Ostabat - Saint Jean Pied de Port - Camino

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OSTABAT – SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT
Dimanche, 20 septembre 2015
Jour 12
26 km
 
Nous quittons le gîte vers sept heures trente alors qu’une brume épaisse s’est posée sur la vallée. Il fait encore froid mais il ne pleut pas et le soleil fait son apparition derrière les Pyrénées. Portée par l’euphorie d’avoir presque réussi notre périple de cette année, tout le monde est de bonne humeur.
A Larceveau nous rencontrons Louisette et Bernard qui font une petite pause et qui s’apprêtent à continuer leur route avec nous. C’est à ce moment que Louisette se rend compte qu’elle a oublié ses bâtons de marche à l’endroit où elle avait enlevé sa veste, soit un kilomètre en arrière. Nous avions vu des bâtons de marche mais ne sachant pas à qui ils appartenaient, nous les avions laissés sur place. Pauvre Louisette qui a déjà fait plus de kilomètres hier, c’est bien reparti.
Peu après nous passons près de l’ancien prieuré de l’hôpital d’Utziat qui laisse encore deviner ce à quoi il ressemblait en son temps. Le GR 65 longe ensuite la D933 sur laquelle les véhicules dépassent nettement le panneau des quatre-vingt-dix autorisés. Si la température était clémente tout au long de cette petite montée, les choses changent néanmoins au sommet à hauteur de la croix de Galzetaburu. Pour éviter de prendre un coup de froid, nous décidons de continuer de suite et nous mettre à l’abri dans la vallée. Une fois la crête dépassée, nous retrouvons peu à peu une température plus agréable.
A Gamarthe un cultivateur a installé une halte près d’une maison avec un grand auvent et des toilettes à côté. Le tout a de nouveau été très bien pensé depuis les boissons, en passant par les gâteaux et les fromages faits à la ferme. Gamarthe qui est localisé entre les montagnes Orgamendi et Eheta a la particularité d’abriter la mairie au-dessus du porche de l’église Saint-Laurent. C’est probablement pour cette raison que le GR 65 est dévié à l’entrée du village pour passer près de l’église et ensuite rejoindre la route. Cette boucle fait un détour de presque un kilomètre mais le détour en vaut le déplacement.
A partir de Gamarthe le reste du chemin passe par du fonds goudronné ce que le pèlerin apprécie moins qu’un bon chemin rural ou forestier.
Comme pas mal de pèlerins ont accumulé une certaine fatigue, certains d’entre eux expriment ouvertement leur mécontentement par rapport aux indications fausses ou erronées sur les panneaux indicateurs autres que les simples flèches blanc et rouge du GR. Par la suite j’ai vérifié une indication qui affichait deux heures quarante-cinq pour arriver. Nous avons marché pendant presque cinquante minutes pour nous retrouver à hauteur d’un autre panneau qui indique à ce moment deux heures trente pour arriver. Comme nos amis français ont tendance à dire qu’il faut prendre son mal en patience, j’en conclu que ceux qui ont mis en place ces panneaux indicateurs veulent tout simplement motiver les pèlerins.
A Saint-Jean-le-Vieux nous retrouvons presque tous les pèlerins en route sur la grande place en face de l’église Saint-Pierre. Il y a des bancs, des arbres pour profiter un peu de l’ombre et un petit café-terrasse. Ce qui me surprend est que tout le monde est peu bavard et ailleurs avec ses pensées mais pas ici en ce moment. Pour beaucoup de pèlerins Saint-Jean-Pied-de-Port est un objectif à atteindre, pour d’autres la consécration après plusieurs années de marche comme pour moi et pour d’autres encore le simple passage d’une frontière.
A Madeleine nous nous empruntons à visiter la chapelle Sainte-Marie-de-la-Recluse quand nous entendons au loin des personnes chanter. Il s’agit de trois pèlerines dont visiblement personnes ne connaît le texte et dont celle au milieu tient dans sa main un livret de chant. Nous décidons de visiter la chapelle et laissons les pèlerines passer et ne pas les priver d’une entrée royale par la porte Saint-Jacques.
Il est deux heures de l’après-midi quand nous arrivons dans la rue de la Citadelle où nous avons réservé une chambre pour la nuit. L’exploitant est d’accord pour recevoir nos sac-à-dos alors que le gîte n’est pas encore officiellement ouvert. Peu de temps après nous sommes sous la porte Saint-Jacques, cet endroit mythique pour célébrer l’arrivée à Saint-Jean-Pied-de-Port. Nous nous félicitons d’avoir atteint notre objectif après deux cent quatre-vingt kilomètres comme le font tant d’autres en même temps. Chacun continue son appareil photo à un autre pour mémoriser ce moment plein d’émotions.
