GUEMES
- SANTANDER
Jeudi,
7 septembre 2017
Jour
7
24 km
Au
lever du jour à partir de la chambre à coucher je fais une photo de la vallée
partiellement sous le brouillard ignorant que ce sera celle qui aura le plus de
like sur facebook parmi toutes celles que j’ai publiées. Sur base des retours
de mes amis j’étais un peu surpris par le nombre de personnes qui s’intéressent
sur ma progression et apprécient d’avoir été tenu au courant.
Le
desayuno dans la Pension La Terraza avait ceci de particulier qu’on nous
demandait ce qu’on voulait manger : croissant ou tostado : l’un des
deux mais il faut se décider – c’est déjà ça. Contre un petit supplément les
deux étaient néanmoins possibles. Alors que nous prenions encore notre café certains
pèlerins que nous avions croisés la
veille dans le village d’avant passaient devant notre pension. A cette heure
matinale ils ont dû se lever tôt puisque pour arriver où nous en sommes il faut
marcher au moins une heure et demie.
Contrairement
à d’autres églises sur notre chemin, l’église San Vincente Martir datant des XVe
et XVIIe siècles avait une nouvelle façade et un porche bien
entretenu ce qui reflète une volonté d’entretien et avant tout d’après ce que
j’ai compris la disponibilité de moyens financiers. Malheureusement elle était
fermée.
Tout
le monde a visiblement bien dormi et la mise en jambe se fait sans problèmes.
Le chemin passe de nouveau par le goudron jusqu’à Galizano. Sur ces cinq
kilomètres qui mènent de l’arrière-pays vers la côte la différence entre
bâtiments entretenus, délaissés, riches et pauvres est criante. Nous n’avons pu
que spéculer sur le pourquoi : suite de la crise financière, défaut de
reprise au décès d’un proche, sociétés d’investissements qui profitent de
l’occasion pour acquérir à bon prix et revendre au prix ferme, citadins de
Santander ou de Bilbao qui fuient les grandes villes le week-end etc. Par la
force des choses on se laisser aller dans des logiques comparatives qui ne
mènent à rien – question de se rappeler qu’on n’a pas encore bien décroché de
nos petits soucis typiquement luxembourgeois.
Outre
le fait d’avoir pu acheter du pain frais je ne me rappelle plus avoir vu
quelque chose de particulier dans le village qui mérite d’être relevé sauf
qu’il y a autant de panneaux faisant de la publicité pour des écoles de surf
que d’indicateurs du chemin de Saint Jacques. En effet à partir d’ici les
vagues se prêtent à merveilles pour les adeptes de ce sport qu’on peut compter
par dizaines partout ou un chemin permet l’accès à la mer et avant tout la
possibilité de se garer le long des falaises. Ce qui vaut pour chaque
passe-temps s’applique également pour les fans du surf. Alors que la grande
majorité fait preuve d’une éducation dans le respect d’autrui, certains
exagèrent néanmoins : se garer sans gènes dans un pré en laissant derrière
eux des sillons non négligeables voire faire son barbecue dans le pré avec
quelques déchets que le vent emportera peur eux. Pour parer à cette catégorie
de personnes, je me rappelle une histoire des années soixante-dix alors que non
loin d’où j’habite un exploitant d’un petit camping ne voulait rien savoir des
empiètements sur la propriété d’autrui et le bruit que les vacanciers ont
tendance à faire. La revanche du cultivateur qui se sentait lésé était de
taille : il vidait en effet du purin dans son pré qui longeait le camping.
Qu’est-ce que j’aurai aimé qu’il en fasse de même dans un pré que nous avons
croisé.
Outre
le fait de pouvoir marcher sur la plage elle-même dans du sable qui vient juste
de se libérer de l’eau l’autre partie la plus jolie du périple de cette année
commence à Galizano. Le chemin sur la crête des falaises est tout simplement
fabuleux. La distance entre l’extrémité des champs exploités et l’abîme est par
endroit à peine d’un mètre. Lors de notre passage le temps était au beau fixe –
néanmoins par temps de pluie et de vent la progression sur ce trajet doit être
une autre histoire.
Nous
avons cassé la croûte sur une falaise dont la partie inférieure est à l’usure
du va et vient des vagues. Il faut en être conscient si on s’installe dans un
tel endroit, mais l’occasion était alléchante. Comme d’autres pèlerins venaient
justement de terminer leur pause midi nous estimions que notre poids ne
dépassait pas le leur et nous nous y sommes installés : le beau temps, le
bruit des vagues, la vue sur la mer, un morceau de baguette, un peu de
saucisson, une tomate, une pomme et de l’eau – cœur de randonneur ou de pèlerin
qu’est-ce que tu veux de plus.
