DEBA
– MARKINA XEMEIN
Mardi,
6 septembre 2016
Jour
5
24 km
Comme
d’habitude nous ne prenons pas le desyauno dans le gîte étant donné que nous
partons à une heure où la cuisine est encore fermée. En face de la gare nous
trouvons un bar-café qui est déjà ouvert à sept heures. D’après les prévisions
météo sur la télé le ciel serait un peu couvert mais on atteindrait de nouveau
les trente degrés.
La
ville de Deba porte le même nom que son fleuve que nous devons longer pour passer
le pont et reprendre le Camino de l’autre côté. D’après Maps.me il devrait y
avoir un pont mais nous ne le voyons pas. Serait-ce parce que le jour ne s’est
pas encore levé ou pour une autre cause ?
Après
avoir parcouru plus ou moins cinq cents mètres nous arrivons à la sortie de la
ville et toujours pas de pont en vue – bizarre. Quand je me retourne je
l’aperçois derrière nous – d’où nous venons. Rebelote et une fois arrivés à la
gare nous le voyons de l’autre côté des rails. Entretemps le jour s’est levé et
nous comprenons pourquoi nous ne l’avions pas vu. En effet, au moment où nous
sortions du bar-café un train entrait justement dans la gare et il cachait la
vue sur l’autre côté des rails. Comme il n’y avait pas d’autres personnes pour
nous renseigner comment arriver de l’autre côté pour rejoindre le pont, je me
rends à la gare et le chef de gare lui-même nous amène jusqu’à la fin du quai
et nous fait passer devant un train qui attendait son départ. Quel honneur –
une fois de l’autre côté nous voyons effectivement une flèche jaune qui donne
sur les rails.
De
l’autre côté du Deba nous longeons la sortie du tunnel routier Murika et
prenons de suite à gauche. Etant donné que nous sommes au niveau mer, il faut
de nouveau remonter. Et dès les premiers pas nous nous nous trouvons de nouveau
face à un de ces murs à passer – cette fois-ci heureusement seulement sur
quelques cinq cents mètres. Après la montée continue mais un peu moins raide. Quand
nous arrivons à une ferme isolée signalée comme Almiares on voit au loin
l’autoroute et juste devant nous du foin tassé sous forme cylindrique qui finit
en hauteur sous forme de cône tel qu’on a l’habitude le voir sur les images sur
l’agriculture à l’ancienne dans les Carpates.
Aujourd’hui
nous marchons depuis quatre jours – bien entendu les efforts ne passent pas
inaperçus mais pour l’instant il n’y a physiquement heureusement rien qui nous
empêcherait de continuer notre route. Nous discutons ce matin néanmoins
beaucoup sur le comportement psychique de l’un et de l’autre face à ces montées
et descentes à n’en pas finir. Marc conclut par dire qu’il ne faut jamais
croire que derrière le prochain virage ça irait mieux, qu’il n’y aurait plus de
montées et que le revêtement du chemin serait meilleur. Sous cet esprit nous passons
dans la périphérie de Mutriku pour tomber directement sur la prochaine montée.
Mitriku a été presque complètement détruit par un incendie en mille cinq cent
cinquante-trois et est aujourd’hui un port de pêche et vit pourtant
principalement du tourisme.
En
entamant une nouvelle montée mon moral se trouve tout à coup au beau fixe. Tout
au fond d’une prairie j’aperçois quatre ânes – malheureusement ils sont trop
loin pour faire un petit câlin. Un kilomètre plus loin alors que je me tourne
vers la gauche pour regarder le paysage je découvre deux ânes dont l’un se
trouve à peine à trois mètres et me fixe des yeux. Inutile de préciser qu’une
pause s’impose et que je profite de cet instant merveilleux. D’après les
informations que je reçois chaque jours en fin de journée mes fidèles
accompagnateurs Henry et Basile se porteraient au mieux.
