NAVARRENX - AROUE
Vendredi, 187 septembre 2015
Jour 10
21 km
Nous quittons Narvarrenx par la porte d’Espagne et voyons derrière nous une grande partie des fortifications d’antan. C’est vraiment impressionnant et je n’en reviens pas que ce ne soit pas du Vauban. C’est du tout craché – sacré Vauban qui s’est inspiré de Siciliano.
Ensuite il faut passer par le pont au-dessus du Gave d’Oloron. La moindre des choses qu’on peut dire c’est que ce pont, comme tant d’autres, a été construit en son temps pour permettre de passer d’un point A vers un point B ce qui est également le cas pour des ponts modernes. Ce qui change cependant la donne c’est que les ponts d’un certain âge ne sont pas faits pour évacuer le trafic de nos jours et c’est particulièrement criant à Navarrenx. Impossible pour deux camions de se croiser à l’entrée de la ville pour accéder au pont. En attendant qu’une voiture s’arrête pour laisser passer un camion nous essayons de nous faufiler de l’autre côté et de quitter au plus vite cet environnement stressant à en juger les visages des automobilistes qui se trouvent dans le bouchon.
Pour arriver à Castetnau-Camblong il y a un panneau sur lequel on peut lire : « Pour votre sécurité empruntez le sentier ». Ce sentier est d’abord un raccourci et puis il sert vraiment à la sécurité du randonneur. Comme d’habitude j’attends Christiane et Nicolas en haut mais ils tardent à venir. Une fois qu’ils m’ont rejoint j’apprends la raison du retard. Juste à l’entrée du sentier une chèvre avait été attachée à une corde et une de ses pattes était immobilisée dans la corde. J’avais bien vu la chèvre mais pas qu’une pate était immobilisée. Sur demande de Christiane, Nicolas est intervenu pour rendre à l’animal son rayon d’action.
Peu à peu nous croisons la trentaine de pèlerins que nous voyons tous les jours et la moindre des choses qu’on peut dire est que tout le monde est un peu à la traine et ceci après à peine trois kilomètres. Les dénivelés d’hier ont laissé des traces. Hier soir on nous avait dit au gîte que « par rapport à l’étape d’aujourd’hui, celle de demain sera une promenade «. Les pieds de Nicolas ne semblent pas brûler ce matin et Christiane a également de nouveau trouvé le sourire après l’épreuve de force d’hier.
France oblige, je découvre le premier coq sur le bord d’un chemin mais il est tranquille. Pas un cri – pas un geste pour défendre les siennes et son terrain.
Nous sommes entretemps en plein pays basque et le paysage est un rêve, du moins pour moi. Nous croisons encore certains champs de maïs, mais traversons pas mal de forêts de chênes. C’est également la région des palombières ou autrement dit : ici on pratique la chasse aux pigeons ramiers. Nous avons vu des panneaux avec des inscriptions « Attention palombières – silence ». Tout comme pour les corridas on peut être d’avis différent sur la pratique de la chasse aux pigeons. Personnellement je suis contre. Certains pèlerins me racontent que dans d’autres endroits les opposants à cette chasse ont installé des panneaux avec le contenu suivant : « Attention palombières – sifflez ».
Aujourd’hui encore nous passons près de plusieurs abris installés par des particuliers pour permettre aux pèlerins de se reposer un petit peu sans arrières pensée, cela tombe sous le sens. L’un par un commerçant, l’autre par une pèlerine qui a fait une partie du Camino.
C’est un peu avant Lichos que nous faisons notre pause midi sur une aire avec des bancs dont malheureusement deux sont dans un état qu’ils ne passeront plus qu’une ou deux saisons. Chose rare pour une halte en pleine nature, une grande poubelle qui semble être vidangée régulièrement. Comme on nous avait informé que des provisions pourraient être achetées en cours de route, nous avions cru ces paroles et avons rencontré effectivement une ferme isolée près de laquelle une publicité s’y référait. Arrivé sur place, nous n’avons cependant pas pu trouver le petit commerce. C’est donc un vide sac-à-dos qui nous a nourri à suffisance : une pomme, des fruits séchés, un peu de pain, une barre de céréales et de l’eau – le tout amplement suffisant sachant que nous avions de nouveau réservé dans une gîte pour la soirée avec demi-pension.
Parlant de réservation, nous croisons à Lichos deux pèlerines australiennes qui se sont renseignées où un pouvait dormir et manger en soirée. Elles avaient téléphoné à toutes les adresse indiquées dans le Miam Miam Dodo, mais toutes affichaient complet. Nous n’avons malheureusement pas pu leur aider puisque leur guide était également le nôtre de sorte que nous n’avons pas pu leur servir avec une adresse qu’elles ne connaissaient pas encore.
Après avoir monté une route goudronnée de plus ou moins deux kilomètres sur laquelle le soleil frappait très fort, nous avons atteint un banc sur lequel Louisette et Bernard étaient en train de remballer leurs affaires. Ils venaient tout justement de décrocher les deux dernières places dans un gîte à Aroue. D’après la carte il ne resterait plus que trois kilomètres jusqu’à notre halte du soir et comme il n’était que treize heures et demi, nous avons fait une pause supplémentaire. Quand nous nous sommes apprêtés à reprendre la route, un autre groupe de pèlerins s’est approché du banc et l’un après l’autre s’est laissé tomber sur ce banc comme un pneu duquel échappe l’air. L’effort de la veille avec son dénivelé a depuis lors demandé à plus d’un d’aller creuser dans ses dernières réserves.
Avant de descendre sur Aroue encore une de ces merveilleuses vues sur les Pyrénées et pour le surplus la première sur des maisons basques aux façades blanches avec un colombage en rouge-marron et quelques-uns en vert. Ici elles sont encore de type atlantique, plus tard de type pyrénéen. La principale différence entre les deux est l’inclinaison du toit.
Juste avant d’arriver à la ferme Bohoteguia nous tombons sur trois pèlerins dont un s’est fait transporter à quelques centaines de mètres avant le gîte. Malgré des problèmes de mobilité visibles il insiste pour faire les quelques mètres restant à pied – cela fait également partie du Camino et il faut comprendre et respecter une personne qui malgré ses problèmes continue à s’investir.
La ferme Bohoteguia est un gîte neuf avec tout le confort qu’on peut s’imaginer : des chambres de maximum six personnes, des sanitaires et douches en nombre suffisant, un point d’alimentation et des produits de dépannage. Le repas, comme Simone l’exploitante l’avait dit, était copieux et de première qualité. Au petit matin, Christiane nous a révélé qu’elle a de nouveau pu dormir un petit peu mieux que les derniers jours.
Lors de notre arrivée je me suis demandé pourquoi autant de pèlerins ne profitaient pas des bancs sur la terrasse et étaient assis dans le pré avoisinant. Quand j’ai voulu téléphoner à mon épouse en soirée j’ai compris que le pré avoisinant était le seul endroit du coin dans lequel une communication avec le portable était possible.