MUSSIDIAN
– SAINTE-FOY-LA-GRANDE
Lundi,
5 août 2013
Jour
8
28 km
Aujourd’hui,
c’est notre dernier jour du périple deux mille treize et compte tenu de la
chaleur annoncée nous partons vers six heures trente en direction de la Gare
pour aller direction de Monpont Ménestérol. Comme le guide officiel prévoit
trente-quatre kilomètres pour cette étape, eu égard à la chaleur nous avions
décidé de ne vouloir faire que vingt kilomètres mais au final on en aura fait
vingt-huit.
Sur
le chemin vers la gare, nous achetons des viennoiseries dans une boulangerie
qui fait probablement partie d’une grande chaîne et du pain dans une autre
petite boulangerie du coin, où nous sert une dame d’un certain âge. Comme le
jour ne s’était pas encore complètement levé, et attirés par le charme de la
veille bâtisse et l’odeur qui nous tombait dessus, le choix pour acheter le
pain dans cet endroit tombait sous le sens.
Le
trajet jusqu’à la gare est de plus ou moins un kilomètre et demi, que nous
attaquons dans la bonne ambiance, A cette heure matinale, nous ne rencontrons
pas grand monde si ce n’est que des personnes à la recherche d’une boulangerie.
Le distributeur de billets ne pose pas de problème et nous prenons le train à
sept heures dix. Pas question de s’asseoir à son aise étant donné que la
prochaine halte sera la nôtre, où nous arrivons à sept heures vingt à Montpon
Ménestérol. Comme le petit déjeuner a été sacrifié sur la promesse d’un
collaborateur de l’hôtel dans lequel nous étions descendus, nous cherchons en
premier lieu un bar café ou similaire pour boire un café. Dans la rue
principale, nous trouvons ce que nous cherchons. A l’intérieur un pro du
comptoir et une équipe du service d’hygiène dont le camion est stationné devant
la porte. Comme nous sommes à la veille de notre retour, nous jetons un premier
coup d’œil dans un journal et échangeons un peu sur les projets à venir qui ne
manquent pas.
C’est
quand même bizarre : chaque année à la fin du périple, il y a cette
tentation à laquelle je ne résiste pas. A la veille du retour, je suis pris par
l’envie de me renseigner ce qui se passe. C’est comme si je voulais rattraper
les jours passés alors que j’ai finalement bien vécu sans être inondé par des
infos et des mail inutiles.
Marc
en avant et moi à l’arrière, nous marchons vers Jaroutty où nous voulons
prendre le GR646 que nous trouvons sans problème à hauteur d’une exploitation
viticole, sur le toit de laquelle on peut lire de loin « Domaine de
Jarroutty ». C’est cent mètres plus loin que les choses se gâtent. Le
signe du GR est présent sur un arbre, mon GPS indique le bon chemin et nous
rentrons dans la forêt. Quelques mètres plus loin plus rien ne marche :
absence du signe du GR, présence d’une clôture électrique avec un panneau « propriété privée », quelques
arbres tombés, déviation du chemin par rapport au GPS alors que nous nous
trouvons toujours sur un chemin dans lequel la nature est en train de reprendre
ce qu’on lui a pris un jour. Fait est que nous tournons en rond – retour au
point de départ, et la même chose encore une fois pour finalement tomber dans
une végétation non pénétrable qui donne vers une clôture d’un péage autoroutier
tout aussi non pénétrable. Pour couper court, nous perdons plus d’une heure et
demie pour revenir finalement vers l’exploitation viticole. Il est entretemps
presque dix heures et demie et le soleil frappe de nouveau avec toute la force
que nous avons connue ces derniers jours. Devant la maison voisine, nous
parlons à un homme qui est train de travailler à l’extérieur, qui visiblement a
déjà entendu des problèmes avec le GR à cet endroit. Nous acceptons volontiers
qu’il nous conduise au prochain village où nous récupérons devant l’église et
coordonnons la manière dont nous allons continuer. L’idée de prendre le train
et prendre la route à partir de Montpon Ménestérol était en soi une bonne idée,
mais nous l’avons payé cher et découvrirons en fin de journée que tout compte
fait la distance parcourue n’étaient pas trop éloignée de celle qui nous aurait
attendus si nous avions pris le chemin officiel renseigné dans le guide. Bonne
expérience à ne pas répéter.
Après
une petite pause et le tamponnage du Crédential dans la mairie où on nous offre
de l’eau sans l’avoir demandé, nous reprenons le chemin et tombons sur le GR
tant recherché.
A
la sortie de Saint-Méard de Gurçon, nous traversons des vignobles dans lesquels
les exploitants sont en train de tailler le feuillage. L’orage d’il y a
quelques jours n’a visiblement pas laissé de dégâts dans ce coin, mais à
entendre les vignerons « il y a eu des dégâts plus loin ». A Port
Sainte-Foy et Ponchat, nous faisons une petite pause près de l’église pour nous
mettre un peu à l’abri du soleil. Sur la même place, se trouve une ancienne
pompe à eau qui après plusieurs essais et la vidange des premiers litres d’un liquide
un peu brunâtre, l’eau claire qui sort fait revivre le pèlerin pris à l’usure
par la chaleur. Si chez soi on ne trouve rien de particulier dans le fait de
disposer de l’eau quand on veut, pouvoir s’en servir au bon moment s’apprécie
d’autant plus dans le mesure où elle n’est pas à portée de main en permanence –
un vrai moment de bonheur.
