MIRAMONT
- ARZACQ
Lundi,
143 septembre 2015
Jour
6
19 km
Il a plu presque toute la nuit et
il fait encore lourd quand nous quittons le gîte. Comme l’approvisionnement en
cours de route ne sera pas possible, nous nous rendons encore dans une des
boulangeries du village qui affiche ouverte. Nous y achèterons une baguette
cuite le dimanche puisqu’il n’y a pas de nouveau pain le lundi matin – on vend
ce qui reste de la veille. Pour le surplus nous achetons un journal local à la
fois pour avoir des informations sur la météo et pouvoir utiliser le papier
pour sécher les souliers au cas où il devait pleuvoir.
A peine avons-nous rejoint le GR
65 qu’il commence de nouveau à pleuvoir. Etant donné que nous avons survécu
l’étape d’il y a deux jours avec trente kilomètres sous une pluie battante
presque toute la journée, nous sommes confiants d’arriver à bon port en fin de
journée. Par rapport à l’étape d’il y a deux jours, celle d’aujourd’hui nous
fait d’emblée prendre quelques kilomètres sur la D314. Cette départementale est
relativement étroite et la moindre des choses qu’on peut dire est que les
automobilistes et en particulier les chauffeurs de camions et surtout de
camionnettes ne font aucun effort pour ralentir à l’approche d’un ou de
plusieurs pèlerins. Cette partie du Camino, même s’il ne s’agit que de quelques
kilomètres, est franchement dangereuse. Par
temps de pluie et en particulier le matin alors que le jour n’est pas encore
complètement levé, les pèlerins doivent doubler de prudence et sont bien
conseillés de porter le cas échéant une veste avec des bandes fluorescentes.
En cours de route nous discutons
encore un petit peu de l’encadrement chaleureux que les volontaires du gîte ont
réservé aux pèlerins – la preuve est que c’est faisable si on aime vraiment ce
qu’on fait : partager sa passion au vrai sens du terme. Merci encore une
fois.
Avant d’arriver à hauteur de la
chapelle de Sansacq je discute au passage avec des pèlerins finlandais qui ont
également séjourné dans notre gîte. Lui a déjà fait la partie de l’Espagne et pérégrine
cette année avec son épouse sur une partie de la voie du Puy. Nous communiquons
en anglais puisqu’ils ne parlent pas le français. Plus tard j’apprends que
madame comprend et parle un peu l’allemand. Ces finlandais représentent ceux
qui ne maîtrisent pas la langue du pays dans lequel ils marchent mais essayent
de se débrouiller avec une langue intermédiaire. Trop souvent on rencontre des
gérants de gîte qui ne parlent qu’une seule lange, la leur. Le Camino ne serait
pas le Camino si on n’arriverait pas à s’en sortir : il y a toujours des
personnes prêtes à traduire – si non, il faut parler avec les mains.
La chapelle de Sansacq est une
chapelle romane du onzième siècle dédiée à Sainte-Marie et a la particularité
de se trouver en rase campagne. Ce qui saute aux yeux c’est sa charpente en
carène et en fonction de l’endroit où un se trouve à l’intérieur la vue sur la
charpente juste au-dessus de l’autel fait penser à une coquille géante.
Dans la description du chemin
nous avions lu qu’en cas de pluie la partie avant Pimbo pourrait être plus
laborieuse. Tout laisse à penser que l’auteur y est probablement passé alors
qu’il pleuvait. Même si au moment où nous y passons il ne pleut plus, je ne
peux que confirmer que cet avertissement s’avère exacte. Un mélange de boue, de
sable, de petits cailloux et de glaise, le tout bien remué par l’eau de pluie
et le passage d’autres pèlerins font en sorte qu’on fait mieux de marcher avec
prudence pour éviter une chute. Les pèlerins qui sont en route avec deux bâtons
de marche ont un net avantage par rapport aux autres puisqu’ils sont capables
de parer une éventuelle glissade avec les bras.
