PERIGUEUX
Vendredi,
2 août 2013
Jour
5
? km
Le
jeudi soir, nous avons pris le train pour nous rendre à Périgueux pour y passer
notre jour de repos. A la recherche d’un abri, nous avons consulté notre guide
du pèlerin en passant par toutes les abréviations qui s’y trouvent HPP, HR, H,
CH. Tiens CH – chambre d’hôtes sonne bien. Parmi celles renseignées, nous
choisissons au hasard et tombons sur « Le Jardin d’Ines » – M. et Mme
Griffon – plein dans le mille. Madame Griffon ne nous informe pas seulement
qu’il leur reste une chambre, mais en plus elle nous propose que son mari
vienne nous chercher à la gare compte tenu de la canicule.
Vers
dix-neuf heures nous arrivons à la rue Bodin et nous sommes éblouis devant la
bâtisse qui, à l’intérieur, se révèle être une des plus belles et
fonctionnelles où j’ai mis les pieds sur l’ensemble de mon périple. Une chambre
avec deux lits, un dressoir, une salle de bain, une douche séparée. Quant aux
lits, Marc a opté au hasard pour celui près de la fenêtre. Dans la suite, il
s’avère être un vrai Louis Philippe.
Après
avoir fait connaissance, Marie-France et son mari nous recommandent plein de
choses à voir en cette soirée dans la vieille ville, mais ils nous en diraient
plus demain matin au petit déjeuner.
Sans
jamais avoir mis les pieds à Périgueux, on se sent comme chez soi. Le temps est
au beau fixe et les rues sont pleines de monde – comme nous à la recherche
d’une bonne adresse pour manger. En tant que pèlerin averti, nous sommes à la
recherche de la Ferme Saint-Louis qu’Audrey nous avait vivement recommandé et
nous nous réjouissons de lui avoir fait confiance. Il est vingt heures trente
et par vingt-neuf degrés nous commandons un menu au rapport qualité prix plus
que convenable. Fatigués par la canicule du jour avec une faim de pèlerin qui à
midi n’a pas trop mangé puisque le besoin n’y était pas trop. Le tout combiné avec
une bouteille de rouge, nous commençons à refaire le monde et en particulier
notre petit coin de terre natale, le Luxembourg.
Après
le repas, nous en profitons pour visiter encore la vieille ville avec ses
petits coins et places illuminées. A la sortie d’une petite ruelle, la vue
donne sur la cathédrale Saint-Front qui est classée à la fois comme monument
historique et patrimoine mondial. La cathédrale doit son nom à saint Front qui
est considéré comme l’évangélisateur du Périgord. L’illumination en cette
soirée fait fonction d’aimant vers lequel on est attiré pour y jeter un coup
d’œil. Ce qui au loin impressionne le plus sont les coupoles construites sur le
modèle de la basilique Saint-Marc de Venise. La cathédrale est encore ouverte
au public et, à l’intérieur, on peut entendre un concert d’orgue. A l’entrée des
bénévoles distribuent des cierges que chacun peut poser le long de la nef principale
et autour de l’autel. Au fil du temps,
l’intérieur dans lequel les lumières sont éteintes se transforme en quelque
chose de superbe pour peu qu’on y voie la beauté de l’action. Une des petites
chapelles est dédiée à Saint-Jacques et on trouve une statue à son effigie à
l’intérieur. Bouleversé par la beauté du bâtiment, nous rentrons rue Bodin et
tombons dans le lit. Je ne me rappelle pas m’être réveillé avant le lendemain.
A
neuf heures, nous prenons le petit déjeuner dans le jardin des propriétaires et
visiblement le courant semble passer entre eux et les pèlerins. Serge, le mari
de Marie-France, nous raconte l’histoire de leur maison, les travaux qu’il y a
réalisés et en prime nous montre son petit musée personnel, dans lequel nous
découvrons plein de choses que nous connaissons encore de notre enfance.
Inutile de préciser que le temps est passé plus vite qu’on ne s’en est rendu
compte. Marc et moi conclurons plus tard que ces échanges prolongés font partie
de la richesse du Camino, que nous n’avons pas trop soignés par le passé. En
l’occurrence, il s’agit d’un avantage certes de ne pas être en compagnie de mes
amis aux longues oreilles, qui indirectement me font néanmoins penser parfois à
eux, surtout Henry dont je ne pouvais pas trop situer l’évolution de ses
sarcoïde à mon départ.