Jusqu’à
l’ermitage San Isidro à Olatz le chemin mène à travers une forêt pour se verser
soudainement dans une plaine dans laquelle les fermes isolées vous rappellent
la Suisse ou l’Autriche. Malheureusement des travaux de peinture étaient en
cours dans l’ermitage de manière à ce qu’on ne pouvait pas y entrer. En face il
y a la taberna Zelaieta où nous avons bu un excellent café. Je ne peux que
conseiller d’y faire une petite pause pour se ressourcer avant d’aborder la
prochaine montée.
La
suite du parcours d’aujourd’hui nous fait passer par un soit disant chemin
forestier. L’abattage des arbres date de pas longtemps et vu l’absence d’arbres
nous souffrons un peu du soleil qui couvre cet endroit avec toutes sa
splendeur. Comme il est midi nous décidons de continuer quand-même encore notre
route au moins jusqu’à ce que nous rentrerons de nouveau dans la forêt. Une
fois que nous avons trouvé un endroit approprié dans l’ombre – c’est la pause
midi. La première chose à faire c’est d’enlever le sac à dos, les chaussures et
les chaussettes. Puis c’est la découverte du bocadillo que nous avions demandé
de nous préparer au gîte où nous avions passé la nuit : une demie-baguette
coupée au milieu avec une omelette d’une taille que je n’ai pas l’habitude de
manger – quel plaisir après tant d’efforts. Dans un moment pareil au milieu de
nulle part assis à ras le sol et le dos replié sur le sac à dos une baguette à
l’omelette vous fait oublier tout ce qui se passe au tour de vous. A vrai dire
il n’avait effectivement rien ce qui se passait autour – sauf Marc qui mangeait
l’autre moitié de la baguette et une pèlerine avec un sac-à-dos disproportionné
pour sa taille qui passait.
Assise
à l’ombre et un peu marquée par les efforts de la journée nous discutons un peu
avec une pèlerine allemande que nous avions déjà croisée à l’heure de midi.
Parti avec trois copines au beau matin, elle a préféré marcher seule –
l’essentiel serait de se revoir en fin de journée et en bonne santé nous
disait-elle.
A
plusieurs kilomètres nous voyons au loin deux carrières dont la grandeur se
dévoile comme une grosse plaie en pleine nature. La descente vers
Markina-Xemein qui était une ville de front durant la guerre civile est une des
plus raides que j’ai jamais entamée. Sur plus d’un kilomètre nous descendons
sur une route en béton dont le profil est tellement prononcé qu’il est
impossible de marcher tout droit. Pour éviter de tomber il est vivement
recommandé de faire la descente en zigzagant – bien le bonjour aux mollets.
Pour
la nuit nous avons réservé dans la casa rural Inxaustpe dont l’exploitant est
étonné par notre arrivée précoce. Il est trois heures moins le quart quand nous
y arrivons sous un soleil de plomb. Il y a un dortoir commun et dans une maison
contigüe des chambres. Après un petit entretien téléphonique avec son épouse
l’exploitant nous propose l’habitacion verde – une grande chambre avec deux
lits. Que les douches se trouvent sur le palier en face n’a pas d’importance –
le repos de nuit dans une chambre à part – que du bonheur. Une fois passé sous
la douche et une petite sieste conséquente on se rend tout doucement compte que
cette journée nous avait quand même pris à l’usure.
Alors
que nous savourons sur la terrasse et le jardin avoisinant une bonne boisson
fraîche nous assistons à l’arrivée des autres pèlerins dont nous connaissons
entretemps la grande majorité. Rares sont ceux qui arrivent à pied – la plupart
profite du service offert par la maison pour venir chercher ses hôtes près du
stade de football qui se trouve à deux kilomètres - y compris le perse dont
nous avons fait connaissance hier soir. C’est un couple habitant Barcelone qui
nous avait refilé l’adresse de cette casa rural mais ni eux ni nous ne savions
quelque chose de ce service de navette.
Le
cena a été pris par équipe de deux – les premiers arrivés mangent en premier –
les retardataires doivent attendre que la salle se vide avant de pouvoir passer
à table. Ici on interprète la bible un peu à l’envers : pour le cena les
premiers n’ont pas été les derniers – du moins pour manger en soirée.