SESTIELLO
- SALAS
Jeudi,
20 septembre 2018
Jour
2
34 km
Au réveil, un coup d’œil vers
l’extérieur nous promettait que la journée serait encore ensoleillée. Après un
bon desayuno nous prenions la direction de Grado et cherchions comme d’habitude
en début de journée un commerce pour acheter de quoi manger à midi pour le cas où
on ne trouverait rien sur le chemin. Juste avant le centre de Grado se trouve
une épicerie-boucherie où le patron était juste en train de lever le rideau.
Fort de notre expérience dans le passé, nous nous apprêtions à continuer notre
route et étions surpris qu’on nous faisait un signe de la main pour nous dire
qu’on pouvait entrer. Comme nous avions mangé pas mal de poissons depuis notre
arrivée en Espagne je demandais si on pouvait acheter un bocadillo avec du
jambon. Pas de problème : la femme derrière le comptoir prenait deux
sandwichs plus grands que ceux qu’on a l’habitude de trouver dans nos commerces
et se dirigeait côté jambon. Après avoir enlevé la croûte elle se mettait à
couper de fines tranches sans s’arrêter. « Quieres tambien queso « ?.
« No solamento jamon ». Eh hop, c’était reparti pour une nouvelle
série de quelques tranches. Je n’ai jamais eu entre mes mains un sandwich
jambon d’une épaisseur pareille. Quoi qu’il en soit, il faut refaire le plein
de nos gourdes avant d’attaquer ce sandwich à midi.
Dès la sortie de Grado le Camino
Primitivo sort ses dents – les premières montées s’annoncent et le fait d’avoir
fait de l’entrainement préalable avec le sac à dos s’avérait payant. Pendant
quelques kilomètres le chemin longe l’autoroute A63 et un peu plus loin que La
Barraca les choses sérieuses commencent. Comme nous avons l’habitude de marcher
ensemble nous avancions chacun à son rythme et de temps à autre ceux qui
devancent attendent l’arrivée des autres. Je ne peux que me répéter que cette
manière de marcher ensemble s’avère payante puisqu’elle s’inscrit pleinement
dans le respect du style de marche de chacun. Vouloir à tout prix marcher tout
le temps en groupe, tue le groupe.
Dans la montée vers El Freisnu, Raymond
2 nous rendait attentif à des petits paquets jaunes de plus ou moins six fois huit
centimètres qui se trouvent sur une poubelle publique. Il s’agissait en fait de
sachets jaunes réutilisables pour emporter avec soi ses ordures et autres en
attendant qu’on trouve la prochaine poubelle. Quelques organisations
gouvernementales et autres invitent à « llena tu camino de experiencias y
liberalo de basura ». Plus de détails peuvent être lu sur www.caminodelreciclaje.com.
Jusqu’à notre arrivé à Santiago j’ai vu tous les jours ses sachets jaunes
attachés sur des sacs à dos et je ne peux que féliciter qui de droit pour cette
initiative.
La descente vers Santa Eulalia de
la Dorigas s’avèrait plus délicate et ce pour plusieurs raisons : d’abord
le soleil frappait déjà fort, il y a du gravillon blanc mais avant tout il est
tranchant et aveuglant. Le tout me ressemblait fort aux cailloux tranchants que
j’avais rencontré en Bourgogne sur le chemin de Vézelay.
Après avoir passé un petit pont
nous descendions dans un chemin humide dans une forêt. Toutes ces pierres
couvertes de lichen et les branches d’arbres par terre en font un terrain difficile
sur lequel il faut redoubler de prudence. Juste avant d’arriver vers une petite
bâtisse, Raymond glissait sur une de ces
pierres et je le voyais déjà par terre. Ses réflexes lui ont cependant permis
d’éviter le pire – plus de peur que mal. Cette petite bâtisse en état de
décomposition avancée s’avérait avoir été un moulin miniature actionné par
l’eau de la rivière qui coule à ses pieds. Le lieu idéal pour les
« Millepäteren » d’y jeter un coup d’œil et s’échanger en expert.
Avant d’arriver à Cornellana nous
longions une plantation de Kiwi et dans la ville elle-même nous croisions des
arbres avec des dattes. Après les arbres de mandarines que nous avions vu ce
matin à Grado voilà le plein de fruits exotiques que chacun aime bien, qui se
trouvent en masse dans le coin et dont le prix dans les supermarchés au
Luxembourg dépasse des proportions que beaucoup de consommateurs ont des
difficultés pour payer. Voilà encore la preuve qu’entre le producteur qui est payé au plus faible, certains se remplissent
les poches jusqu’à l’arrivé au consommateur. Si au jour de la rédaction de la
présente je dois payer au supermarché soixante-neuf cents pour un Kiwi alors
que sur une plante de Kiwi on peut facilement compter une cinquantaine vous
voyez de quoi je parle.
Cornellana est connu pour son
monastère San Salvador fondée en mille vingt quatre par Cristina, fille du roi
Bermudo II et la reine Velasquita. Après la mort de Cristina ses descendants
ont cédé le monastère aux moines bénédictins de Cluny. A l’heure actuelle le tout
se trouve en rénovation et des affiches indiquent que les travaux seraient
terminés en deux mille vingt-deux. Les toitures sont déjà rénovées mais il
reste du travail à faire – il ne faut pas trop faire la sieste pour terminer en
temps utile vu la grandeur des lieux.
