CUFFY - GROSSOUVRE
Lundi, 30 mai 2011
Jour 1
20 km
Cuffy, qui se trouve dans le département du Cher à 14 km de Nevers au confluent de la Loire et de l’Allier, comptait au recensement de deux mille quatre, mille cent quarante habitants. De par sa situation géographique, ce confluent servait en son temps à la protection de Nevers. Dans l’église Sainte-Maurice classée monument historique il y a juste un siècle, se trouve un ex-voto qui est un navire de guerre français du XVIIIe siècle, d’une longueur d’un mètre soixante protégé par une vitrine.
Nous avons pris congé vers neuf heures de monsieur et madame Lesueur et, comme notre chemin nous emmenait direction Grenouille, nous n’avons pas visité l’enceinte fortifiée du XIIe au XVe siècle qui surplombe le confluent de la Loire et de l’Allier. Rendez-vous était pris pour reprendre la voiture samedi matin.
A hauteur de l’hôtel nous avons pris à droite en direction d’Apremont sur l’Allier et nous nous sommes engagés sur un sentier le long d’un Canal d’alimentation, qui se jette à Cuffy dans le Canal latéral de la Loire. Malgré l’heure matinale, il faisait déjà lourd et à l’horizon on pouvait apercevoir les premiers nuages qui annonçaient un orage. Contrairement à mes attentes il n’y avait presque pas de mouches et autres petites bestioles volantes, qui vous rendent la vie difficile le long de cette eau stagnante et trop basse, faute de pluie suffisante.
Henry et Basile avançaient bien et nous avons pu profiter du paysage, ceci d’autant plus que monsieur l’adjoint au maire nous avait dit que le sentier venait d’être débroussaillé. Après un kilomètre de marche, nous avons néanmoins dû nous rendre compte que le débroussailleur avait fait un travail excellent pour lequel on ne peut que le remercier, mais il n’avait pas d’expérience avec des ânes bâtés. En d’autre termes : la largeur du débroussaillage était parfaite pour une personne mais ne convenait pas à hauteur du premier pont à celle nécessaire à un âne avec une sacoche bâtée de chaque côté. En l’occurrence, il faut deux et demi à trois fois la largeur d’un homme. Conséquence : il a fallu attacher les ânes, enlever les sacoches, les porter jusqu’à un endroit où la largeur était de nouveau suffisante, retourner chercher l’âne, remettre les sacoches et espérer qu’il ne faudrait pas refaire le même exercice à plusieurs reprises.
A hauteur du troisième pont, nous avons changé de côté du Canal et laissé sur notre droite une superbe propriété comme on en voit plein sur le chemin. Une fois engagés sur la D45 nous avons découvert un petit peu en retrait le Château de Veuillin, au sujet duquel je n’ai trouvé qu’il s’agissait de la propriété patrimoniale et résidence habituelle de la famille Du Verne de Toutteile.
L’arrivée près de l’Ecluse ronde de la Prise d’Eau des Lorrains se prête bien pour une petite pause avec une vue superbe sur l’Allier dont les eaux souffrent également du manque de pluie. Cette écluse a été construite de mille huit cent trente-huit à mille huit cent quarante au lieu-dit Laurins, qui est devenu dans la suite Lorrain. Un des objectifs de sa construction était de permettre aux bateaux marchands de passer du Canal à l’Allier. A ce jour, ni le Canal ni l’écluse ne semblent répondre encore à sa destination d’origine.
Il est un plus de onze heures quand nous arrivons à Apremont-sur-Allier où un panneau affiche « Un des plus beaux villages de France ». Comme la porte de la petite église de Notre-Dame de l’Assomption est ouverte, je demande à Marc de garder les ânes et j’entre dans l’édifice dans lequel se trouvent quelques personnes en train de nettoyer. J’apprends qu’il s’agit des préparatifs du week-end à venir où Appremont fêtera le soixantième anniversaire du sacerdoce de Père Roger, qui nous rejoint à l’instant. A notre demande il va chercher dans le presbytère le tampon de la paroisse pour l’apposer sur nos Crédentials.
Apremont a su garder son identité médiévale et était connu pour ses carrières et les pierres qui ont été transportées sur des bateaux sur l’Allier pour ensuite continuer leur chemin sur la Loire. Pour éviter tout ennui et que par après il ne manque quelques pièces rares, nous n’avons pas visité le parc floral créé par Gilles de Brissac. Je suis sûr que les ânes auraient aimé cette petite aventure, dont je voulais néanmoins les priver. Des quatorze tours à l’origine quand le château était habité par la famille Barre, il n’en reste aujourd’hui que cinq et à l’intérieur du château se trouve un musée de calèches.
