Colombey-les-deux-Eglises – LA FERTE
SUR AUBE
Vendredi, 22 mai 2009
Jour 2
22 km
A plusieurs
reprises, je me suis réveillé pendant la nuit à cause du bruit que Basile
faisait en marchant sur les cailloux devant le hangar, protestant ainsi contre
le fait qu’il avait été attaché pour la nuit à sa corde. Celle-ci lui a quand
même laissé un périmètre d’action de 12 m autour d’un poteau, mais quand
monsieur n’aime pas, il n’aime pas.
Comme il avait plu
de temps en temps pendant la nuit, nous savons apprécier à sa juste valeur le
fait d’avoir pu dormir dans le hangar dans la mesure où nous ne sommes pas
contraints de mettre une tente mouillée dans nos sacoches. Comme d’habitude au
lever après une nuit dans la tente, la première chose est l’aération du sac de couchage
qui est suspendu à cet effet au premier objet qui fait fonction de crochet. En
l’absence d’eau courante, nous devons ménager le liquide précieux pour notre
toilette. Tant qu’on n’est pas obligé de le faire, il est difficile de s’imaginer
le minimum d’eau nécessaire pour arriver à ses fins. Pour suspendre le petit
miroir pour se raser, j’ai pris mon Opinel que j’ai enfoncé dans un des poteaux
du hangar à travers le petit trou du miroir.
Pour le petit
déjeuner, nous nous contenterons pour les fois où nous devons nous en occuper
nous-mêmes, d’une baguette avec de la pâte à chocolat et du miel. Tandis que je
préfère du café décaféiné, Daniel a recours à du thé. Tout comme l’année
passée, nous prenons le temps de prendre le petit déjeuner tranquillement et ne
pas partir avec un estomac vide.
Avant de reprendre
le Camino cette année, nous avions convenu de faire en sorte de pouvoir partir chaque
jour au plus tard à 8.30 heures. Comme nous sommes plutôt des lève-tôt, Daniel
encore plus que moi, cet horaire ne pose pas de problème et nous laisse le
temps nécessaire pour un petit déjeuner en toute tranquillité.
J’avais oublié de
mentionner : le hangar communal se trouve en face d’un complexe sportif
qui est à la disposition de l’école de la ville. C’est ainsi qu’au moment de
bâter Henry et Basile, ils ont l’honneur d’être salué par une classe d’élèves
dont certains semblent préférer autre chose que faire du sport à cette heure
matinale.
A la recherche d’un
WC, on nous aiguille vers le parking pour camping-cars en face de la mairie. Pour
l’avoir utilisé, il est propre, entretenu et recommandable. En parlant avec les
autres utilisateurs de ce refuge ô combien nécessaire, nous apprenons qu’une
boulangerie se trouve au prochain croisement. Trouver une boulangerie sur notre
parcours n’est pas une chose évidente, c’est la raison pour laquelle nous y faisons
nos provisions et ajoutons pour le plaisir un croissant – bravo le boulanger,
c’était excellent.
En passant par le
village et le comparant aux villages parcourus l’année passée et ceux que nous
allons encore traverser cette année, je ne peux me passer de supposer que
Colombey-les-deux-Eglises doit certainement bénéficier d’une aide spécifique
pour son entretien à moins qu’accueillir le Général pour l’éternité dans sa
terre n’oblige.
Il est 9.00 heures
quand nous arrivons à la hauteur de Boisserie que de Gaulle avait nommée ainsi.
Avant son acquisition, les lieux qui hébergeaient en leur temps la brasserie
locale s’appelaient la Brasserie.
J’aurais bien aimé la visiter mais un garde ou jardinier qui nettoyait devant
la maison dans laquelle on peut acheter les tickets d’accès à la propriété nous
informait que l’heure d’ouverture était fixée à 10.00 heures. Attendre en début
de parcours une heure dépasse cependant ma patience et nous préférons continuer
notre route. Même un tampon sur notre Crédential relevait de l’impossible.
Nous longeons la
D23, et au croisement de la Forêt domaniale des Dhuits avec le Bois de la
Jacqueline, nous voulons emprunter la route forestière qui mène de Colombey-les-deux-Eglises
à Clairvaux. Arrivés à l’intersection affichée sur notre carte, nous devons
cependant constater que les cultivateurs de nos deux pays ont la même vue des
choses quand il s’agit de faire en sorte qu’un chemin pédestre ne longe leur
propriété. Comme il avait plu la nuit, nous avons préféré faire demi-tour et
emprunter un peu plus la D23 plutôt que de marcher dans une partie d’un champs
de pommes de terre un peut trop mouillé.