C’est au pied de cet édifice que
nous avons cassé la croute juste après le pont qui passe au-dessus du rio
Nonaya. Avant de passer le pont nous avions vu des repères sur le niveau des
inondations dans le passé. Le monastère à vue d’œil, on s’est posé la question
de savoir s’il était sous les eaux ? De l’autre côté du pont juste en face
d’un banc ou nous avons cassé la croûte, un homme d’une certaine taille qui
aurait pu réunir à lui seul deux de nous était en train de peindre le grillage
autour de sa maison. C’est à lui que j’ai posé la question relative à
l’inondation. Surpris qu’il y aurait eu des inondations par ici il m’a répondu
que de mémoire il n’y aurait jamais eu d’inondation dans le coin. Par la suite
on s’est demandé si après notre départ il n’irait pas de l’autre côté du pont
pour lire ce qui se trouve sur les repères dont certains datent d’un passé
récent.
Après Cantera le chemin devient
plus plat et nous briguions un endroit pour faire une pause et nous ressourcer
en eau. Ni le robinet dans le cimetière de Llamas, ni la fontaine de Santiago
que nous croisions affichent « eau potable ». C’est donc tout près de
Casazorrina dans une station essence près de la nationale N634 que faisions une
halte pour nous hydrater. Merci pour les chips et les olives qu’on mettait sur
la table, mais combinés avec notre sandwich de jambon ça risquait de devenir
une course à plus de liquide qu’on n’en pouvait emporter dans nos gourdes. Malgré
moi je m’étais laissé tenté par ce liquide foncé dans lequel les morceaux de
sucres se comptent en abondance. Je ne me rappelle plus quand j’en avais bu la
dernière fois. De mémoire cela doit faire au moins une dizaine d’année. Après
avoir gouté de nouveau je ne lui trouve rien d’extraordinaire et je crois avoir
fait le plein pour la prochaine décennie.
Nous entrions dans Salas en
laissant sur la droite l’implantation de Danone avant d’arriver au centre de la
ville. Salas est une ville type au sujet de laquelle on trouve très peu d’infos
alors que sur place on est en face d’édifices merveilleux qui ont plus que
probablement une histoire à raconter. Les seules infos qu’on peut recueillir
c’est que du temps de la guerre civile sous Franco, il doit y avoir eu pas mal
de disparitions sur lesquels la justice serait en train d’enquêter.
J’avais réservé dans la Casa
Nueva à Grado El Castro sans avoir eu plus d’infos sur la localisation exacte. Sur
place je me suis fait dire que El Castro se trouve à plus de sept kilomètres de
Salas. Après vingt-huit kilomètres sous un soleil battant nous avions jugé
utile de recourir à un taxi pour nous y conduire.
En attendant le taxi qu’un local
nous avait gentiment commandé puisqu’il s’agissait d’un copain à lui, nous avions
pris un rafraichissement sur la terrasse d’une albergue qui était
temporairement conduite par une pèlerine allemande d’une quarantaine d’années.
Dans la suite il s’est avéré qu’ensemble avec sa copine, son pèlerinage était
plus une recherche de l’âme sœur dont elle a parlé ouvertement quand nos
chemins se sont croisés par la suite.
A l’arrivée du taxi elle nous a pourtant
engueulé et voulait savoir si c’était dans nos habitudes de prendre le taxi. De
quoi je me mêle – et puis on n’a de compte à rendre à personne surtout si on a
dépassé la soixantaine et ceci face à une jeune – merde alors comme dirait un
de nos hommes politique.
Pour aller à la casa rural Casa
Nueva le conducteur de taxi s’est arrêté à plusieurs reprises pour discuter
avec un copain de quoi prendre la température du pays. Arrivé à bon port la
patronne nous attendait. Pour cette soirée nous étions en pleine brousse avec
une maison rien que pour nous – âme de pèlerin – qu’est-ce que tu veux de plus.
Elle nous recommandait un restaurant dans le village voisin et se proposait de
faire notre linge pendant notre absence. Nous avons fait l’aller et le retour à
pied et accumulé ainsi six kilomètres supplémentaires ce qui a fait grimper notre
total du jour à trente quatre kilomètres. Le restaurant dans ce petit village
servait une cuisine locale au sujet de laquelle il n’y a rien à critiquer. Je
voulais juste revenir au postre – au dessert. Si vous partez sur le Camino, ne
vous attendez pas à un dessert fait maison. Normalement on vous sert un dessert
préfabriqué, gelé ou chauffé.
Lors de notre retour vers
vingt-et-une heure il faisait toujours très chaud et lourd. En provenance d’une
des montagnes avoisinantes nous avons pu assister à un phénomène naturel qu’on
n’a pas la chance de voir chez nous. En effet un nuage qui remontait vers le
pic de la montagne se jetait à une vitesse foudroyante sur le versant mettant
ainsi tout le coin dans un nuage épais dans peu de temps.