Tout
à coup une dame d’un certain âge s’est approchée de moi pour me demander si je
faisais le Camino – j’affirmais. Elle m’a confié qu’elle habite près de Leon et
que dès fois elle héberge des pèlerins sur le Camino Frances. Elle n’était
jamais venue par ici et voulait une fois dans sa vie voir à quoi ressemblait le
Camino del Norte. Quand nous nous sommes levés pour continuer notre route, je
l’ai vu assise un peu plus loin sur un bout de falaise tout simplement en train
de savourer ce qu’elle voyait. Qui sait – un jour je passerais peut-être par
Leon dans sa maison d’hôte.
Pour
se rendre à Santander il faut passer par Somo et prendre de nouveau une
embarcation pour passer par la baie de Santander et y poser le pied. Le trajet
dure plus ou moins trente-cinq minutes. Les seuls à bords : quelques
pèlerins et des un peu de touristes y compris l’adjoint au capitaine. Cet
adjoint a développé une technique bien à lui pour vider et remplir
l’embarcation au plus vite – question de pouvoir faire le plus de voyages
possibles pour faire face à la concurrence.
Une
fois arrivé à bon port et avant de rejoindre l’hôtel San Glorio pour y passer
la nuit nous nous sommes arrêtés sur la terrasse d’un des nombreux bars le long
des quais. Raymond avait vu que quelques tables plus loin on consommait des
morceaux de poissons frits. Peu de temps après le garçon nous apportaient un
bol de cette délicatesse qu’on a arrosé avec deux canas.
Santander
que beaucoup connaissent pour le premier établissement bancaire espagnol qui
porte son nom est avec tout la capitale de la communauté autonome de Cantabrie.
Tout au long de son histoire Santander a vu passer les romains, des gens de la
Meseta lorsqu’ils ont dû fuir les Arabes, est devenu ville abbatiale et
fortifiée, le commerce maritime, Napoléon, pour se focaliser aujourd’hui sur le
tourisme, le commerce et son port. Parmi les jours noirs de Santander on compte
dans un axe de temps l’explosion du navire Cabo Machichaco en mille huit cent
quatre-vingts treize avec ses cinq cent quatre-vingts morts, la guerre civile
espagnole et en particulier la bataille de mille neuf cent trente-sept et
l’incendie de mil neuf cent quarante-et-un avec la destruction de mille sept
cents quatre-vingts treize logements.
Lors
de notre visite plus tard dans l’après-midi nous avons visité la cathédrale de
Santander dont la porte d’accès était ouverte mais on ne pouvait pas rentrer
tant que la sainte messe qui était en train d’être célébrée n’était pas finie. Nous nous sommes contentés de passer par le
cloître et faire tamponner notre crédential. Ma professeur d’espagnol m’avait
parlé d’un cloître qu’il fallait visiter à tout prix – j’ose espérer que
c’était le bon.
Pendant
la balade à travers la ville nous sommes passés par le vieux Santander qui ne
souffre pas – du moins par où nous nous sommes baladés de problèmes
d’occupation de commerces. Et c’est justement dans un de ces petits commerces
que Nicolas a vu quelque chose qui lui plaisait : des bretelles rouges. Si
le besoin primaire de Nicolas était autre que le mien compte tenu de notre
physique, je me suis laissé aller pour en acquérir également un exemplaire. Le
lendemain j’ai pu en mesurer l’avantage en lieu et place de la ceinture autour
de la taille. Je ne peux que recommander d’y recourir si vous voulez éviter les
frottements de ceinture avec les lanières de votre sac à dos. Je vois déjà mon
épouse me dire la même chose que Christiane a dit à Nicolas : « tu ne
les porteras pas quand tu sortiras avec moi ». Peu importe l’essentiel
c’est que pour l’instant c’est pratique.
Pour
éviter de devoir attendre encore une fois vingt-et-une heures pour pouvoir
manger quelque chose nous nous sommes renseignés s’il existait un restaurant
qui servait à une heure plus raisonnable pour nos estomacs. Sur le paseo Pereda
on nous a recommandé la Casa Lita qui serait « la cocina del pincho »
et qui servirait tout au long de la journée. Contrairement aux tapas qui dans
certains endroits ne peuvent être commandés que dès lors qu’on y boit également
quelque chose, les pinchos peuvent être commandés séparément. Pour le surplus
les pinchos sont d’origine basque. Même si nous ne les avons pas mangé debout
accoudé au comptoir comme le veut la tradition, nous en avons mangé pas mal à
table le tout arrosé avec du vino tinto et pour fêter l’achat des bretelles
rouge de Nicolas il les a mises de suite et porté un toast à nous tous en se
levant pour bien marquer le moment. Si nous avons mangé à notre faim, je pense
que la destination première des pinchos est plutôt l’accompagnement au tour
d’un bon verre lorsqu’on veut discuter tranquillement avec quelqu’un. Avant
d’atteindre ce stade de relaxation il nous reste encore un long chemin à faire.