IRUN
– SAN-SEBASTIAN
Samedi,
3 septembre 2016
Jour
2
26 km
Pendant
la nuit il faisait très chaud dans un dortoir surpeuplé avec des fenêtres
presque closes à cause des moustiques – vous voyez à peu près l’atmosphère.
Heureusement que j’avais opté pour un lit tout prêt d’une des portes fenêtres
qui était partiellement ouverte ce qui me permettant ainsi de profiter un peu
de l’air frais qui rentrait – je plaignais néanmoins ceux qui se trouvaient au
fond du dortoir.
Le
desayuno ne correspondait vraiment pas à ce qu’on est en droit d’attendre en
contrepartie des euros qu’on a payé. Sur une petite tablette un verre pour
chacun, un échantillon de beurre et de confiture par tête, un bidon de café
qu’on avait déjà préparé la veille et qui était forcément plus chaud, deux
cruches d’eau pour une vingtaine de personnes et du pain rationné à lui aussi.
Inutile de préciser que nous ne nous sommes pas éternisés et avons quitté le
gîte très tôt dans l’espoir de trouver mieux ailleurs.
Dès
le début ça montait, d’abord sur un chemin goudronné pour environ cinq cents
mètres. Puis devant un petit panneau indiquant « Senora de
Guadalupe » les choses sérieuses ont commencé. Très vite nous avons
compris pourquoi le guide parlait de chemin réservé aux sportifs. A vrai dire
il est difficile de parler d’un chemin – on passait sur des vestiges de chemins
romains dans un état de décomposition avancé qui cédait la place à un sentier
forestier qui avait souffert au fil du temps des eaux de la colline qui se
déversent dans la vallée par temps de pluie. Par endroit lorsque la montée
devenait très raide, le sentier devenait un layon. Sur cette montée de plus ou
moins deux kilomètres il tombe sous le sens que la transpiration était à son
comble et que chacun marchait à son rythme – inutile de vouloir marcher
ensemble dans de telles conditions. En cours de route j’ai croisé Piet, un
hollandais qui outre le poids de son sac à dos devait porter en plus son propre
poids qui dépassait largement le standard d’un néerlandais.
Arrivé
en haut nous avons découvert l’ermitage de Notre Dame de Guadaloupe qui avait
été détruit au XVIe siècle et reconstruit au XIXe siècle. A notre arrivé nous
avons découvert une foule sans pareil qui assistait à une messe donnée en plein
air. Malheureusement nous sommes arrivés une semaine trop tôt puisue tous les
ans, le 8 septembre on y fête la romeria qui est une fête champêtre accompagné
d’un défilé traditionnel qui s’appelle l’alarde. On commémore ainsi la victoire
sur les troupes françaises de mil six cents trente-huit.
Avant
de continuer notre route nous avons encore savouré la vue sur la baie de
Txingudi – moment splendide avant de boucler le sac à dos. Sans le savoir nous
n’étions pas encore arrivés au plateau. Avec le recul qui est le mien
aujourd’hui, je dis heureusement puisque les passages les plus difficiles de la
matinée étaient encore devant nous. Par ci par là on pouvait jeter un coup
d’œil sur les Pyrénées. Compte tenu néanmoins de la configuration du terrain il
valait mieux ne pas trop savourer le paysage et faire plus attention par où
mettre les pieds. Devant une bifurcation on pouvait opter entre une variante a priori toute droite et une autre qui donnait
sur le Monte Jaizquibel. Nous avons opté pour la dernière version qui s’est
très vite avérée être très dure.
Après
plus ou moins quarante-cinq minutes nous avons vu de loin les vestiges de deux
tours - Erra-Muz et Santà-Barbara ainsi que du château de San-Enrique. Rien que
le paysage qu’on y découvre en vaut la peine d’être monté : d’un côté les
Pyrénées de l’autre côté l’Atlantique avec en prime un ciel complétement dégagé
– que du bonheur. Au moment où nous avons profité pour faire une petite pause
et savourer quelques fruits séchés je croyais que je me trompais de vue. A une
distance d’à peine cent mètres se trouvait un parking pour autobus pour
permettre à ceux qui ne font ou peuvent pas faire l’effort de monter à pied de
profiter également du paysage. Si d’un côté il y a le ravin, de l’autre se
trouve une haie qui donne directement aux vestiges où nous et d’autres
visiteurs étaient assis. Et voilà qu’arrive un bus avec des personnes d’un âge
plutôt avancé. Dès l’arrêt tout le monde descendait pour se soulager : le sexe masculins près des
quelques arbres et le sexe féminin derrière la haie qui donnait justement aux
vestiges. Si on aménage déjà un parking pour des bus, on pourrait penser à prévoir
des facilités pour éviter à ceux dans le besoin de ne pas devoir se mettre à
nue et aux autres de ne pas souffrir des yeux.