La traversée de la
forêt sur ce chemin est un vrai plaisir et permet de décrocher complètement.
Ici et là, le chant d’un oiseau interrompu par les seules clochettes de Henry
et Basile qui avancent à une allure confortable. Derrière nous une vue
imprenable sur la Croix de Lorraine qui disparaît à l’horizon, devant nous une
ligne droite dans une forêt avec un mélange de hêtres et de chênes. Fort des
petites erreurs de passages de l’année passée, nous faisons une petite pause
vers 10.30 heures pour boire un petit coup, donner aux ânes l’occasion de
brouter un peu et nous offrir une barre de concentrée de fruits. Hélas, les
ânes ont une mémoire comme un disque dur et se souviennent bien que le bruit de
l’emballage est associé à quelque chose que son patron ne devrait en aucun cas
garder pour lui tout seul. Croyez-moi, il est très difficile de résister à une
charge de deux cents kg qui vient quémander sa part.
A la sortie du Bois
du Gravelon, nous tombons sur une ligne de chemin de fer qui, à première vue semble
peu fréquentée, jusqu’au moment où nous nous trouvons à quelques mètres de la
barrière qui commence à descendre. Un train ne tarde pas à passer à une allure
qui me surprend. Nos ânes globe-trotters n’en sont pas trop effrayés et attendent
avec patience que les derniers wagons passent et franchissent sans problème la
voie ferrée, ce qui surprend un homme en train de changer un pneu crevé de
l’autre côté de la barrière. La rencontre avec un train ne s’est cependant pas
toujours déroulée de la sorte. Je me rappelle bien une de mes premières sorties
asiniennes avec Daniel alors que nous nous promenions le long d’une voie ferrée
quand Basile fut tellement surpris par l’arrivée d’un train qu’il estimait
devoir prendre le large. Daniel qui n’avait pas lâché la longe, frôlait un
nouveau record du cent mètres et ne s’apercevait pas que le bourricot lui avait
marché sur le pied.
Nous continuons
tout droit vers la D12 et laissons sur notre droite Outre-Aube, d’où nous avons
une vue superbe sur l'abbaye de Clairvaux. Comme l’abbaye se trouve à une certaine
distance et compte tenu qu’elle héberge un centre pénitentiaire depuis 1808
adapté aux infrastructures de sécurité de nos jours, nous décidons de ne pas
faire le détour au risque de devoir rebrousser chemin le cas échéant, si notre
arrivée ne devait pas coïncider avec un des jours de visite du complexe
religieux des moines cisterciens d’antan.
A l’entrée
d’Outre-Aube, nous prenons à gauche et immédiatement de nouveau à droite et
convenons de faire la pause midi près d’un grand panneau sur lequel sont affichés
quelques circuits du Chemin de Bernard de Clairvaux. Henry et Basile sont
débâtés et ne tardent pas de faire le plein. Afin de leur laisser le plus grand
espace possible, nous nous installons à une vingtaine de mètres sur un arbre le
long de route qui attend d’être enlevé pour passer à une scierie. Au
menu : la baguette que nous avons achetée le matin, deux tomates, un peu
de fromage et quelques morceaux d’un bâtonnet de saucisson. Comme notre cuisine
est un peu plus luxueuse que celle du pèlerin au sac à dos, nous assaisonnons
les tomates avec un peu d’huile d’olive emportée dans un petit récipient en
plastique, de l’aceto balsamico, du sel et un peu de poivre. Le dessert : une
pomme et un peu de chocolat noir intense avec 70% de cacao. Vous direz peut-être
que c’est médiocre et qu’il faut compenser les calories dépensées – à chacun sa
façon de voir les choses, mais manger de la sorte à midi est devenu une routine
et pour nous c’est suffisant. Après le manger, une petite sieste.
Vers 14.00 heures
nous reprenons la route et faute d’une poubelle dans le coin nous emmenons les
ordures dans un petit sachet et les jetterons plus tard dans une poubelle près
d’une maison. Le Chemin de Jouvenne nous amène vers Juvancourt. Il fait très
chaud et nous ne rencontrons pas un Juvencourtois sauf un chien et quelques
hirondelles en train de nous observer du haut d’une grange. A la sortie de
Juvancourt, nous prenons un petit chemin rural et passons sur un pont au dessus
de la A5. Le sifflement provoqué par les pneus des poids lourds ne convient
point à Henry et Basile et ils ont hâte de passer de l’autre côté, ceci
d’autant plus qu’un routier profite pour nous saluer phares allumés et un bon
coup de klaxon avec le résultat que je laisse à votre imagination.
