CLAMECY - CUNZY
Jeudi, 13 mai 2010
Jour 1
18 km
Voilà, en route pour une nouvelle étape de notre périple. Afin de nous permettre de repartir le plus prêt de l’endroit où nous nous sommes arrêtés l’année passée, nous avons choisi Clamecy qui est desservi par une ligne de bus depuis Nevers. Contrairement aux autres pèlerins sans accompagnateurs à quatre pattes, nous devons en effet trouver un endroit pour entreposer la bétaillère pour le transport des ânes. Compte tenu du parcours que nous escomptons parcourir cette année, Clamecy s’y prête à merveille.
Pour rejoindre Clamecy, nous partons de chez nous le mercredi 12 mai vers midi et arrivons à destination en fin de journée vers dix-neuf heures. Eh oui, il nous a fallu presque sept heures pour parcourir quatre cent trente km dont seulement la moitié par autoroute. Ajoutons trois arrêts : le premier pour jeter un coup d’œil sur Henry et Basile, le deuxième pour faire le plein et parer à toute éventualité de se trouver à sec de carburant et le troisième pour sortir les ânes de la bétaillère et leur permettre de se dégourdir un peu les jambes mais surtout faire le plein eux aussi, ce qui revient à brouter. N’oublions pas un petit bouchon à Auxerre et la vitesse à respecter pour conduire avec une bétaillère et le compte est bon.
Préalablement à notre déplacement, nous avions pris contact avec les gérants du Camping du Pont Picot à Clamecy, qui est actuellement régi par la municipalité, afin de trouver un endroit pour un « parking mort » pour la bétaillère pendant la durée de notre périple. En sortant de la voiture avec ses vingt-deux degrés, nous nous trouvons subitement avec du deux degrés sur une presqu’île au bord d’un nief du canal du Nivernais. Inutile de préciser que nous avons profité de nos expériences outdoor pour nous tenir au chaud en revêtant couche par couche, veste, coupe-vent, etc.
A part deux couples néerlandais bien au chaud dans leurs camping-cars et deux autres couples qui étaient installés dans les deux seuls mobile homes à louer sur place, il n’y avait personne. Le gardien du camping nous a montré un endroit pour Henry et Basile pour passer la nuit alors qu’il nous restait le choix entre dresser la tente, dormir dans la bétaillère et laisser les ânes à la belle étoile, ou bien recourir à la proposition du gardien du camping – nous installer dans le WC pour personnes handicapées. Face à un ciel de plus en plus menaçant et compte tenu du fait que je voulais éviter que les ânes ne se mouillent par une température avoisinant le zéro degré nous avons laissé la bétaillère aux ânes et nous nous sommes installés dans les WC. A notre place, qu’auriez-vous fait ? Prendre dès le premier jour le risque de devoir le cas échéant emballer une tente mouillée par la pluie voire la neige ou la brume de la nuit près d’un canal ou bien se trouver au sec dans un endroit carrelé, propre mais non chauffé qui n’a pas encore servi cette saison. Sachant aujourd’hui que la moyenne annuelle des jours de pluie à Clamecy est de cent cinquante sept, les WC ont été le bon choix.
Dans l’histoire de Clamecy je note qu’on en parle la première fois en six cent quarante-trois sous la dénomination Clamiciacus et qu’une industrie de la carbonisation du bois et de l’exploitation des produits chimiques y employait mille personnes le siècle dernier. Parmi les personnalités liées à la commune, je me rappelle avoir lu des ouvrages des écrivains locaux Romain Rolland et Jules Renard.
Une fois les ânes installés pour les laisser brouter, nous avons à notre tour cherché un endroit pour manger et sommes tombés sur la Crêperie du Canal, avec un intérieur plus proche de la Bretagne que de la Nièvre. Après avoir étudié la carte, nous nous sommes laissé tenter par un apéritif « Mont Saint-Michel » servi dans un bol et composé de cidre, de calvados et de miel. Excellent, mais nullement recommandé pour en boire un deuxième avec un estomac vide.
La nuit était froide - même très froide - et les soins du corps, même avec de l’eau chaude dans un endroit non chauffé, font partie de l’ensemble que constitue un périple, mais ce n’est peut être pas forcément du goût de tout le monde qui veut se livrer à une telle aventure. Bien le bonjour au fabricant de nos sac de couchages, vous avez tenu promesse: les indications relatives au confort et la limite viable renseignées sont exactes.
Avant de partir, un petit déjeuner sur une pierre d’une certaine taille devant le complexe douches/WC. Comme les années précédentes : baguette, un peu de fromage et du miel, un café déca pour moi et du thé pour Daniel.
A neuf heures, c’est le départ destination Pont-Picot pour emprunter la montée vers la D34. Traditionnellement Henry et Basile partent au début comme des tarés, mais cette fois-ci, compte tenu de la montée, ils m’étonnent. Cool les gars, ne brûlez pas tous vos grains dès le départ - avec un poids de trente-quatre kilos à porter, ménagez un peu vos efforts.
Au croisement de la D34 avec la D215, nous entrons dans le bois du Marché renseigné par un panneau comme étant la forêt communale de Clamecy certifié PEFC. A peine arrivé dans la forêt, nous entendons pour la première fois le chant d’un coucou et vérifions directement si nous avons assez de cash avec nous, pour suffire au dicton comme quoi le chant d’un coucou pourrait doubler le cash. Dans la suite, nous avons encore une fois entendu le coucou, mais le contenu de notre bourse n’a pas doublé pour autant. Ce dicton est partant susceptible d’un audit. Au lieu dit « les Missiaux » nous voyons des bâtisses agricoles, qui ont connu jadis de meilleurs jours, et un panneau relativement récent renseignant B&B. Eh oui, si on le savait toujours à l’avance, ce « bed and breakfast » aurait fait du bien aux pèlerins que nous sommes.
