Intro
C’est fait – je peux désormais m’inscrire dans le grand fleuve que
raconte l’histoire du Camino comme un des pèlerins qui au fil du temps sont
arrivés à Saint Jacques de Compostelle. Ce qui me réjouis le plus c’est que je
fais désormais partie des 17% de tous ceux qui font le chemin sur plusieurs
années et qui arrivent à destination.
Pour mieux comprendre la suite une petite explication sur mes
accompagnateurs : tout d’abord Raymond qui était déjà de partie l’année
passée. Puis un autre Raymond qui voulait arriver ensemble avec nous à
Santiago. Pour pouvoir les différencier dans la suite je dis pour celui qui
était déjà de partie l’année passée Raymond sans plus et pour l’autre Raymond 2.
Ce dernier avait commencé son Camino l’année passée au Puy en Valley pour
s’arrêter à Saint Jean Pied de Port. Cette année il est parti début août à San
Sébastian pour longer le Camino del Norte et nous attendre à Oviedo. A partir
d’Oviedo nous avons attaqué à trois le Camino Primitivo. A partir de Lugo
Nicolas et son épouse se sont rejoints à nous pour les derniers cent
kilomètres.
Le 17 septembre, le premier jour après les travaux sur le tronçons
ferroviaire 10 je partais de chez moi pour rejoindre le train de six heures un
quart pour me permettre d’être à l’heure à la gare de Luxembourg pour prendre
la navette pour le TGV Lorraine. Ceux qui me connaissent savent que je suis
toujours un peu en avance et c’est ainsi que je vois à six heures et sept
minutes qu’un train entre dans la gare de Lintgen. Un peu surpris que le train
ait de l’avance j’ai accéléré ma marche pour ne pas le louper. J’ai demandé à
l’accompagnateur du train si eux ils avaient de l’avance sur l’horaire, si
l’horaire avait changé ou si j’étais en retard. « Non, non monsieur, ni
l’un ni l’autre, nous sommes le premier train sur la ligne réouverte – donc le
train qui aurait dû partir d’ici à cinq heures quarante-cinq ». Arrivé en
gare du village voisin l’autre passager du wagon qui somnolait et moi furent
informés qu’il y aurait un retard inattendu qui en fin de compte durait vingt
minutes sans aucun mouvement. Comme j’avais quelques minutes d’avance sur
l’horaire normal, je considérais que cet arrêt n’était pas trop grave et serait
sans conséquence sur ma correspondance dans la gare de Luxembourg. Deux stations
plus loin rebelotte et tout doucement je commençais à me faire des soucis. Au
passage de l’accompagnateur qui était déjà visiblement énervé je l’informais de
mon souci de correspondance et il proposait d’en informer qui de droit pour
continuer l’info comme quoi il y avait encore un passager dans le train qui
essayait d’entrer dans la gare de Luxembourg pour rejoindre la navette TGV.
Trois minutes avant le départ de celle-ci j’étais content de voir Raymond et le
conducteur de la navette. Un peu stupéfait Raymond me disait que c’était lui
qui avait dit au chauffeur qu’il se pourrait que j’arriverais quelques minutes
en retard puisque je lui avais envoyé un SMS. Non seulement le train était en
retard mais la communication promise dans le train n’était pas encore arrivée à
bon port.
A TGV Lorraine le TGV est arrivé à l’heure et à Bordeaux Saint Jean il
avait un retard d’une minute – chapeau.
Comme la correspondance pour Hendaye ne partait qu’une heure plus tard
nous avons cherché de quoi manger quand je découvrais devant la gare un food
truck avec une plaque d’immatriculation luxembourgeoise et d’autres infos sur
l’origine du truck. Eh ben me disais-je, je m’y rendais et demandais « wat
hut Dir dann gudds fir z’iessen « ? « En français s’il vous
plaît ». Ah, cette chanson je la connais – comme nous étions cependant en
France je l’acceptais volontiers – j’y étais un hôte passager. J’avoue quand
même qu’au Luxembourg je préfère ceux qui font un effort de parler la langue du
pays même si ce n’est que superficiel.
