Annoux - Tharot - Camino

Aller au contenu

Menu principal :

Trajet > 2009
Annoux - Tharot
 
Jeudi, 28 mai 2009
Jour 8
26 km
 
 
Il est sept heures du matin et nous sommes en train de faire le tri de nos affaires quand surgit le fils de Marguerite qui s’occupera avec son ouvrier de préparer le terrain pour recevoir un réservoir d’engrais liquide d’une contenance de cinquante mille litres. L’exploitation paternelle est son pied-à-terre pour son exploitation répartie dans trois endroits différents. Marguerite quant à elle nous invite à prendre le petit déjeuner dans la maison. Nous profitons de la table pour examiner encore une fois le trajet de la journée et, pour la première fois, je commence à croire que nous arriverons en temps voulu à Vézelay. Juste avant de partir, Marguerite nous fait encore cadeau d’une brioche faite maison hier soir alors que nous étions déjà probablement dans nos sacs de couchage.
 
La pluie qui est tombée la nuit et les quelques nuages restants font en sorte que nous pouvons profiter d’un temps idéal pour pérégriner. Cette petite baisse de température fait visiblement également du bien aux ânes qui avancent à une bonne allure sans pour autant oublier qu’il faut de temps en temps s’arrêter pour brouter, si ce n’est que pour embêter leurs meneurs.
 
Nous arrivons à Civry-sur-Serein où nous passons sur un petit pont en dessous duquel coule le Serein. Civry dont le nom d’origine de Sivriacum remonte au XIIe siècle est encore un de ses villages dont la population a diminué de plus de cinquante pourcents en un siècle pour ne compter plus qu’une centaine de personnes aujourd’hui. Dans les dates récentes de ce petit village, on retient l’arrivée de l’eau courante en mille neuf cent soixante-cinq et le tout-à-l’égout en mile neuf cent quatre-vingt-cinq. Après une petite visite devant l’église Saint-Jean l’Evangéliste et surtout de son porche, nous quittons le village et rencontrons dans un pré des ânes, eux en bas près d’un hangar, les nôtres en haut et chacun d’eux s’observent intensivement. L’intérêt d’une rencontre de ceux d’en bas à la vue de la charge que portent Henry et Basile semble cependant plutôt modéré.
 
Nous empruntons un petit tronçon de la D85 pour la quitter de nouveau en direction de Dissangis sur la D86. Dissangis se distingue des autres villages dans la mesure où l’eau d’un ruisseau coule le long de la rue dans un petit canal. Cette fois-ci nous en profitons pour prendre des photos alors que l’année passée à Maxey-sur-Vaise nous avions oublié d’éterniser les petits canaux qui embellissent ce joli village. A la vue de l’église Saint-Martin, deux choses retiennent mon attention : l’état délabré de l’édifice et le conduit de cheminée qui sort à hauteur d’homme d’un mur, ce qui me rappelle le conduit de cheminée rencontré dans l’église d’Amanty l’année passée. Un petit coup d’œil sur l’évolution de la population de Dissangis mérite néanmoins l’attention : alors qu’elle était au plus haut au début du XIXe siècle avec trois cent vingt-cinq personnes, elle est passée au plus bas en mille neuf cent quatre-vingt-deux avec soixante-quinze unités pour remonter aujourd’hui à cent trente-six.
 
Depuis ce matin, nous nous trouvons sur la frontière entre les grandes exploitations qui ne font que les céréales et celles où nous voyons de nouveau de l’élevage. Ce constat est confirmé à la sortie de Dissangis où la configuration du terrain accidenté ne permet plus une exploitation à grande échelle de quoi que ce soit.
 
Nous continuons sur la D386 et passons par Coutarnoux dont les carrières ont servi à approvisionner les pierres du Pont-Neuf à Paris et au Château de Versailles. A la hauteur du château, un bruit infernal nous attend. En effet, cinq ouvriers sont en train de nettoyer les alentours avec leurs débroussailleuses. Le bruit d’un seul de ces engins n’est pas triste, mais le multiplier par cinq fait mal aux oreilles alors que vous sortez de la tranquillité d’une forêt. Henry de son côté ne semble plus prêter trop d’intérêt à un tel bruit alors qu’il y a deux jours il chargeait à l’approche d’un seul de ces monstres. Sur tout le trajet tant de l’année passée que de celui que nous sommes en train de faire, je n’ai nulle part ailleurs rencontré une fourchette sociale aussi prononcée qu’à Coutarnoux et Origny, à en juger par le seul état des maisons qui s’y trouvent. Les quelques habitants avec lesquels nous avons échangé quelques mots confirment par ailleurs que les hypermarchés dans les grandes agglomérations sont à l’origine de la mort des petits commerces des villages et, par conséquent, des lieux de rencontres et d’échanges des locaux.
 
Comme la suite de la configuration du terrain ne présente pas trop de difficultés, nous continuons en laissant sur notre gauche le village La Cour et passons près de Champ Meuriot sur un petit pont au-dessus de l’A6 – l’autoroute du soleil. Il est déjà midi et demi, l’heure traditionnelle du repos des ânes et ils nous le font sentir sans se gêner. Thory se trouve à moins d’un kilomètre et le chemin pour y accéder descend. S’y trouve un petit château qui date du XVe siècle. Tout comme à Dissangis la population commence tout doucement à évoluer alors que dans d’autres villages nous avons constaté le contraire.
 
Une fois n’est pas coutume, notre pause de midi semble déranger Max, le chien des habitants en face de la place publique qui défend son territoire par tous les moyens mais surtout de manière auditive. Max semble insensible aux appels à l’ordre de sa patronne et nous décidons de lever le siège plus tôt que prévu.
 
