Lugo
- GUNTIN
Vendredi,
29 septembre 2018
Jour
10
29 km
Comme les prévisions
météorologiques étaient bonnes, nous quittions Lugo de bonne heure en suivant
l’itinéraire du Camino à travers la ville en passant près de la Cathédrale, pour
sortir des remparts par la porte Santiago et descendre vers le pont romain piétonnier
qui passe au-dessus du rio Mino.
Tiens, qu’elle surprise :
l’appman. Interrogé sur la fiabilité de son app puisqu’il fallait bien que je
le nargue un petit peu, il me répondait : « finalement je ne la
consulte plus – j’ai décidé de suivre les autres pèlerins ». Eh ben bonne
chance et si jamais tu auras quelqu’un devant toi qui utilise également une app
en marchant ce serait préférable d’opter pour les flèches jaunes.
A partir de Lugo, le Camino
Primitivo est presque plat – fini les montées à plus de mille mètres. La seule
difficulté de la journée était le passage de Lugo à Potomarin.
Avant de rejoindre Nicolas et
Christiane, Raymond 2, Raymond et moi avions convenu, eu égard à l’âge de
Nicolas qui compte depuis quelques années un sept devant son âge, de lever le
pied, de ne pas faire des étapes de trente kilomètres et de marcher le plus que
possible ensemble.
Comme Lugo est un des départs
pour ceux qui ne font que les derniers cent kilomètres le nombre de pèlerins
sur le chemin s’était bien agrandi depuis hier. Notons au passage que Nicolas
et Christiane ont franchi pas mal de kilomètres sur le Camino avec le trajet de
Nicolas depuis son domicile sur le Chemin de Vézelay jusqu’également dans les
environs de Bordeaux, puis la Voie du Puy ensemble avec Christiane – trajet sur
lequel je les avais accompagné depuis Condom jusqu’à Saint Jean Pied de Port, et
le Camino del Norte depuis Bilbao.
Après la montée à la sortie de Lugo,
le chemin passe plus ou moins toute la journée au même niveau. Le seul bémol
est le fait qu’il passe beaucoup par le goudron de la LU2901 et forcément on ne
peut pas trop communiquer pour écarter tout surprise avec une voiture qui
viendrait trop vote. C’est donc seulement dans les chemins ruraux et dans la
forêt qu’on peut marcher côte à côte et s’échanger. Cette nuit tout le monde
n’a pas trop bien dormi à cause du bruit des véhicules qui passaient devant
l’hôtel. Pour permettre à Nicolas et à Christiane de prendre leurs repères nous
avions fait une halte après deux heures de chemin. C’est ainsi que nous étions
rentrés dans un petit bar quelque peu en retrait du chemin pour nous reposer et
boire un café. Pour ne rien cacher, le café était infect – un liquide brun
noire qui a probablement été remis à plusieurs reprises à température. Par
contre la tortilla maison, avec du pain tomate grillé à l’huile d’olive
accompagné de poivrons verts cuits avec un peu de fleur de sel était une
merveille - quelque chose qu’on peut manger à n’importe quelle heure. C’est
également dans ce bar que nous avons revu la dame de plus de soixante-quinze ans
qu’on avait rencontré près de Salas. Chapeau et la preuve qu’on peut partir à
n’importe quel âge pour peu que le physique ne vous joue pas un mauvais tour et
considère que l’âge n’est qu’un chiffre.
Quand nous sortions du petit bar
dans lequel les pèlerins se cédaient la poignée, les « Millpäteren » dont
Nicolas fait partie étaient aux anges quand ils voyaient le stock de bois, de
planches et de poutres stockés autour du bar. Que du bonheur et pleins de
projets dans les têtes.
Pour la suite du chemin et
surtout quand il passe à travers les forêts on se rend compte que dans le coin on
attache de l’importance à son entretien tout en ne lui enlevant pas son
caractère d’origine. Ceci est d’autant plus vrai si on passe à travers ces
petits villages et/ou fermes isolés qui revêtent au paysage quelque chose
d’unique. On peut néanmoins discuter sur le fait si c’est bien les autorités qui
attachent de l’importance à leur entretien ou si c’est dû aux personnes un peu
fortunées qui sont en train de racheter à gauche et à droite pour en faire une
seconde résidence. Fait est que le tout n’est pas en état de décomposition et
que si restauration il y a elle est faite selon les règles de l’art.
Lors de la pause midi près d’une de
ces dépendances non loin de San Miguel de Bacarin, je discutais avec une femme
qui était en train d’entretenir une tombe dans un petit cimetière tout proche.
Elle me racontait qu’elle était du coin, qu’elle habitait maintenant Lugo mais
revenait régulièrement sur ses racines. Pour le surplus elle se réjouissait que
tout ce qui lui était cher et ce qui lui rappelle son enfance ne tombait pas en
ruine. A ce moment je me disais qu’on soit chez nous, en Espagne ou ailleurs,
il existe toujours des personnes qui ne perdent pas le nord, leurs sources et
qui se soucient de laisser derrière eux on monde qu’on n’a qu’emprunté et qu’on
laissera un jour à nos enfants.
Jusqu’à San Romao de Retorta le
chemin est similaire à celui qu’on avait parcouru depuis le matin. Une fois arrivé,
je devais cependant me rendre à l’évidence que la Pension Cruz da Veiga que
j’avais trouvé sur ne net sous San Romao de Retorta n’était pas dans ce village
qui ne compte qu’une soixantaine d’âmes mais à plus de huit kilomètres à
Guntin. Comme nous avions déjà parcouru vingt kilomètres et que le soleil y
ajoutait du sien, nous avons convenu de demander à la première voiture qui
passait de bien vouloir prendre Nicolas et Christiane jusqu’à Guntin alors que Raymond,
Raymond 2 et moi termineraient à pied. Très vite nous devions quand même nous
rendre compte que le souhait ne se transforme pas toujours en réalité au moment
voulu. Un kilomètre plus loin nos vœux étaient quand même exhaussés et une
heure et demi plus tard nous avons retrouvé Nicolas et Christiane dans la
Pension Cruz de Veiga qui s’est avérée être une sorte de motel pour routiers.
Même si la nuit comptait parmi
une des plus chaudes de tout notre périple avec des chambres propres mais sans
trop de confort, la cena s’est avérée comme être une des surprises avec
laquelle personne n’avait escompté. J’avais bien compris le patron que le menu
du jour était un potage aux légumes suivi par de la viande de porc, patates et
légumes. Au moment de servir, Raymond 2 était le premier pour recevoir son assiette
et il tombait presque des nus : « eng Héis » s’écriait-il et
rien que le voir pour admirer ce plat qui est également bien connu au
Luxembourg, on croyait que c’était la Saint Nicolas et Noël en même temps.
Après tant de repas espagnols voilà quelque chose pour régaler les yeux et un palais luxembourgeois.