Dans la suite nous allons au centre d’accueil des pèlerins pour faire tamponner notre Crédential. Ici encore nous rencontrons des connaissances : Jun le japonais, Louisette et Bernard, Claire la belge etc. Comme nous n’avions pas encore réservé notre billet de train pour rentrer, nous nous rendons à la gare SNCF et sommes contents de décrocher des billets avec départ à cinq heures trente-cinq pour arriver au Luxembourg à quinze heures cinquante. Un problème avec une rame TGV nous privera d’une correspondance à Paris et nous ne serons à domicile qu’à vingt heures trente.
Quand nous buvons un pot à la réussite du périple de deux mille quinze je ne suis pas encore capable de tirer un bilan sur cette année – il  y a encore trop d’images et d’impressions qui se mélangent. Plus tard, au retour au gîte une fois que j’avais téléphoné avec mon épouse, les choses commencent tout doucement à prendre des contours.
Peu à peu je réalise que viens de parcourir la France à pied, qu’il m’a été donné de pouvoir le faire en étapes en compagnie d’autres personnes que je tiens toutes à remercier, Daniel, Marc, Nicolas et Christiane sans oublier mes ânes Henry et Basile. Il y a eu des moments formidables avec des personnes que je n’oublierais jamais dont notamment :
·         Geneviève qui soignait son mari gravement malade mais qui tenait absolument à nous recevoir,
·         Véronique et sa famille, les cultivateurs d’Amanty,
·         André qui voulait partir sur le Camino mais n’osait pas en parler et qui à travers nous a trouvé son beau-frère avec la même idée,
·         la vieille femme dans la porte d’une grange entre-ouverte que j’avais demandé de prendre en photo et qui me disait qu’elle devrait encore se faire une beauté,
·         Jean-Luc et son gros chien qui m’avait conduit à une pharmacie,
·         ce couple de jeunes qui vivaient dans la précarité mais qui nous ont spontanément apporté de l’eau pour les ânes,
·         Bernadette et sa famille qui vivaient dans la précarité et qui nous a invité pour venir manger à midi,
·         cette femme à Sary qui nous apporté du café en voyant que nous cassions la croûte sur un banc non loin de son domicile,
·         Annie qui à notre départ nous offrait un cadeau en jouant dans la rue sur son orgue de barbarie,
·         cette maire qui nous apporté une bouteille de vin alors que nous campions sur le camping communal,
·         le chant des vêpres dans la cathédrale de Vézelay,
·         cette néerlandaise qui avait pris un coup soleil et arrivait au gîte sans rien à manger,
·         Fredo le suisse chez qui nous avons dormi dans son château,
·         le jour où Basile tombait malade et que nous avions dû interrompre notre périple,
·         le père Roger qui fêtait ses soixante ans d’ordination,
·         Jacques le châtelain,
·         le néerlandais qui ne voulait d’abord rien manger de ce qu’on lui offrait à midi alors qu’il était à sec de provisions et qui dans la suite a mangé toute notre baguette,
·         Rebeka, la jeune allemande qui était parti toute seule,
·         ce groupe de six luxembourgeois que nous avons rencontré dans un restaurant dans la France profonde,
·         Sébastien ce chef étoilé qui avait jeté l’éponge pour échapper au stress et refaire son métier dans un petit restaurant et offrir tout simplement de la qualité sans autres contraintes,
·         cet allemand à vélo qui nous a raconté que son père avait trouvé la mort au Luxembourg le dernier jour de l’offensive de Rundstett,
·         ce breton qui n’a rien donné et tout pris,
·         ce restaurateur qui avait un problème de froid et avait oublié de faire la cuisine – heureusement,
·         Audrey l’ostéopathe qui avait traité mon pied,
·         Marie-France et Serge qui nous ont fait dormir dans un vrai Louis-Philippe,
·         cet homme qui ressemblait comme craché à Philipe Noiret qui pêchait à la ligne et retirait aussitôt un poisson au grand désespoir de ceux qui pêchaient à côté,
·         et toutes celles et tous ceux qui m’ont permis de faire ce périple et en particulier mon épouse.

Merci encore une fois et que le chemin continue.
 

 
 
 
 
 
 
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