A l’entrée de Lucy-le-Bois, qui au matin était encore notre destination de fin de journée, nous rencontrons quatre dames qui font une petite balade et n’en reviennent pas devant les charmes de nos compagnons aux longues oreilles. Au croisement de la D9 avec le D944, nous trouvons un puits avec un seau et le remplissons au grand plaisir de Henry et Basile pour lesquels un couple en camping-car fait un stop inopiné pour les prendre en photo. Tant pour Thory que pour Lucy-le-Bois, la documentation est très abondante sur le Net et le cadre des renseignements trouvés dépasserait la présente.
 
A partir de Lucy-le-Bois nous nous trouvons définitivement sur les terrains accidentés et la montée de la rue Saint-Martin pour accéder à l’église du même nom n’en est qu’un exemple. C’est ainsi que nous passons d’une altitude de deux cent vingt et un mètres à trois cent neuf que les ânes en cette fin de journée arrivent à monter sans trop de problèmes. De notre côté, nous ne ressentons pas de difficulté compte tenu du rythme de croisière de nos deux copains. Cela fait maintenant huit jours que nous sommes partis et nous avons décidé d’adapter notre progression à la cadence de Henry et de Basile – s’ils nous font signe du plus petit problème, nous nous arrêtons net. Même si les ânes m’appartiennent, je suis content de constater que Daniel partage ma façon de voir les choses de la sorte et nous agissons solidairement à leur égard.
 
Un petit mot sur nos pieds : pas de problème, pas de bulle, rien. Soulignons néanmoins que nous profitons de l’heure de midi pour enlever les chaussures et chaussettes pour les aérer. En soirée, si l’occasion se présente, nous lavons les chaussettes et par précaution recourons parfois au talc pour les frictionner.
Juste avant d’arriver à Tharot, nous voyons au loin quelques cavaliers venir à notre rencontre. Fort d’expériences du passé, c’est plutôt mal parti pour eux s’ils décident de rester en selle plutôt que de mettre pied à terre puisque les chevaux ont tendance à avoir peur des ânes. Juste avant de venir à leur hauteur les cavaliers changent de direction pour rejoindre une ferme ce qui évite à tout un chacun un moment de stress inutile.
 
A Tharot, nous sommes très surpris de découvrir un panneau à l’entrée du village qui informe le conducteur sur la présence d’enfants et lui demande de penser à eux et de rouler doucement. D’après le code de la route en tant que meneurs d’animaux, nous sommes également à considérer comme conducteur – nous ferons dès lors de notre mieux pour ne pas dépasser la vitesse réglementaire. Compte tenu de l’heure et du trajet déjà parcouru aujourd’hui, nous décidons de chercher ici un abri pour la nuit, ce qui a première vue semble un peu difficile en l’absence d’un pré pour les ânes. Une fois le tour du village terminé, alors que nous nous arrêtons à hauteur d’un croisement pour décider de la suite, nous découvrons derrière nous une porte d’une grange sur laquelle est peint « La Roulotte » www.la-roulotte.com. Annie exploite la Roulotte depuis sa retraite et en a fait un chef d’œuvre. En effet derrière cette porte se trouve une chambre d’hôte composée d’une petite cour, un salon, un coin avec deux lits, une cuisine, une salle de bain et des WC. Petit déjeuner compris nous y trouvons un rapport qualité prix plus que confortable – âme de pèlerin, qu’est-ce tu cherches de plus ?
 
Par rapport à l’année passée, nous avons trouvé plus de commerces et plus de chambres d’hôtes et/ou hôtels. Il est évident que le budget moyen par jour en souffre un petit peu. En tout et pour tout, nous nous en sortirons avec trente euros par tête par jour.
 
Nous convenons vite de rester et nous mettre à la recherche d’un pré après avoir débâté les ânes. Annie tombée sous le charme de nos accompagnateurs propose de les laisser dans la petite cour de huit fois dix mètres et d’aller plutôt à la recherche d’un peu de foin. Chère Annie, je t’en suis très reconnaissant pour ce geste dont j’explique le pourquoi dans le prochain récit. Accompagnés de Henry et Basile sans sacoche mais toujours bâtés, nous nous mettons à la recherche de foin. Daniel s’arrête avec Basile près d’un marchand ambulant qui n’en revient pas qu’on puisse acheter deux kilos de carottes d’un coup alors que de mon côté Henry convainc un fermier de nous donner un sachet de foin. Sans Henry à mes côtés, le fermier ne m’aurait pas cru ceci d’autant plus qu’il rencontre apparemment souvent des personnes qui viennent quémander n’importe quoi. C’est ainsi que nous rentrons à la Roulotte, Henry avec le foin et Basile avec un paquet de bière et des carottes. Comme nous avons pris l’habitude de nous passer d’infos, tant la radio que la TV dans la Roulotte continuent de rester sans être branchés.
 
Avant de manger, nous consacrons quelques moments aux ânes qui apprécient à leur juste valeur ces gestes d’amitié. Alors que nous nous offrons une bière, messieurs prennent un bain d’ânes et restent longtemps assis par terre en somnolant. Si Basile a décidé de s’orienter plus vers Daniel pour tenter de lécher la bouteille de bière, Henry de son côté reste assis et je peux m’en approcher pour un échange très particulier. Je qualifierais ce moment entre un bon mélange de fatigue de sa part et de la confiance dont il fait preuve à mon égard. Être assis à côté de son âne qui savoure ce moment sans se lever est quelque chose d’inhabituel et de formidable.
 
 
 
 
Retourner au contenu | Retourner au menu