Eauze - Nogaro - Camino

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Trajet > 2015
EAUZE -NOGARO
Vendredi, 11 septembre 2015
Jour 3
25 km
 
Il est huit heures quand nous quittons le gite et prenons le GR 65 jusqu’à l’endroit où il bifurque vers la droite. Un peu plus loin sur cette même route nous longeons une ancienne bâtisse dont le style s’est fortement inspiré de l’art romain. Hélas comme trop de constructions celle-ci  a également vu de meilleurs jours. Elle n’échappe pas à la règle et se présente dans un état déplorable. Dans un pré un cheval accourt lors de notre passage et nous nous dirigeons vers lui pour lui faire quelques caresses. Malheureusement il mord dès qu’on tente de le caresser – désolé mon pot – pas de tendresses.
Une fois que nous avons rejoint le GR 65 les cultures le long du parcours sont marquées par la plantation de maïs à perte de vue. Contrairement à celui qu’on voit en ce moment au Luxembourg et qui a apparemment trop souffert de la canicule de cet été, celui qu’on voit dans le Gers a presque le double en taille. Pendant quelques centaines de mètres le tracé du GR 65 est fait de la sorte qu’on trouve à gauche et à droite un champ de maïs. Ce passage est impressionnant – on croit se trouver dans une forêt avec des arbres qui avoisinent les trois mètres au moins avec un couloir au milieu. J’échange pas mal avec Nicolas sur ces cultures, la manière de les planter, leurs récoltes, les dangers et les accidents qui se sont déjà produits lors de la mise en place de silos de maïs.
Une autre particularité de cette région est l’élevage d’oies et de canards. Pendant notre périple nous verrons plusieurs élevages de sorte qu’on peut se faire une idée si on peut toujours considérer le foie gras comme une spécialité culinaire. Les silos avec des engrais en parlent long sur l’engraissement. Le gavage se fait plutôt discrètement derrière les murs. A en juger la manière dont ces animaux sont retournés sur soi-même, absents et incapables de développer un intérêt pour celui qui passe tout près d’eux à moins d’un mètre, je conclus qu’on ne peut parler d’animaux qui vivent heureux. Voilà également à quoi peut servir le Camino – voir de prêt à quoi ressemble un tel élevage quoiqu’on est épargné par ce qui se passe derrière les murs, sentir les odeurs dégagées et faire la différence entre un enclos trop petit et plein de boue qui ne sert qu’à rentrer du fric avec un élevage dans lequel ces animaux bénéficient d’une superficie confortable pour pouvoir courir dans l’herbe.
Même s’il ne s’agissait que d’une question de temps, cette année n’a pas échappé à la règle – voir  une voiture abandonnée en pleine nature. D’ici deux années, mère nature aura complètement recouvert d’arbustes cette voiture blanche  et nul ne s’en plaint. Je serais quand-même curieux de savoir sous quelle forme cette voiture réapparaîtra sous les yeux de ceux qui actuellement découvrent  le recyclage et refont revivre une ancienne perceuse sous forme d’un banc dans les  médias.
Juste avant d’arriver à Manciet nous apercevons les étangs du Pouy qui sont construits en cascade et principalement orientés vers la pisciculture. L’ensemble est protégé par des phares qui s’allument par des auto-détecteurs au même titre que sont installés des caméras pour surveiller et/ou enregistrer des intrus.
Vers dix heures nous arrivons à Manciet et accédons à la ville par un passage à niveau. Bien que les barrières s’y trouvent toujours, je doute fort qu’il y ait encore un train qui passe par là. D’un côté la végétation a repris le dessus et de l’autre côté se trouvent des palettes sur les rails. A quelques pas un homme est en train de travailler devant sa porte et nous propose du pourpier à la fois pour manger et des graines pour les planter chez nous. Nous acceptons volontiers et en mangerons un peu ensemble avec notre tomate à midi. Pour ce qui de la plantation dans nos régions, j’ai lu que la « portulaca oleracea » a plutôt besoin d’un climat chaud et qu’on la retrouve principalement dans le sud de la France. Des pèlerins qui nous suivent sont plus réservés face au cadeau offert pour midi.
