A
MESA – GRANDAS DE SALIMA
Lundi,
24 septembre 2018
Jour
6
19 km
Contrairement à mes craintes j’ai
bien dormi dans le dortoir de l’albergue et tous les occupants semblaient être
préoccupés par le même souci – dormir et respecter le sommeil des autres ce qui
loin d’être le cas dans toutes les gîtes et/ou albergues.
Si à Oviedo le jour se levait
encore vers huit heures, tel n’est plus le cas quelques jours après. Si on veut
partir sans devoir se servir d’une lampe frontale et risquer de ne pas être vu par
un véhicule, il faut attendre huit heures un quart. Dès le départ nous passons
de huit cent soixante à mille quatre-vingt mètres, le tout en moins de deux
kilomètres. Pour être servi, on est servi le tout accompagné d’une brise
matinale plutôt froide. Il faut donc revêtir un peu plus qu’un simple T-shirt
mais sans exagérer pour éviter de transpirer au sommet. Il y en a quelques-uns
qui ont pris le devant pour accéder au plus vite au niveau du prêt à revêtir
quand le moment se présente, à savoir une écharpe fine – question de protéger sa
nuque, non pour monter mais pour mettre une fois l’effort fini pour éviter
ainsi tout refroidissement inutile.
Sur notre gauche dans le
brouillard un bruit monotone – on sait de quoi il s’agit mais on ne peut pas
les voir ce qui pourrait être source d’inquiétude – un autre parc d’éoliennes. C’est
bizarre comment l’être humain passe dans des conditions pareilles immédiatement
d’un régime décontracté dans celui de prudence. C’est un peu comme les ânes
qui, contrairement aux chevaux qui ont plutôt tendance à prendre la fuite, restent
sur leurs pas – examinent la situation et continuent normalement s’ils peuvent
associer le bruit à quelque chose de connu.
Par la suite commence une
descente de huit kilomètres pour passer de mille quatre-vingt à deux cent
quatre-vingt-deux mètres. Au début il n’y a pas trop de végétation mais dès
qu’on atteint la limite où poussent les arbres on a l’impression de passer dans
un autre monde. Rien que des troncs de sapins calcinés avec une végétation au
sol qui peu à peu reprend le dessus. L’année passée il devait y avoir eu le feu
par ici et en passant par la forêt d’antan, nous nous rendions compte de la
tenaille dans laquelle on serait prise si jamais un feu devait se déclencher
dans toutes ces forêts ultra sèches dans lesquelles nous sommes déjà passées et
qui se trouvent encore devant nous. La chance d’y échapper serait probablement
minime, les quelques fossés pour chercher un refuge ne présenteraient guerre
une protection suffisante à cause de l’asphyxie, resterait la fuite en avant
mais dans ce cas il faudrait bien connaître le terrain. A la première vue du
lac artificiel de Salime, force est de constater que les arbres ont brûlé
jusqu’à la limite de l’eau.
Toute cette descente est un
mélange de chemin rempli de gravier, de secteurs délavés par les eaux par temps
de pluie et de quelques passages à l’ombre d’un soleil qui commence à frapper
fort. Après l’effort d’hier nous levons un peu le pied et pérégrinons beaucoup
ensemble. Pour ce qui est des pèlerins deux retiennent notre attention en
particulier : une famille – père, mère et une adolescente qui avancent à
un rythme fou. Sans en être sûr, nous estimions que le père doit être un
militaire de carrière ou un prof d’éducation physique – droit devant et que le
reste suive. Puis il y a un pèlerin qui pourrait être d’origine sud-américaine
avec à peine un mètre soixante et le double de ma taille avec un sac à dos
surchargé. Avec ses basquettes il n’avance que lentement dans la descente mais
compte tenu de la configuration du terrain il est impossible de le doubler au
risque qu’il y en a un qui se trouve par après dans le ravin. Parmi les pèlerins
il est d’usage que le moins vite cède le passage à celui qui marche à une
cadence plus élevée mais ici il fallait prendre son mal en patience.
Le barrage de Salimas constitue
le troisième barrage qui retient l’eau du rio Navia. Inauguré en mil neuf cent
cinquante-cinq, il s’étend sur une superficie de six cent quatre-vingt hectares
et sert de centrale hydro électrique. Il a complètement couvert l’ancien
village de Salime dont on pouvait voir les vestiges à l’occasion du vidange des
eaux en deux mille quatorze.