A côté de l’église Saint-Barthélémy
de Pimbo se trouve un accueil pèlerins. Bien loin avant d’y arriver un panneau
affichait que cet accueil était également ouvert pendant la journée pour
permettre aux pèlerins de se reposer un petit peu et y prendre une petite
collation. Nous y rencontrerons Bernard, Louisette et les Finlandais. Christiane
et Nicolas veulent boire un double expresso alors que j’opte pour un café
allongé que j’essaie de commander au comptoir. Il y a deux personnes derrière ce
comptoir dont une s’occupe à revoir le stock et l’autre s’adonne à des statistiques
faites main dans un petit carnet. « Allo, il y a un client qui veut
dépenser de l’argent » – on fait comme si personne ne se trouvait devant
soi et on continue à s’occuper de statistiques. Le pèlerin attiré par la
publicité de la collation peut attendre – il survivra. Après quelques minutes
on découvre quand-même ce drôle d’intrus avec son chapeau, son sac-à-dos et son
arme qu’est le bâton du pèlerin. Encore plusieurs minutes plus tard le café est
enfin prêt et tant que les esprits se sont réveillés nous profitons pour
commander vite quelques barres de chocolat, nougat et malt dont le nom relève d’une
planète de notre système solaire. Cela fait au moins une vingtaine d’années que
je n’avais plus mangée une barre pareille. Comme pas mal d’autres pèlerins en
font autant, Christiane estime qu’on peut se permettre ce petit péché. Nicolas
s’offre pour accorder l’absolution à tout le monde et cette pâte crémeuse une
fois à température ambiante dans la bouche disparaît dans l’estomac sans remords.
La partie restante à faire de
l’étape d’aujourd’hui est un mélange entre pluie et soleil et il fait de
nouveau très lourd. Pour arriver à Arzacq il faut passer encore une de ses
montée tant redoutées en fin de journée et nous sommes sans le savoir en
permanence soit dans les Landes, soit dans les Pyrénées-Atlantiques puisque la
frontière passent en cet endroit. A Arzacq on peut de nouveau se ravitailler
mais nous préférons le faire seulement demain matin puisqu’on nous dit que les
commerces seront ouverts à partir de sept heures.
Arrivé au gîte communal ou encore
« Centre d’Accueil d’Arzacq » je suis surpris par l’accueil
chaleureux de la gérante et de la propreté de la chambre à trois lits dans
laquelle nous dormirons. Associés à cette chambre sont un WC particulier et une
douche au sujet de laquelle il n’y a rien à reprocher. Autant pour les
louanges. Le revers de la médaille est néanmoins la salle réservée pour prendre
le repas. Le repas est servi à dix-neuf heures ce qui est normal. Ce qui n’est
pas normal c’est que ce qu’on sert est calculé à la miette près et surtout le
personnel qui rôde autour des tables comme des surveillants dans une maison de
correction tel qu’on a l’habitude de le voir dans les films. Rebelote le matin
pour le petit déjeuner – loin de ce qu’on a eu l’habitude de vivre jusque
maintenant. Beaucoup de pèlerins partiront de la salle à manger d’Arzacq avec
l’impression que le personnel voulait au plus vite se débarrasser des pèlerins
– dommage.
Parmi les pèlerins que je n’avais
pas encore vus, j’ai rencontré un Suisse à vélo qui était en train de revenir
de Santiago-de-Compostelle. Parti il y a dix jours il a fait tout l’Espagne en
huit jours et pour arriver depuis la frontière à Arzacq il a mis deux jours.
Son objectif est d’être de retour à domicile dans quinze jours.
Avant de prendre le repas,
Christiane a préféré se reposer un petit peu alors que Nicolas et moi ont fait
un tour du village et avons entre autre visité l’église Saint-Pierre. Comme
deux personnes sont présentes près d’une table nous profitons pour faire
tamponner notre Crédential et sommes un peu surpris pas les bons conseils d’un
homme qui nous révèle ne jamais avoir posé un pied sur le Chemin de Saint-Jacques
mais qui sait tout, surtout ce qu’il faut faire et ne pas faire. Nous avons
profité de l’arrivée d’autres pèlerins pour prendre discrètement congé et ont
préféré aller boire une bière à la santé de tout le monde.