Etant donné que notre Miam Dodo indique que le ravitaillement est plutôt rare dans les villages que nous croisons, nous faisons le plein dans la petite épicerie du coin y compris une petite tablette de chocolat que nous consommons immédiatement pour éviter qu’il n’y ait du chocolat fondu dans nos sacs-à-dos à cause de la chaleur. Juste en face de l’épicerie on avait monté une arène amovible pour la course landaise. Même si la course landaise est une des formes de tauromachie elle se distingue des corridas dans la mesure où l’animal n’est pas tué. Si je peux comprendre et admettre que la course landaise soit reconnue comme patrimoine national, je ne suis plus de cet avis pour les autres formes de tauromachie dans lesquels on tue un animal rien que pour le plaisir des spectateurs.
Lors de notre progression dans Manicet nous voyons au loin le « X » blanc-rouge du GR qui signifie qu’il ne faut pas aller dans cette direction. Mais ou alors puisque près de l’épicerie se trouve un autre signe qui indique qu’il faut aller à droite. A gauche il y a un ravin avec la D931 et les voitures y circulent plutôt vite. Sur notre droite se trouvait une école et les élèves étaient en récréation. Une petite fille qui avait visiblement observé qu’on se posait des questions par où continuer s’est approchée près de la grille de la cour de récréation et dit à Nicolas « Il faut passer par le haut pour continuer monsieur » et elle montrait du doigt un pont en fer spécialement aménagé pour des piétons qu’on ne voit pas de premier abord. Bravo la fille – toi qui a l’œil pour dépanner des retraités et un grand merci. J’ai bien apprécié cette scène, ceci d’autant plus que nous avions vu devant l’épicerie une publicité d’un journal sur lequel était écrit : « Les retraités battent le pavé ». Certainement, aujourd’hui nous savons que le chemin vers Saint-Jacques-de-Compostelle ne mène pas simplement tout droit, à gauche et à droite, encore faut-il chercher des ponts qui ne sont pas directement visibles.
Avant de continuer notre route nous prenons un café dans un petit restaurant et faisons tamponner notre Crédential au guichet de la poste.
A l’heure de midi alors que voulions déjà casser la croûte, nous voyons un panneau qui indique que nous approchons d’une chapelle. Nous décidons donc d’y aller et retrouvons pleins de pèlerins que nous connaissons entretemps. En l’occurrence il s’agit d’une chapelle du XIIe siècle près de Cravencères qui appartenait à la commanderie de l’hôpital Sainte-Christie. A l’exception de cette chapelle il n’existe plus aucun autre bâtiment de cette commanderie. Y faire une halte en vaut le coût : d’abord pour la beauté de la bâtisse, ensuite pour l’auvent restauré qui par temps de pluie fait fonction d’un porche et surtout à ne pas oublier pour son point d’eau potable.
Avant d’entrer dans Nogarot le GR 65 passe par une maison dont le propriétaire a vu grand. Ce qui saute aux yeux c’est surtout l’accès à la propriété qui est orné avec un aigle ou vautour de chaque côté. Si on voit cette entrée sur presque tous les reportages de pèlerins on est en droit de se poser la question pourquoi on voit cette image : par admiration ou en tant que témoin d’une folie de grandeur.
Pour les adeptes de géographie, sachez que le méridien 0 passe par Nogarot, ville où nous passerons la nuit.
Qu’il y a bien mille et une façon de non à une jolie fille c’est connu. La preuve à l’entrée de Nogarot. Devant une propriété et bien à l’écart de la maison mais toujours aux abords d’une pelouse très bien entretenue se trouve un panneau avec les mots suivants : « Pipi caca oui, papier non » et en dessous « je ne suis pas madame pipi – merci ». L’idée m’a tenté un moment de prendre ce panneau et retourner le planter à côté de celui qui invitait les pèlerins de surtout ne pas s’arrêter.
Il fait très lourd à notre arrivée à Nogaro et nous devons traverser toute le village y compris la collégiale Saint-Nicolas pour arriver à notre logement du soir – du bed and breakfast chez Chantal Huck. Arrivé sur place nous trouvons un pied à terre de rêve avec un confort WC bain irréprochable et surtout propre et entretenu. C’est comme ça qu’on fait parler de soi. Pour le surplus il y interdiction d’emmener les sacs à dos dans la chambre pour éviter d’y amener des puces.
Nous avons mangé dans une petite pizzeria qu’on nous avait été recommandé ensemble avec quatre autres pèlerins, les seuls clients ce qui en dit long sur l’avenir du commerce dans les mois où il n’y a pas de pèlerins dans le coin. De retour à la maison d’hôtes nous nous couchons avec les poules, comme nous avions pris l’habitude de dire pour aller au lit avant le coucher du soleil. Pour le lendemain Météo France a annoncé des orages et de la pluie.
Roland Bisenius
 
 
 
 
 
 
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