mardi.
 
Nous décidons de ne pas prendre directement une de ces petites départementales mais de longer le Canal de Bourgogne jusqu’à l’entrée de Fulvy. Ce canal, d’une longueur de deux cent quarante-deux kilomètres avec cent quatre-vingt neuf écluses, relie Migennes dans l’Yonne à Saint Jean de Lossne dans la Saône.  L’éclusière est en train de soigner ses fleurs et à travers la porte ouverte on entend de la musique celte à haut débit. Allez Henry, profitons de ce merveilleux bout de chemin le long duquel l’eau est presque au même niveau que le chemin. Par rapport au temps lourd d’hier, il est très agréable ce matin avec un soleil au rendez-vous qui ne frappe pas trop fort. On a l’impression de se trouver dans un autre monde, pas un bruit qui dérange, ici et là des oiseaux qui chantent et pour compléter ce concert - les clochettes des ânes. J’aurais bien aimé marcher encore un peu le long de ce canal mais le trait à vol d’oiseau, que j’avais dessiné sur la carte, nous oblige à changer de cap à Fulvy. Sur cette petite partie le long du canal, nous rencontrons un seul randonneur avec un petit sac à dos – une femme qui se doutait un peu de trouver des pèlerins en face d’elle. Nous échangeons quelques mots et elle nous convie que son rêve est de partir sur le Camino mais que jusqu’à ce jour elle n’avait pas encore osé prendre la route. Vous vous rappelez de ce que j’avais écrit sur les rêves l’année passée ?
 
A l’entrée de Fulvy, nous marchons le long d’une voie ferré, et le train de marchandises qui croise notre chemin n’impressionne pas les ânes. En prévision d’un possible nouveau record du cent mètres, j’avais proposé à Daniel de tenir Basile un peu plus par la laisse. Basile a cependant tranquillement continué sa route comme si de rien n’était, de sorte que ma proposition était vaine. Après avoir dépassé le pont au-dessus de la voie ferrée, nous prenons la D12 qui monte un peu à cet endroit. Pendant cette montée, on a une vue superbe au-dessus des toits de Fulvy qui à un certain moment se couchent comme un tapis sur l’ensemble du village duquel sort seulement la tour de l’église Saint-Christophe. Cette vue a été d’autant plus impressionnante que ce tapis de toits est uniforme dans la mesure où tous les toits sont de couleur brune ce qui est très rare. Un peu plus loin nous nous arrêtons un peu devant l’entrée du Centre de vacances de Malakoff pour laisser brouter les ânes. Ce centre d’une superficie de dix-sept hectares a été rénové en mille neuf cent quatre-vingt-deux et reçoit en classes d’environnement des enfants de sept à neuf ans. Au moment de reprendre la route, une camionnette de la gendarmerie nous dépasse et comme d’usage nous rencontrons des hommes et femmes en uniformes très enchantés de la rencontre.
 
Notre objectif pour midi est d’arriver à Sarry, c’est pourquoi nous ne faisons pas de halte à Villiers les Hauts et continuons tout droit sur la D12, sachant d’expérience que le chemin à faire sera un de ceux à n’en pas finir à cause d’une monotonie du paysage. Cette monotonie est parfois interrompue par le passage à basse altitude de deux chasseurs de la flotte aérienne. A hauteur du croisement de la D956 avec la D12 sur laquelle nous nous trouvons, nous voyons au loin le sommet d’un immeuble que nous pensons être un château d’eau ou des silos. Ce qui nous inquiète néanmoins est le pas plutôt prudent de Henry et de Basile et surtout la position de leurs oreilles qui sillonnent l’horizon comme des radars. Un peu plus loin, nous identifions le pourquoi de cette soudaine nervosité – nous voyons au loin le passage d’un TGV. Sarry est le poste kilométrique cent soixante-quatre situé sur la ligne reliant Serein à Vielmoulin près de Dijon. Le hasard du trait sur ma carte a voulu que nous passions juste à l’endroit ou deux lignes de TGV se croisent de sorte que nous en apercevons un toutes les cinq minutes. Fallait-il donc que je dessine justement le passage à cet endroit – deux ponts en dessous desquels il faut passer sachant qu’au dessus des rames passent à trois cents km à l’heure ? Comme dirait Daniel: « Il faut avoir un peu plus de confiance de tes ânes. » Je veux bien mais sachant que ces mots proviennent de la bouche de quelqu’un qui a déjà payé les frais du passage d’un train avec un départ en flèche du bourricot qui est le sien pendant nos randonnées, cela m’inquiète quand même un petit peu. Contre toute attente et tout à l’honneur de Daniel, Henry et Basile, nos ânes globe-trotters ont visiblement beaucoup appris en cours de route et passent en dessous de ces deux ponts en grands maîtres.
 
A l’entrée de Sarry se trouve, comme d’ailleurs dans tous les villages, un monument en l’honneur de victimes de la guerre – celui de Sarry sort néanmoins un peu du cadre puisque qu’en haut de la stèle se trouve le coq national. Malheureusement, la pelouse autour de l’église de Sarry a été tondue récemment. Pour cette raison nous retournons un peu plus haut dans le village sur une grande place qui semble avoir été une ancienne mare où l’herbe est un peu plus haute et surtout des arbres auxquels nous pouvons attacher les ânes. Je profite de l’occasion pour m’adresser aux habitants de la maison d’en face pour demander un peu d’eau pour nos transporteurs qui en sont ravis. Il se trouve que je suis tombé par hasard dans la Cour des Arts exploitée par Nicole et Brigitte qui ont quitté Paris pour s’installer à Sarry et offrir des cours d’initiation artistique et artisanale http://lacourdesarts.canalblog.com. On propose de nous amener le café une fois que nous avons terminé notre casse croûte. Même si la température est ambiante, nous posons le petit tapis pliable en caoutchouc sur le banc en pierre ce qui est d’abord plus agréable pour poser ses fesses et retient tout froid restant. Tiens, il nous reste la bouteille avec le vin de Louis. Remplissons nos gobelets avec le vin qui se prête probablement bien avec la baguette et le fromage. Quelle merveille, est-ce bien le même vin qu’hier chez Louis ? La vigne a probablement dû grandir par le balancement au rythme du pas de Henry et l’oxygénation ainsi provoquée l’a transformé pour devenir quelque chose d’extraordinaire – une cuvée du Camino.
 