Lorsque
nous allons plus à la découverte de la ville, nous sommes surpris par la
présence de policiers visiblement postés dans des endroits biens choisis et
quelques motards à l’entrée d’une des places principales. Périgueux en journée,
comparé à sa beauté de la veille avec toutes ses illuminations me déçoit – une
ville comme une autre avec un centre historique sans plus – où ai-je souffert
de la canicule ces derniers jours ? Nous longeons les rues et prenons un
café sur une terrasse d’une petite place sur laquelle se déroule un marché. C’est
la première fois que nous parlons un peu de nos familles et en particulier de
nos enfants : Marc qui se fait un peu de souci au sujet de l’attente d’acceptation
de l’inscription de son fils à l’université de Vienne et, de mon côté,
l’attente du résultat de ma fille cadette qui attend le résultat d’un travail
qu’elle a remis et dont la note lui donnera accès au sixième semestre en études
d’architecture. Au retour à quelques semaines d’intervalles, les choses ont
pris une bonne fin de part et d’autre.
De
retour chez Marie-France et Serge, nous prenons encore une sieste puisqu’il
s’agit de notre jour de repos avant d’être invité pour échanger de nouveau et les
informer un peu sur les années précédentes de notre Camino. Marie-France offre
une mixture maison dont j’ai malheureusement oublié de noter le nom, mais ça
vaut la peine d’être énoncé ici.
Quant
à la météo, il fait toujours très chaud et de plus en plus lourd et Météo
France aurait annoncé des orages. Vers vingt heures, nous repartons en ville
pour aller manger et cette fois-ci les terrasses sont toutes prises sauf dans
une petite rue secondaire où nous trouvons deux places. Notre échange de ce
soir porte sur l’économie mondiale et, en particulier, sur l’avenir du
Luxembourg à la veille des élections prématurées du mois d’octobre. Sujet chéri
de Marc : vous le lancez sur cette voie et vous verrez un homme qui se
trouve dans tous ses états, au bon sens du terme. Contrairement à un politicien
dans cette veille électorale, il ne vous dira pas seulement qu’il faut changer
ceci ou cela, mais il a des idées concrètes. Je le verrais bien en tant que
politicien mais il ne ferait probablement pas long feu puisque ses idées vont
bien au-delà de ce qu’un politicien est prêt à faire ou risquer de faire par
peur de ne pas se faire réélire.
Quelques
clients aux tables à côtés sont partis et d’autres prennent place dont un
couple que nous estimerons plus tard être âgé tout au plus de cinquante ans.
Alors qu’ils attendent leurs repas et que nous coupons déjà notre steak, le
monsieur de la table à côté nous adresse la parole et demande « Vous ne seriez pas des Luxembourgeois ?»
Je regarde Marc de manière étonnée et, la bouche pleine, je me tourne vers lui
en faisant un signe affirmatif de ma tête. Pendant la demi-heure qui suit, nous
apprenons que lui est un ancien de la KBL. Dans le cadre d’une restructuration,
il a profité d’une offre pour prendre congé de son employeur et venir
s’installer dans le Périgord. Il y
commence un nouveau projet de vie avec son épouse. Sortant du milieu bancaire,
il connaissait assez bien le système luxembourgeois et son environnement
politique, de sorte qu’il était surpris de rencontrer des personnes qui
parlaient ouvertement de ce à quoi ils adhèrent et surtout où ils ont des
réserves. D’après lui ce ne serait pas commun, alors que pour nous c’est ce qui
est le plus naturel.
A
un certain moment, alors que nous nous venions juste de régler nos comptes, un
homme qui faisait probablement partie du staff du restaurant accourt et demande
aux serveurs de veiller à vider au plus les terrasses. Un orage d’une certaine
intensité serait en train de monter vers Périgueux. Il est vrai qu’en discutant
nous avions vu quelques éclairs sans y attacher trop d’importance. Nous prenons
congé du couple en souhaitant plein de chances dans leur nouveau projet de vie.
C’est sous une petite brise que nous nous dirigeons vers notre pied-à-terre
temporaire. Cette brise se transforma dans un laps de temps de quelques minutes
en une forte tempête et nous doublâmes de vitesse pour rentrer. Pas plus tard
qu’une minute après notre arrivée, l’orage d’une rare intensité accompagnée de
vent : une pluie torrentielle s’abattit sur la ville.