LIMOGES
– AIX-SUR-VIENNE
Lundi,
29 juillet 2013
Jour
1
14 km
Compte
tenu de nos congés, nous avions fixé le périple de cette année fin juillet –
début août.
Les
jours précédant notre départ, j’avais à plusieurs reprises rempli mon sac à dos
et testé alternativement une variante beau temps et une variante mauvais temps.
Quoi mettre où afin d’éviter des fouilles archéologiques pour arriver au plus vite
à ce dont j’ai besoin le moment venu. Outre cet exercice qui en théorie ne
posait pas de problèmes, celui du choix du strict nécessaire était bien plus
compliqué sachant que ce n’était pas Henry qui devait porter le tout mais
moi-même.
Après
de multiples tentatives, je suis arrivé à 11 kilos tout compris. Inutile de
préciser qu’en cours de route je me suis fait avoir par des choses que je n’ai
pas utilisées. Ce qui m’énerve le plus, après coup, est le fait que je me suis
laissé aller à mettre dans le sac à dos des choses en dernière minute le lundi
matin, alors que j’avais clôturé le remplissage le dimanche soir.
Marc
était à l’heure vers six heures cinquante et, une fois pris congé de mon épouse,
nous sommes partis à la gare de notre village voisin à Lintgen. Drôle
d’impression de croiser des gens en costume pour aller travailler comme on est
habitué de le faire nous-mêmes, sauf qu’aujourd’hui nous pouvons laisser le
tout derrière nous pour quelques jours. Arrivés à la gare, il y a quelques
passagers qui attendent le train et dans un des abris contre les intempéries. Nous
déposons nos sacs à dos sur un des bancs où se trouve une dame que je ne
connaissais pas. Après un petit scan des deux pèlerins et de mon sac à dos sur
lequel j’avais fixé une coquille Saint-Jacques, elle nous demande si nous
partons sur le chemin de Compostelle. Et hop, la discussion était lancée
puisqu’elle avait déjà fait une partie du Camino il y a quelques années. Les
vingt minutes de trajet pour atteindre Luxembourg-ville se sont écoulées très
vite avec des échanges, les unes reposant sur les souvenirs du déjà arrivé à
Saint Jacques de Compostelle, les autres du partiellement vécu sur le chemin et
des perspectives à venir. A la gare de Luxembourg, nous nous sommes séparés
avec un ultreia et buon camino comme il se doit pour des pèlerins.
Comme
il reste un petit quart d’heure avant le départ du TGV, nous avons pris un café
au buffet de la gare et j’ai échangé quelques mots avec des copains de travail
que j’ai rencontrés par hasard dans le hall de la gare. A chacun son tour pour
prendre un peu de recul.
Le
TGV pour Paris-Est est parti à l’heure et est arrivé à l’heure prévu à Paris.
Arrivés à la gare de l’Est rien de nouveau : plein de monde, des soldats
postés avec leurs fusils dans le sillage des arrivants et cette musique infernale
qui vous perce les oreilles pour annoncer des mouvements de train. Ce serait
mentir de ne pas avouer qu’en cours de route j’avais pensé à l’accident de
train près de Saint Jacques- de-Compostelle – pas simple de se recueillir un
moment en mémoire des victimes alors qu’on file à plus de trois cents à
l’heure.
Comme
le train pour Limoges ne part que vers quatorze heures à la gare d’Austerlitz
et que nous eu quelques trois devant
nous, nous décidons de marcher un peu dans le quartier de la gare de l’Est. Sur une terrasse de la rue du Faubourg Saint-Martin
nous buvons un café et ce faisant je suis un peu surpris par tout ce qui se
trouve par terre dans l’allée. Ce qui est néanmoins bien plus préoccupant est
le nombre de mendiants qui s’y trouvent. A force de les observer pendant une
dizaine de minutes, on a la certitude qu’il s’agit d’une structure organisée
dont les guetteurs sont postés à gauche et à droite pour surveiller ceux qui
sont à leurs services et encaisser de temps en temps. Ce qui m’a le plus choqué
est le fait que une fois qu’on avait quitté la terrasse, un des mendiants qui
se sentait probablement pas observé a remballé son outil de travail et s’est
rendu dans une des sandwicheries qui n’était pas la moins chère du coin pour
s’acheter de quoi manger. Comme quoi on apprend tous les jours : plus de
sous aux mendiants mais tout au plus une viennoiserie ou un sandwich et
observons ce qu’en dira l’observateur posté à proximité.
Comme
je n’avais encore jamais mis les pieds à la gare d’Austerlitz, nous y allons en
métro. Arrivés à la Bastille, la conductrice de la rame annonce aux passagers
que la Bastille est le terminus aujourd’hui et que « des bus sont à votre
disposition pour continuer votre voyage ». Bonjour l’information et quoi
maintenant. A la sortie du métro, il y a bien des bus avec quelques personnes
en uniforme qui visiblement ont le blues des congés. Sans initiative pour
trouver le bon bus, nous aurions été contraints de nous fier au hasard.
Sur
le parvis qui donne accès aux quais, je vois un piano et me rappelle en avoir
vu un autre à la gare de l’Est. Si, au début, je pensais qu’il s’agissait d’une
action publicitaire, je me rends compte qu’ils s’y trouvent pour permettre aux
voyageurs de jouer. Sous les airs d’un jeune qui visiblement avaient un don de
pianiste, nous savourons sur un banc une dizaine de minutes de concert gratuit.
Bravo l’artiste inconnu.
Nous
quittons la gare d’Austerlitz a treize heure cinquante et arrivons à Limoges à dix-sept
heures. En cours de route, le train fait ses arrêts programmés et, dans un
endroit précis, il roule un peu moins vite que prévu. Tout en me réveillant
d’un petit sommeil, je vois défiler devant moi un panneau Brétigny-sur-Orge.