A Creux sur la D143, nous avons un premier contact avec un cheval qui visiblement n’a plus vu un autre animal depuis longue date à en juger par son comportement. Pour éviter de trop l’exciter, nous décidons de ne pas nous reposer dans ce petit hameau mais de continuer notre route. Sur le Pont du Diable, nous laissons sous nos pieds le ruisseau de la Fontaine de Creux ainsi qu’une ligne de chemin de fer qui, à première vue, semble ne plus être fréquentée à en juger l’état des poteaux sur lesquels les fils sont coupés et pendent encore partiellement vers le sol. Afin de ne pas emprunter la D23 qui nous semble être plus fréquentée, nous prenons un raccourci à travers la forêt «La Passielière » et contournons ainsi le village de Le Plessis. Pour éviter de quitter la forêt prématurément comme l’an passé à Grancey, Daniel étudie la carte en détail alors que j’apporte ma part avec la précision du GPS et nous tombons juste. Ce serait quand même fort de café qu’en présence de deux ânes qu’on fasse la même bêtise deux fois. Avec ce double soin, nous atteignons la D185 qui nous amène vers Ouange.
En fait j’ai oublié de parler de nous-mêmes, de Daniel et moi. Nous nous portons bien, avec la répartition des tâches comme d’habitude. Chacun sait ce qu’il doit faire et nous sommes en pleine action, quoiqu’il soit peut être un peu trop tôt pour prétendre qu’on ait déjà pris le recul nécessaire par rapport à notre travail au quotidien.
Il est midi quand nous arrivons près de l’église d’Ouagne, dédiée à saint Gervais et saint Potrais, pour faire une pause et manger un petit quelque chose. Un panneau affiche que cette église a été détruite en l’an mil cinq cent soixante-neuf par les Protestants. Elle a été reconstruite plus tard et reconnue comme patrimoine historique en mil neuf cent soixante et onze. A proximité de l’église, se trouve un pont érigé en mil sept cent trente pour passer le Beuvron dans le lit duquel les locaux ont fait flotter le bois en son temps. On apprend par ailleurs qu’il y avait dans le passé un haut-fourneau et des forges.
A la sortie d’Ouagne, nous passons près d’un petit camping très bien entretenu sur lequel se trouvent quelques roulottes du genre comme nous les avons déjà vues l’année passée à Asquins. Il n’est que treize heures, ce qui nous incite à continuer notre chemin et sommes sous peu contraints d’opter soit de continuer en direction de Varzy ou bien de nous diriger vers Cunzy-les-Varzy. Comme le ciel est très couvert et compte tenu d’une part du fait que la température est toujours très très basse et, de l’autre, que le village dispose d’un relais pour pèlerin, nous décidons de rejoindre le village le plus proche qu’est Cunzy-les-Varzy. A quelques maisons de l’église Saint Martin nous trouvons le refuge et un panneau indique que la clef peut être retirée trois maisons plus loin. Madame Debèze nous ouvre la porte et apposera par la suite le premier tampon deux mille dix dans notre Crédential. Elle est un peu étonnée de voir des pèlerins avec des ânes. Nous déposons nos bagages dans le refuge et, comme les alentours ont été arrosés avec un désherbant quelques jours auparavant, nous ne pouvons malheureusement pas garder les ânes dans l’enceinte de la propriété. A proximité du refuge, nous découvrons plusieurs personnes qui sont en train de préparer une grillade. Nous apprenons qu’il s’agit du comité des fêtes qui, après une promenade, est en train de manger dans la salle des fêtes. Le fils de madame Debèze en fait partie et nous procurera un emplacement pour les ânes dans un des ses box pour bestiaux, bien à l’abri d’une éventuelle intempérie par ce froid qui prend possession de vous dès qu’on est à l’arrêt.
De retour au refuge, nous nous installons dans une des chambres et, même sans chauffage aucun, le fait de se trouver entre des murs fait du bien. Dans la cuisine, nous trouvons un frigidaire avec des denrées alimentaires sur lesquelles se trouve le prix à payer au cas où on y recourrait. Nous partons de l’honnêteté de l’homme en tant que tel et déposons de l’argent sur une table où se trouvent déjà quelques euros avec un petit papier du consommé. Outre le frigidaire, se trouve également dans cette cuisine un four à bois et nous allumons immédiatement quelques bûches pour savourer une dizaine de minutes plus tard l’effet reposant de la chaleur. Après avoir lavé quelques habits nous avons quitté le refuge pour nous renseigner s’il y avait un commerce dans le village, ce qui s’est avéré ne pas être le cas. Près du comité des fêtes qui avait bien fait ses provisions, nous acquérons contre une petite participation aux frais une baguette et une bouteille de vin. Plus tard dans l’après midi, Marianne, une Néerlandaise d’Enschede qui pérégrine toute seule nous rejoint dans le gîte. Comme une habituée des refuges, elle inspecte le frigidaire et les armoires et est étonnée que les provisions sont un peu limite et ne permettent pas de préparer un repas qui redonne des forces après une journée de marche. Considérant que notre cuisine ambulante dans nos sacoches permet une autonomie de quatre jours, nous y recourons pour préparer un repas en commun et partageons ce que nous avons, en ayant une petite pensée pour Bernadette et Louis qui nous avaient si chaleureusement accueillis l’année passée. En y ajoutant la baguette ainsi que le vin que nous venons d’acquérir, tout le monde mange à sa faim dans une ambiance décontractée. Dans ce cadre, nous échangeons encore une foule d’idées dans un contexte philosophique sur la nature humaine en tant que telle avant de nous coucher sous quelques duvets qui contrebalancent le froid de la nuit passée.