Grancey - Pothières - Camino

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GRANCEY - POTHIERES
 
Dimanche, 24 mai 2009
Jour 4
22 km
 
 
Après un rasage à l’eau froide hier matin, nous profitons du confort de l’eau chaude pour la toilette matinale d’aujourd’hui. Le rasoir passe plus facilement avec l’eau chaude et les dents ne s’opposent pas non plus à un nettoyage plus intensif. Une fois n’est pas coutume, mais puisque c’est compris dans le prix de la chambre d’hôte, nous ne refusons pas le petit déjeuner qui nous attend.
 
Henry et Basile ont passé une bonne nuit et, contrairement à toute attente après l’étape un peu fatigante de la veille, ils sont preneurs pour revêtir le bât et nous lancer pour une nouvelle étape. En jetant un dernier coup d’œil sur le Val des Dames, nous nous dirigeons en direction du centre de Grancey sur Ource pour nous approvisionner en pain. La boulangerie est effectivement ouverte et Daniel fait les achats alors que je garde les ânes en attendant. Comme l’année passée, nous avons de nouveau constitué un portefeuille commun qui au besoin est réalimenté par nous deux pour le même montant. Pour tous les petits achats que nous faisons ainsi en cours de route nous faisons appel à ce portefeuille commun et évitons ainsi tout problème de décompte par après. La fonction de ministre au trésor a été à l’unanimité reconduite à Daniel. Quand il revient de la boulangerie, je crois rêver quand je le vois porter un sac en papier d’une hauteur d’au moins soixante centimètres. Il n’aurait quand même pas acheté du pain pour les six journées restantes ? Interrogé sur le sac, Daniel me répond qu’il avait demandé à la boulangère de mettre le pain dans un sachet en plastique qui aurait refusé pour éviter que le pain ne perde de sa qualité. Le pain doit être conservé dans un sachet qui ne le prive pas de toute aération. Tout ceci me confirme que la communication est vraiment quelque chose de particulier, faute de s’échanger convenablement elle peut vous jouer un sacré tour : le chalet d’il y a deux jours s’est avéré être un abri de bus scolaire et un sachet devient un sac – décidément nous devons encore faire un peu de chemin pour nous approprier les usages locaux.
 
Pour continuer notre route, nous passons devant l’église de l’Assomption néo-jésuite du XVIIIe siècle dont le portail retient toute mon attention – la porte d’entrée est partiellement ouverte mais protégée par une chaîne tirée à travers des crochets en fer, le tout fixé avec un cadenas.
 
Suit alors une montée le long de la Chapelle Beauregard où les ânes ont plus envie de brouter le long du chemin que de monter – notre progression est en conséquence. Arrivés sur le plateau, nous constatons que nous nous trouvons à la même courbe de niveau qu’après avoir remonté la pente en partant du Val des Dames. Tout ce détour au prix d’une baguette – comme dirait Daniel, il faut bien prendre une décision et j’ajoute une phrase préférée de ma part, il faut bien fixer des priorités – et pour conclure pour nous deux, il faut être prêt à payer le prix.
 
Une fois arrivé sur le plateau, nous nous engageons sur le GR du Pays de Tour des Maquisards qui est un chemin de mémoire en souvenir des combattants du maquis. Avant d’entrer dans la forêt, nous passons près d’un abri qui est ouvert et les informations écrites sur des panneaux à l’intérieur laissent sous-entendre qu’on aurait pu y passer la nuit. A l’intérieur se trouvent des bancs, tables et un habitacle pour faire un feu. L’annexe contiguë à l’abri est dotée d’une infrastructure pour faire la chasse à grande échelle, les crochets et le dispositif pour remonter en poulie de grosses charges ressemblent un peu à un abattoir de campagne. Issu d’une famille de garde forestiers et de chasseurs, je suis le seul à ne pas porter une arme et à me livrer à la chasse. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai des difficultés pour comprendre la chasse à grande échelle, ce qui ne veut cependant pas dire que je m’oppose à une intervention de l’homme pour garantir une certaine population de gibier à un niveau raisonnable, qu’on pourrait le cas échéant atteindre en laissant le cours à mère nature et sans forcément prévoir des endroits spécifiques pour nourrir l’espèce. Mais ça, c’est une autre histoire.
 
Dans la première partie du Chemin des maquisards, nous sommes en pleine forêt ce qui à cette heure du jour est très confortable compte tenu de la chaleur en ce moment. Sur la seconde partie du chemin, un côté a été entièrement rasé pour céder la place à une ligne de haute tension. Il s’ensuit que nous devons traverser cette partie en plein soleil. C’est sur cette partie que nous verrons des chevreuils qui n’ont pas peur de sortir sur le petit espace non boisé juste en face d’un autre abri pour chasseurs. Cette deuxième partie du chemin est également moins lisse que celle en terre battue que nous venons de franchir. Ici nous sommes contraints de marcher sur un fonds de petites pierres de tailles différentes qui se déplacent légèrement à chaque pas. Personnellement, je trouve que pour ce genre de fonds mes chaussures AB sont un peu limitées, constat que Daniel partage avec moi.
 
La fin du Chemin des maquisards aboutit dans les vignobles, ce qui est très surprenant dans la mesure où le passage entre forêt et vignobles est très abrupte. Nous entrons dans Mussy sur Seine en passant par la chapelle de la Sainte-Elisabeth qui doit être très branchée puisqu’elle est complètement entourée de câbles électriques aériens dans tous les sens. Surprenant est également le fait que nous voyons des cerisiers qui portent déjà des cerises mûres. Juste avant de passer la N71 nous observons dans un pré plusieurs chevaux et un âne qui est très enchanté à la vue de Henry et Basile.
 