Sur le versant opposé d’où nous étions
descendus on peut observer au loin un site industriel à l’abandon qui se
prêterait bien au tournage d’un film et le tout me rappelle le scénario du film
de guerre « eau lourde ». On ne trouve pas trop d’informations sur ce
site. A force de rechercher sur le net il semblerait qu’il s’agit du village et
du site industriel érigés après mil neuf cent quarante-cinq pour y héberger les
trois mille ouvriers et leurs familles pour construire le barrage. Après la fin
des travaux et l’inauguration du barrage en août mille neuf cent cinquante le
tout a été laissé à l’abandon après le départ des résidents.
Après avoir dépassé le pont qui
même au-dessus de la retenue d’eau nous remontions la route et rentrions dans
l’hôtel Las Grandas pour faire une pause sur la terrasse qui donne directement sur
le barrage. Comme on pouvait s’y attendre nous n’étions pas les seuls pèlerins.
Ce qui nous distinguait cependant de certains, et loin de vouloir être
prétentieux, était notre condition physique ce qu’on ne pouvait pas prétendre
de tout le monde qui faisait un arrêt. Touchons du bois que cela perdure. La
terrasse était en effet un mélange entre ceux qui se donne à cœur de joie pour
savourer le paysage et un café alors que d’autres étaient en train de soigner
leur pieds, dos etc. – les compeds et autres se mariaient avec des
anti-inflammateurs avec leurs odeurs spécifiques.
Comme le dit le dicton : si
on descend d’un côté il faut remonter de l’autre – et c’était justement ce qui
nous arrivait. Une montée interminable sur la AS14. Ici ce n’était pas les retraités
qui battent le pavé mais le goudron. Si on pérégrine à trois il est plutôt
difficile de marcher côte à côte ceci d’autant plus si on progresse sur une
route et lorsqu’on ne peut pas voir ce qui se passe derrière le prochain
virage. Seul moyen pour monter en sécurité – la file indienne. Dure dure si la
montée ne termine pas. J’ai calculé après coup qu’il s’agissait d’interminables
cinq kilomètres pour monter de trois cent à cinq cent soixante-trois mètres.
Juste avant Grandas de Salima le
chemin bifurque dans une forêt pour éviter de s’exposer inutilement aux dangers
de la route. Mais qu’est-ce qu’on a fait pour toujours tomber sur du très lourd
pour terminer l’étape du jour ? Les deux derniers kilomètres à travers la
forêt sont excessivement difficiles dans la mesure où il fait chaud et lourd –
on devait probablement avoisiner les trente degrés.
A l’entrée du village nous croisions
trois pèlerins dont deux filles qui étaient en train de soigner leurs pieds –
le tout ne se présentait pas trop bien pour aller encore loin aujourd’hui.
Jusqu’à ce jour ni Raymond, ni Raymond 2, ni moi-même ont connu des problèmes
avec nos pieds et pour anticiper les choses : nous avons tous les trois
terminé le Camino sans aucune ampoule.
A Grandas de Salima nous remontions
la route principale si on peut s’exprimer ainsi l’un à côté de l’autre un peu
comme on voit des pistoleros dans les westerns en occupant toute la largeur de
la petite route. L’hôtel La Barra dans lequel nous pasisons la nuit se situe à
droite de l’église et est partiellement en état de rénovation. Les chambres que
nous occupions se trouvent dans la partie qui a déjà été restaurée à
l’exception des fenêtres de la salle de bain. Le propriétaire y a investi de
l’argent et rien ne laisse à désirer. Il nous informait que le desayuno se
prendrait au rez-de-chaussée derrière une porte qui était fermée à notre arrivée.
Au petit matin nous découvrirons ce qu’elle nous cachait. Du tout nouveau y
compris un accès spécifique pour personnes à mobilité réduite. Si on y ajoute
ce qu’on nous a servait comme desayuno je ne peux que recommander cet
établissement.
Parmi les choses à relever sur
Grandas se Salima il y en a quelques-unes : la collégiale San Salvador
construite au XIIe, agrandie au XVIe et rénovée au XVIIIe
siècle et le musée ethnographique qui étaient tous les deux fermés quand nous
voulions les visiter. Puis il y a encore le clocher de la marie qui est unique
dans son genre dans la mesure où il s’agit d’une structure en fer sans couverture
aucune. Au niveau commerce une petite épicerie dans laquelle chaque pèlerin cédait
la place à celui qui rentrait; une pharmacie, un restaurant bien visité et un
café dans lequel la patronne vous sert si elle en a envie.