Après un certain temps, apparaît effectivement, avec le café une des sœurs dont j’ai malheureusement oublié de demander le prénom – la seconde suit à l’instant et nous causons pendant un bon petit temps. Sarry ne doit probablement pas dormir en ce moment puisqu’une autre personne apparaît pour nous demander si nous n’avons besoin de rien et si les ânes ont de quoi boire. Puis apparaît un homme que nous avions déjà croisé à l’entrée du village et qui nous avait confié ne plus avoir vu d’ânes depuis une éternité. Nous apprenons que c’est Jaquy qui tire derrière lui une petite charrette avec des branches pour les déposer je ne sais où. Jaquy a l’air de souffrir un peu de la chaleur et les bottes qu’il porte par vingt-neuf degrés ne changeront pas forcément sa situation dans les minutes qui viennent.  Une heure plus tard, nous rencontrons Jaquy au retour alors que nous sommes en route vers Annoux.
 
Les sœurs nous avaient recommandé d’aller voir le maire pour trouver un endroit pour la nuit – il habite la première maison à gauche à l’entrée du village. Malheureusement Monsieur le maire n’est pas à son domicile et, comme il est seulement quatre heures de l’après midi, nous profitons pour faire le tour du village pour explorer les lieux potentiels pour passer la nuit. Un fermier un peu surpris par notre arrivée dans sa cour nous dit qu’il serait prêt à nous accueillir si on ne trouvait pas un autre endroit pour les ânes. Plusieurs personnes nous dirigent vers le Château. Allons-y puisqu’on nous conseille d’y aller. Nous entrons donc dans un domaine avec un grand parc et un immeuble avec au moins une trentaine de fenêtres à l’avant. Nous sonnons à la porte et Madame la baronne ouvre la porte. On nous a conseillé de venir ici pour passer éventuellement la nuit avec nos ânes. Le non-verbal de Madame la baronne ne me semble pas trop être en équilibre avec les recommandations des villageois que nous avons croisés, ce qui se confirme lorsqu’elle nous informe que tout ici est tellement petit et qu’elle est désolée, mais il n’y a vraiment pas de place.
 
Dans notre recherche, nous passons à hauteur d’une autre exploitation agricole où se trouve un monsieur en train d’arroser les plants de tomates. Interrogé sur le même sujet, il nous scanne des yeux sous sa casquette et est plutôt sceptique. Tout espoir n’est cependant pas perdu. Après un certain temps, il fait appel à Marguerite qui s’avère être son épouse pour lui demander si elle est d’accord pour que les bourricots chient cette nuit sur leur pelouse. Marguerite que j’identifie avoir également dépassé l’âge de la retraite s’avère être une de ces âmes au cœur gros comme ça. Dès le début de notre rencontre, elle s’investit pleinement pour notre cause et se propose de nous trouver un endroit. Pendant ce temps son mari, qui a entre-temps fini d’arroser les plants de tomates, a levé un peu son bouclier critique à notre adresse et fait descendre un seau dans son puit de dix-huit mètres de profondeur pour remonter de l’eau pour les ânes. Comme Marguerite ne trouve pas les personnes qu’elle cherchait, elle nous propose de loger où nous sommes, ce que nous acceptons volontiers. Dans un premier temps, elle nous montre une petite maison derrière les granges qui s’avère cependant être inappropriée dans la mesure où les portes n’ont plus été ouvertes depuis un certain temps et qu’il y règne une humidité flagrante. Nous décidons de nous installer dans un silo de graines qui est vide en ce moment de l’année – ça suffit pour poser notre sac de couchage.
 
Annoux est un village avec des exploitants de céréales mais l’élevage y fait défaut. Marguerite réussit néanmoins à trouver un fermier qui dispose de quelques bottes foins pour des chevaux et il nous en offre une au grand plaisir de Henry et de Basile. Question cadeau, merci à Margueritte pour ce plat de salade offert qui s’est bien marié avec le sachet de lyophilisé que nous avons chauffé dans notre cocotte. Il en est de même pour cette bière que nous avons savourée au moment où Marguerite a signé notre Crédential. Annoux qui comptait il y a cent années encore presque trois cents personnes, en compte aujourd’hui quatre-vingts et la moyenne d’âge est de soixante-neuf ans. Son mari, qui depuis notre arrivée a pu se rendre compte que nous sommes effectivement des pèlerins et pas de ces gars qui il y a une quinzaine de jours ont cambriolé certaines maisons dans les alentours, est devenu très bavard et nous nous sommes trouvés comme d’habitudes avec des gens qui pour le moment d’un passage furtif trouvent du plaisir à faire connaissance.
 
Nous avions promis de nettoyer tout avant notre départ et l’endroit pour déposer les crottes avait également été identifié. Par pure précaution, nous faisons également rentrer les ânes dans le silo qui pendant la nuit ne poseront pas de problèmes, y compris Basile attaché, puisqu’ils ont de quoi pour se remplir l’estomac. Cette décision s’est avérée très intelligente puisqu’à dater d’un certain moment de la nuit il a plu jusqu’au petit matin.
 
 
 
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