Mussy sur Seine se trouve dans l’Aube à la frontière du département de la Cote d’Or et constitue le chef-lieu de la région Champagne Ardenne. Mussy provient d’un langage celtique et signifie rivière cachée. Lorsque je consulte après coup les différents sites internet, on y  énumère une longue liste de personnalités qui se sont arrêtées à Mussy, ce qui est surprenant. Dans l’histoire locale, l’année 1474 renseigne le Comte de Luxembourg, en son temps gouverneur de Bourgogne, qui pour compte de Maximilien d’Autriche s’empare de Mussy, qui était défendu par les troupes de Louis XI. Dès à présent ils peuvent ajouter sur la liste des personnes qui sont passées à Mussy deux pèlerins luxembourgeois qui sont venus en paix et qui ont fait halte sur l’aire spécialement aménagée à cet effet au bord de la Seine. C’est la première fois que nous trouvons pour notre pause d’avant-midi une aire de repos avec bancs et tables avec en supplément des WC publics – quel luxe.
 
Lors de notre traversée de Mussy alors que je suis à la recherche d’un bancomat, une femme nous offre spontanément de l’eau pour boire ce, qui fait du bien même si nous venons justement de prendre une petite gorgée de nos gourdes. Nous avons bien trouvé un bancomat mais le distributeur ne semble pas être compatible avec des cartes bancaires internationales. Un peu plus loin, nous trouvons une crèmerie que nous avons failli ne pas voir puisque tous les volets étaient fermés pour protéger l’intérieur contre la chaleur. Daniel sortira du commerce avec des carottes pour les ânes et un fromage superbe qui confirme la longue tradition des maîtres fromagers locaux.
 
Nous continuons sur la D112 en direction de Gomméville qui surprend par une multitude de bâtiments voués à une disparition si aucun investissement en termes de restauration n’est fait dans un futur proche. Un couple de jeunes offre aux ânes de l’eau mais ils sont plutôt réservés face à cette offre et ne mouillent que le nez. Merci quand même pour le geste. Compte tenu de la chaleur nous décidons de faire notre pause midi près de l’église Saint-Antoine construite au courant des XVe, XVIe et XIXe siècles. Décidément c’était le bon choix, à l’ombre, deux grands arbres pour attacher les ânes avec un espace non tondu duquel il ne restera pas grandes herbes dans un rayon de huit mètres autour de chaque arbre après notre départ et un robinet dans le cimetière. Nous débâtons les ânes complètement pour leur permettre de disposer du même confort que nous et leur offrons leur bassine d’eau qui est vidée immédiatement de sorte qu’il faut refaire le plein. Visiblement, ils ont quand même un peu moins de difficultés avec cette bassine transparente. Pour le casse-croûte, nous profitons des escaliers à l’ombre devant l’église près de laquelle nous avons déposé notre sac à baguette et savourons le fromage acheté il y a un peu moins d’une heure. Comme il fait tellement chaud, chacun cherche un petit coin pour faire une sieste et le sommeil ne tarde pas à prendre soin de nous. Daniel m’avait encore dit qu’il se poserait sur son tapis le long du mur du cimetière et, pour blaguer avant de m’endormir à mon tour, je lui avais répondu que j’informerai son épouse qu’il s’est tranquillement endormi près du cimetière de Gomméville.
 
Notre pause de midi a été plus longue que prévue – il est presque seize heures et il fait toujours horriblement chaud. Nous décidons néanmoins de continuer notre route sur la D118 en direction de Pothières. En cours de route, nous profitons de chaque arbre qui donne un peu d’ombre pour échapper au soleil qui frappe comme à midi. A l’entrée du village, nous rencontrons une fermière qui nous offre spontanément de l’eau. Plus on s’arrête un petit peu, moins grande est la volonté de continuer encore la route. Pour passer la nuit on nous recommande des chambres d’hôtes exploitées par un Suisse à la sortie du village – impossible de ne pas trouver la maison, puisqu’il aurait pérennisé son arbre généalogique sur un des murs de l’immeuble.
 
Arrivés près de la maison, nous lisons Chambre d’hôtes « L’Oasis », un petit établissement exploité par Pierre et Jeanne Baehler. Au portail, nous parlons d’abord avec madame, puis Pierre sort de son atelier et à la vue des ânes son visage commence à rayonner. A l’entendre parler, sans le savoir on aurait pu deviner qu’il était suisse parce qu’il parle tellement lentement - comme un Suisse quoi. L’Oasis dispose au fond de sa propriété une prairie qui n’avait pas encore été tondue, dans laquelle Henry et Basile passeront la nuit à leur aise. Plus tard, Pierre nous dira que nos ânes sont de vrais ambassadeurs – je savais que le contact se fait plus facilement avec eux mais je n’avais encore eu l’idée de creuser de ce côté dans le vocabulaire. La prochaine fois que je dois refaire leur carte d’identité que je leur ai fait maison et qui est attaché à leur licol, si jamais ils devaient prendre le large, je ne me contenterai plus de mettre Henry et Basile mais préciserai Henry Premier, Ambassadeur de Gosseldange avec son numéro de téléphone.
 
Nous profitons des infrastructures pour prendre de suite une douche et laver une partie de nos vêtements pour les mettre encore au soleil et profiter ainsi de la chaleur qui a à peine diminué pour les faire sécher. Dans notre chambre se trouve un poste de télévision qui ne nous intéresse pas. Avant de préparer notre repas du soir, nous sommes encore invités par Pierre pour prendre une bière et nous nous échangeons sur certains préjugés que certains Européens et en particulier pendant la crise financière de 2008-2009 les français et les allemands peuvent avoir à l’encontre de l’amitié luxembourgo-suisse. 
 
 
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