Nous quittons Apremont en longeant le cimetière sur la D100 et prenons aussitôt la D76 qui traverse la Forêt d’Apremont. Au croisement des deux rues, se trouve un panneau sur lequel est écrit « Château Gîtes » avec un numéro de téléphone et le logo du Camino. Un petit coup d’œil sur la carte nous révèle qu’il s’agit du Château de Groussouvre, dont nous voulons faire notre destination d’aujourd’hui. Lors du passage de cette forêt qui n’en finit pas, nous nous arrêtons à hauteur de l’allée des Bécasses pour manger et laisser brouter les ânes. Par hasard, nous croisons une fermière qui rejoint son domicile dans les alentours et qui est très enchantée par notre périple. Comme le temps devient de plus en plus lourd, même les ânes n’ont pas trop d’appétit et préfèrent somnoler à l’ombre.
De nouveau en route, me vient l’idée qu’il serait plus intéressant de récupérer tous les soirs le véhicule avec le van d’où nous sommes partis le matin, Cela nous éviterait de devoir trouver quelqu’un en fin de parcours qui devrait parcourir plus de cent kilomètres ou bien trouver des transports en commun souvent inexistants. Marc partage entièrement ma vision des choses et je me demande pourquoi nous n’avons pas déjà eu cette idée les années précédentes.
Les arbres cachent partiellement la vue sur l’étang de Planche Chevrier, mais le peu qu’on puisse apercevoir donne envie d’y séjourner. Quant nous sortons de la forêt de Groussouvre au lieu-dit « Les Coqs » la vue sur le ciel ne promet rien de bon et nous sommes heureux de voir au loin de château que nous atteignons une bonne demi-heure plus tard.
Jacques, le propriétaire du château, se trouve dans la cour avec son épouse et on nous accueille chaleureusement – ânes obligent. La relation devient presque amicale quand je dis que je connais très bien le monsieur luxembourgeois qui a séjourné avec son âne chez eux il y a quelques années lors de son Camino. Nous voilà donc sur le chemin de saint-Jacques et de Nicolas avec son âne Charel.
Quand je demande à Jacques, s’il pourrait le cas échéant me reconduire à Cuffy pour aller chercher ma voiture, il n’y voit aucun inconvénient. Il m’apprend en cours de route qu’il fait de toute façon tous les soir le chemin Groussouvre – Apremont pour aller récupérer les pèlerins arrêtés sur le bord de la route, qui ont sous-estimé la longueur de la forêt de Groussouvre ou autrement dit qui se sont surestimés dans leurs capacités de marche.
Jacques nous invite à une visite privée du château qu’il a acquis il y a treize ans et qu’il restaure depuis lors. Nous sommes impressionnés par les travaux qu’il a réalisés et le propriétaire nous explique comme une encyclopédie ambulante l’histoire du site et la technique de certaines installations ancestrales.
J’essaie de reprendre les explications de Jacques et le prie de bien vouloir m’excuser au cas j’ai un trou de mémoire. Au départ, il y avait une villa gallo-romaine. En onze cent quatre-vingt sous Philippe Auguste, le château fort était dans le contrebas de la propriété. L’ancien donjon a été transformé en glacière sous Louis XIV. En treize cent quarante-cinq, le Duc de Bourbon donne le château aux Grivelles pour leurs bons et loyaux services envers la couronne de France. Les Grivelles démontent le château en bas et le reconstruisent en lieu et place où il se trouve aujourd’hui. Ont séjourné au château Catherine de Médicis, le roi Charles IX, son frère Henri III, Jeanne d’Arc et Napoléon Ier. Entre mille huit cent vingt-deux et mille huit cent soixante-dix, c’étaient les Aguado qui étaient les argentiers du roi d’Espagne.
Pour le repas, Jacques nous offre une bouteille de sa cuvée spéciale, qui n’a pas survécu à la soirée. Nous avions à peine terminé de prendre le repas sur la terrasse quand un orage s’abat sur la région, apportant la première pluie depuis longtemps qui continua à tomber pendant la nuit. Comme nous avions la voiture et la bétaillère sur place, nous avons mis les ânes à l’abri pour éviter qu’ils doivent reprendre le service demain matin complètement trempés.