Près
de Calabre, nous faisons la connaissance d’un homme en voiture qui croise notre
chemin et qui s’arrête mais qui ne coupe pas le moteur, avec une valise sur la
banquette arrière. Il nous demande d’où nous venons et quelle est notre
destination. Je lis que nous sommes du Luxembourg et traversons en étapes la
France pour arriver un jour à Saint-Jacques de Compostelle. « Ah la
mondialisation ! » s’écrie-t-il. « vous du Luxembourg à travers
la France pour aller en Espagne. J’aurais bien voulu vous offrir un bon vin
dans mon domaine, mais mondialisation oblige, je suis en route vers l’aéroport
pour quitter la France en direction de la Chine pour vendre mon vin. » Sur
ça nous prenons congé pour éviter qu’il ne rate son avion – triste un petit peu
de ne pouvoir vous dire si sa vigne était à la hauteur d’une commercialisation
en Asie.
Pendant
tout le périple de cette année, Marc et moi nous n’avons pas trop échangé sur
nos connaissances et encore moins sur ce que celui ou celle pourrait penser de
nous en nous voyant marcher sous un ciel frappant avec onze kilos sur le dos. C’est
bon signe et démontre une fois de plus qu’on peut très bien récupérer
intellectuellement en faisant un effort physique calculé. Néanmoins en cette
fin de périple, plusieurs fenêtres s’ouvrent et laissent entrer des pensées du
genre. Juste à ce moment nous passons à hauteur d’une jeune fille en train de
faire du jogging – il est midi trente. Laissons chacun avec ses pensées et
réflexions à lui – l’essentiel c’est que cela nous plaise. Il y en a d’autres
qui ne s’en soucient pas non plus – la preuve cette jeune fille qui prend son
plaisir à courir quand et par où elle veut.
Juste
après les ruines du moulin de Ferraille après le carrefour du Briat, nous
prenons un petit chemin qui descend vers Sainte-Foy la Grande. Pour être raide,
il est raide. Le guide du pèlerin indique « Attention : descente
rapide pouvant être dangereuse ». Heureusement, il ne pleut pas. Je suis sûr
et certain que, par temps humide, la descente sur des pierres couvertes de
végétation pourrait vite se transformer en voie expresse.
En
sortant du bois, on a une vue superbe sur Sainte-Foy la Grande et nous décidons
de faire une halte pour manger un peu de fruits secs. L’endroit s’y prête bien
avec son grand talus à l’ombre. Au loin, nous entendons un tracteur. Le bruit
devient plus intense au fur et à mesure qu’il s’approche derrière le talus pour
s’éloigner de nouveau. Comme nous avons déjà croisé plusieurs vignerons en
train de tailler les vignes, nous partons du principe qu’il s’agit du même
travail qui se fait derrière le talus. Quand nous reprenons la route une vingtaine
de minutes plus tard, nous devons à notre grand étonnement constater que nous
étions exposés tout le temps à une fine pulvérisation de produits destinés à
optimiser le rendement du vignoble – nous y avons survécu.
Vers
quatorze heures, nous arrivons à Sainte-Foy la Grande qui est encore appelée la
« Porte d’entrée du Périgord ». En longeant la Dordogne nous passons
un peu en revue notre périple de cette année, qui est une première expérience
sans les ânes. Nous avons certes dû porter notre propre bagage, mais la
facilité de pouvoir aller où et quand nous le voulons et le fait de pouvoir
combiner le tout avec un peu de tourisme est une expérience qui donne envie de
la répéter. Je suis toujours très lié à mes compagnons aux longues oreilles,
mais je dois néanmoins constater que c’est plus facile de pérégriner sans les
ânes, surtout si on veut suivre le chemin officiel. Parmi tous les arrêts du
périple, je n’ai repéré qu’un seul endroit où nous aurions pu combiner logement
du pèlerin et séjour garanti pour les ânes - c’est trop peu si on veut écarter
tout risque qui pourrait leur arriver.
Après
avoir passé un des ponts au-dessus de la Dordogne, nous accédons aux petites
ruelles en direction de l’église Notre-Dame, dont la construction date au XIIe
siècle. Si nous avions déjà chaud pendant toute la matinée, la traversée de ces
petites rues nous donne l’impression d’être dans une fournaise. Nous avons
l’impression de nous transformer subitement en une sorte d’arrosoir duquel
coule l’eau au compte-goutte. C’est
probablement la dernière épreuve que le Camino nous demande pour cette année
avant notre retour à domicile.
Fidèles
à notre devise de faire le Camino en étapes, de savourer le parcours et
temporairement la vie en commun, nous décidons que Sainte-Foy la Grande est la
dernière étape pour cette année, même si au départ j’avais estimé faire une
quarantaine de kilomètres en plus.
Plus
tard dans l’après midi, nous prenons le train vers Libourne où nous passerons
la nuit pour prendre le TGV vers Paris et rentrer au Grand-Duché.