A Hendaye nous avons pris le métro pour rejoindre Irun ou j’avais
réservé un hôtel tout près de la gare autoroutière. Après une journée de
déplacement pour arriver à la frontière espagnole et fort de mon expérience au
niveau de leurs habitudes pour manger, nous avons cherché un restaurant pour
finalement en trouver un dans une petite rue qui offrait ses services pendant
des plages plus confortables pour les non espagnols le tout avec un service et
un repas dégustation à dix-huit euros ce qui est un rapport qualité prix dans
tous ses termes presque imbattables pour une ville.
Le mardi 18 septembre nous avons pris le bus longue distance de la
société ALSA à huit heures quarante-cinq. Quand j’ai vu le chauffeur, je ne
sais pas pour quelle raison, j’étais plus que rassuré. Les années précédentes
j’avais estimé que les conducteurs dépassaient de loin la vitesse autorisée et
plus qu’un passager se sentait mal sur cette autoroute sinueuse. Dès le départ
mon sentiment était plus que confirmé et j’appréciais le paysage et la redécouverte
de villages où j’étais passé à pied les années précédentes. Après le changement
de chauffeur le style de conduite ne changeait pas. Conscient que j’opère dans
l’hypothétique, j’attribue le respect de la vitesse et le style de conduite à
l’accident du trois septembre à Aviles, donc à peine quinze jours, où un bus de
la même société s’est encastré dans un pilier d’un pont autoroutier entrainant
la mort de cinq personnes.
A l’arrivé à Oviedo Raymond 2 nous attendais et la joie de se
trouver ensemble pour faire le Camino prédominait. A ma question comment il se
sentait, il me répondait : « pas trop bien ». Pour être surpris,
j’étais surpris. D’abord par sa franchise et puis par souci qu’on pourrait le
cas échéant ne pas terminer ensemble. Raymond 2 avait un peu d’avance sur son
parcours et nous attendait depuis quelques jours à Oviedo où il avait pris
froid, Dieu sait où et comment, et il prenait un médicament pour lutter contre.
« Si nous ne marchons pas trop vite demain, cela devrait aller », sacré Raymond
2.
Oviedo est la capitale des Asturies et se trouve entre la cordillère
Cantabrique et le golfe de Gascogne. Avec ses deux cents vingt mille habitants
à ce jour, Oviedo fait partie du Camino depuis le début puisque le roi Alphonse
II inaugurait le Camino Primitivo après la découverte en huit cent douze à Iria
Flavia d’une tombe qu’on attribue à celle de l’apôtre Saint Jacques.
Pour la petite histoire : Raymond 2 m’avait demandé de lui apporter
un Crédential supplémentaire comme le sien serait rempli sous peu. Je l’avais
bien acheté pour cinq euros mais par mégarde j’avais emballé un des miens déjà
rempli. Sur ce nous nous sommes mis à la recherche pour en trouver un à Oviedo
et on nous recommandait d’aller à l’office du tourisme plutôt qu’à la
cathédrale San Salvador. A notre grande surprise le Crédential y était gratuit
et chacun de nous en a pris un exemplaire sachant que sur les derniers cent
kilomètres pour l’obtention de la Compostelle il faudra prendre au moins deux
sellos par jour.
Sur une petite terrasse non loin de la zone piétonne nous avons mangé
une bonne paella prévue pour deux personnes. A trois nous sommes à peine
arrivés à vider la marmite. Sur la même terrasse on offrait du cidre qui compte
ici comme spécialité locale. Outre son odeur fermentée qu’on sentait partout,
les camareros se donnaient à volonté au show en levant la bouteille au-dessus
de leur tête pour verser le liquide dans un verre sans jeter un coup d’œil sur
le jet. Inutile de préciser que sur chaque bouteille au moins un quart se
trouvait par terre. Raymond qui était assis côté passage des camareros avait
les pieds bien arrosé par ce liquide collant.