Arrivé à Laferté-sur-Aube,
nous décidons de trouver un endroit pour passer la nuit. Une habitante du
village nous dirige vers madame le maire qui est là-haut. Continuez tout droit,
elle est là-haut en train de restaurer un chalet. Nous continuons donc notre
route et, comme nous avions oublié de nous renseigner sur ce qu’entendait la
dame par un chalet, nous inspectons de plus près les maisons sur notre passage
mais ne voyons rien qui pourrait ressembler à un chalet. Une autre habitante nous
confirme que madame le maire est bien là-haut. Arrivés en haut du village, nous
tombons sur une demi-douzaine de personnes et demandons si madame le maire est
bien parmi elles. C’est moi, répond une dame. Après concertation avec les
autres personnes présentes, elle nous accompagne au stade municipal qui se
trouve tout près et nous promet de contacter le président du club de football
pour nous ouvrir les vestiaires où nous pourrions également prendre une douche.
Les alentours du stade ne sont heureusement pas encore tondus et nos amis aux
longues oreilles ont seize heures devant eux pour manger et se reposer.
J’avais presque
oublié – le chalet. Madame le maire et les autres personnes étaient
effectivement en train de monter dans ma perception des choses un abri, qui
chez nous pourrait servir d’abri pour enfants qui attendent le bus scolaire.
Petite précision quand même : chez nous un tel abri serait construit par une
entreprise spécialisée avec des briques ou du préfabriqué – à Laferté-sur-Aube,
on construit ça en communauté avec des locaux à la scie circulaire et la
tronçonneuse. Le matériel de construction : des madriers en chêne d’une
épaisseur de plus ou moins huit centimètres – pas besoin de fixer au sol, le
poids du bois fait le nécessaire.
Le président du
club de football apparaît un peu plus tard comme promis et nous ouvre les
locaux qui sont entièrement suffisants pour passer la nuit. L’eau pour prendre
la douche restera froide faute d’une bonbonne de gaz pleine mais en
contrepartie nous n’avons pas besoin de monter nos tentes.
Comme je ressentais
en fin de parcours une petite douleur au niveau de la hanche gauche, je
retournais auprès des constructeurs du chalet et me renseignais sur la présence
d’une pharmacie dans le village. Il y en a une mais elle se trouve dans le prochain
village – à Ville-sous-la-Ferté. Un monsieur d’un certain âge me propose de m’y
amener dans sa voiture – offre que je ne refuse pas compte tenu de la douleur
que je ressens. Vous n’avez pas peur des chiens me demande Jean-Luc alors que
nous dirigeons vers sa vieille VW Polo. Non non, nous avons deux petits chiens
à la maison. J’ouvre la portière et constate qu’il n’y a pas de sièges à l’arrière.
Et pour cause, s’y trouve un chien de la taille d’un veau. Une fois assis dans
la voiture il ne tarde pas de me souhaiter la bienvenue – à votre service
monsieur – un petit coup de langue en commençant par l’épaule, en passant par
la gorge, puis l’oreille et puisque mon chapeau dérange il doit y passer pour arriver
jusqu’au cheveux. Arrivé à la pharmacie, j’informe la pharmacienne que je
souhaitais à titre préventif un anti-inflammatoire pour faire en sorte que je
puisse continuer ma route demain. Ah – c’est vous avec les ânes, je vous ai vus
ce matin sur la route. Décidément et sans pour autant passer dans une logique
comparative avec 2008, nous ne passons pas inaperçus et les villageois sont au
courant de notre arrivée imminente. Fait est que la pâte achetée était très
bonne puisque le lendemain je pourrais faire vingt-huit kilomètres.
Après la douche
froide au vrai sens du terme, je me dirige vers la mairie pour retrouver madame
le maire avec sa secrétaire pour faire tamponner notre Crédential. Je profite
du passage pour visiter l’église Sainte-Marie-Madeleine, un édifice
néoclassique construit de 1772 – 1779 qui, ô surprise est ouvert au
public.
Pour manger, nous
nous installons devant les locaux des vestiaires, chauffons un plat asiatique
et sommes surpris par le goût qui répond à tout ce qu’on attache à un tel plat.
Non, je ne veux pas en savoir davantage sur les additifs éventuels pour arriver
au goût qui provient de la popote – c’est bon, chaud et ça remplit l’estomac –
basta. Pour couronner le tout, nous savourons une bière froide que Daniel a pu
acheter dans un des commerces du village. Le bruit du tracteur conduit par un
membre du club de football qui est en train de tondre la pelouse du stade n’est
pas tellement gênant. La fatigue de la journée, l’estomac rempli, un café pour
moi et un thé pour Daniel pour finir la journée et nous nous couchons avec la
tombée de la nuit.