Comme si on avait poussé le bouton de démarrage d’une bande vidéo, je revois
les images du journal télévisé de l’accident ferroviaire du 12 juillet avec ses
sept morts et trente blessés. Mon Dieu ou plutôt saint Jacques, fait en sorte
que cette fois il n’y aura pas un « jamais deux sans trois ».
Il
est dix-sept heures quand nous descendons du train à Limoges par une chaleur
écrasante et un ciel un peu menaçant.
Avant
de partir nous avons convenu que nous ne resterions pas à Limoges pour éviter
de devoir faire le premier jour de notre périple trente et un kilomètres. C’est
pour cette raison que notre objectif en cette fin de journée est Aix sur Vienne,
où nous avons réservé deux chambres dans un hôtel. Tant pis pour toutes les merveilles que cache cette
ville, mais ce sera pour une autre fois.
Mon
guide m’indique qu’il faut partir de la place Saint-Etienne pour autant d’avoir
comme point de départ Saint-Michel des Lions. Cherchons un plan de ville et
essayons d’aboutir à la rue Bourneville qui doit nous mener à la sortie de
Limoges. A force de prendre un peu plus d’habitude avec le sac à dos, Marc et
moi partageons le constat que en l’absence des ânes, le maniement des cartes et
la lecture du carnet de route sont beaucoup plus faciles. Evident vous allez me
dire si on dispose des deux mains, mais avez-vous déjà une fois essayé de faire
la même chose avec dans une main la carte et de l’autre côté votre compagnon à
quatre pattes qui n’a pas trop compris que vous voulez, juste au moment où il a
découvert à quelques mètres de quoi brouter.
Tout
se passe très bien jusqu’aux alentours du CHU (Centre hospitalier
universitaire) ou le guide et la réalité du terrain ne coïncident pas
forcément. Au moment de la rédaction de la présente, je lis dans le guide en
italique : attention – en effectuant
la traversé des différentes voies routières à la hauteur et aux environs du
CHU : danger. Affirmatif – mais au cas où on n’aurait pas compris sur
place, les soins appropriés sont à quelques mètres.
Pour
nous permettre de trouver le bon chemin sur notre plan, nous nous posons dans
l’herbe non loin du CHU et en profitons pour enlever nos chaussures de marche,
que nous portons depuis le matin, pour mettre un peu de talc sur les pieds afin
de compenser les désagréments de la transpiration. Après dix minutes, nous
sommes repartis mais pas pour très longtemps étant donné qu’en un rien une
averse commence à s’abattre et la protection du parapluie s’avère vite
insuffisante. Sous un grand tilleul, nous sortons notre veste contre la pluie
et couvrons le sac à dos avec sa protection anti-pluie incorporée. Sous cette
pluie d’un quart d’heure qui n’a même pas suffi pour diminuer sensiblement la
température, nous arrivons près de Mérignac. On voit bien qu’il y a des
personnes autour des maisons, mais on ne nous adresse pas la parole. Sans nos
ambassadeurs, le contact avec ceux qu’on rencontre est effectivement plus
difficile.
Nous
ne discutons pas trop entre nous et avançons à bon pas comme si l’objectif du
jour nous attirait tous les deux. Il est vingt heures le quart quand nous
arrivons à Aix-sur-Vienne qui de loin s’avère être une ville agréable et
tranquille. Plus nous avançons, plus il s’avère qu’à part le trafic, la
tranquillité s’y est installée à en juger les seuls commerces fermés. Notre
premier constat s’avérera dans la suite être bon et les fermetures ne sont
malheureusement pas le résultat de la période des congés. « Ici on ne veut
pas s’investir » nous dira le lendemain un commercial un peu déçu tout en
ayant de la compréhension pour les consommateurs, qui forcément cherchent
ailleurs.
Le
patron de l’hôtel de la Diligence qui nous attendait avait quelques difficultés
à croire qu’on était déjà arrivé sachant que notre train arrivait à la gare de
Limoges à dix-sept heures. Il nous complimenta avec un « Vous devez être
de bons marcheurs pour faire Limoges – Aix-sur-Vienne en un peu plus de trois
heures ». Ce compliment perdit toute sa valeur quand il nous annonça qu’il
avait un problème de froid et qu’il ne pouvait pas nous servir à manger, comme
convenu il y a quinze jours lors de la
réservation. Un petit sinistre le privait en effet d’une alimentation en
électricité suffisante pour faire tourner son congélateur – réfrigérateur. « Mais
vous pourrez descendre en ville, nous consolait-il : la pizzéria XY sert
les clients. Il nous proposa de nous emmener dans la ville étant donné qu’il
n’avait pas encore mangé non plus.
Après
avoir inspecté nos chambres dans lesquelles l’alimentation en électricité
répondait à une logique maison, nous sommes partis en ville basse et le patron
de la Diligence était tout étonné qu’au préalable nous lui avions annoncé qu’on
n’avait rien vu qui était ouvert. Pris par sa propre faim, il nous a demandé si
nous avions le temps de l’accompagner à Limoges et découvrir ainsi que en s’y
rendant en voiture, ce serait bien plus vite qu’en y allant à pied.
Vingt-et-une
heures et retour au point de départ dans une pizzéria où nous avons bien mangé,
avec un rapport qualité-prix convenable. Le patron de la Diligence nous a
informés des dernières contraintes que l’administration française réserve aux
commerçants et les difficultés à arrondir les fins de mois dans un
environnement difficile. C’est probablement la fatigue, combinée avec une
bouteille de rouge de la maison, qui nous a empêchés de nous lancer dans les
mystères de la crise. Une fois de retour à l’hôtel je me suis endormi de suite.