Il
est dix heures trente et nous continuons notre route qui croise le GR cent
vingt-et-un et quelques autres chemins locaux. Ce sont surtout ces petits
chemins locaux qui sont très bien visités même sous un soleil qui commence à
frapper.
Pour
éviter que le bétail ne passe d’un endroit à un autre de manière incontrôlée
les exploitants des quelques terrains disponibles y ont mis en place des
barrières canadiennes. Le chemin monte toujours mais la vue sur la mer à notre
droite compense largement l’effort à faire pour arriver au sommet à une
altitude de cinq cent quarante-trois mètres. A partir d’ici le chemin commence
de nouveau à descendre jusqu’à Pasai Donibane au niveau de mer. Abstraction
faite du terrain accidenté, le fait de monter ne pose pas trop de problèmes.
Tel n’est cependant pas le cas pour les descentes. Quiconque est déjà descendu
un dénivelé de quelques cinq cent mètres sur une distance de plus ou moins deux
kilomètres et demi voit de quoi je parle – surtout si on y ajoute à un sac à
dos avec quelques dix kilos.
Pasai
se veut être la baie la plus sûre de toute la côte Cantabrique et constitue en
même temps le port industriel de San-Sebastian. Si vous me demandez ce que
Pasai a de commun avec le Luxembourg ce n’est certainement pas parce que Marc
et moi qui y avons posé nos pieds. Il y a une personne oh combien plus illustre
en la personne de Victor Hugo. Ce que le pèlerin retiendra ce sont les deux
anciens villages de pécheurs de San-Juan et San-Pedro et qu’il faudra prendre un
txalupas (une petite embarcation) pour arriver d’un village à l’autre.
Mais
avant de passer de l’autre côté de la baie nous avons pris place sur la
terrasse d’un café sur la grande place. Même s’il y avait du personnel qui
rôdait au tour, on n’a guère prêté attention aux pèlerins. Nous avons donc
changé de côté et à peine installé qu’on nous a déjà servi. Quel plaisir, une
carafe d’eau avec une vue imprenable sur la baie. Alors que j’ai commandé un
bocadillo maison, Marc s’est absenté pour régler une petite urgence. A son
retour il me montre une photo dont il n’a pas pu se priver d’éterniser ce qu’il
a vu. Dans les WC à côté du pissoir se trouve un tonneau de bière prêt à
l’emploi : de la cerveza urinalis quoi. Quant au bocadillo, il était
bon : une demi-baguette dans laquelle on avait intégré une omelette aux
pommes de terre – une spécialité locale. Espérons seulement que la patronne n’a
pas changé de tonneau de bière avant de nous servir. C’est également sur cette
grande place que nous avons rencontré un pèlerin allemand qui avait atterri le
matin même à l’aéroport d’Irun. L’année passée il était arrivé comme moi à
Saint Jean-Jean Pied-de-Port mais ne voulait pas continuer sur le Camino
Frances. A lire son visage au moment où il a pris place sur une des chaises,
les premiers kilomètres du Camino del Norte avaient laissés des traces. Un peu
plus tard il m’a confié qu’il s’était déjà payé une ampoule sur le trajet de la
matinée.
Bien
reposé nous avons pris congé tout en lui souhaitant en buen Camino pour nous
diriger sur le quai pour embarquer dans un de ces txalupas. Pour le prix de
deux euros on peut vivre toutes les sensations dans ces petites coquilles.
Comme le passage ne porte que sur cinq minutes le fait de tanguer ne passe pas
inaperçu surtout si le batelier compte rentabiliser son embarcation au maximum.
C’est également ici que nous avons fait la connaissance d’un pèlerin espagnol
accompagné de son chien Tula que dans la suite nous avons rencontré tous les
jours.
Notre
objectif du jour est San-Sebastian de l’autre côté de la colline. Vous avez
deviné – il faut d’abord passer du niveau mer au plateau pour redescendre de
nouveau au niveau mer. Mais avant d’y arriver Saint-Jacques ne facilite pas le
chemin des pèlerins. En effet à la sortie de Pasai se trouve les escaliers tant
redoutés par tous ceux qui ont lu le guide au préalable et la grande surprise
pour tous ceux qui ne l’ont pas fait. Pour accéder à mi-chemin sur le plateau
il faut gravir quelques deux cent cinquante marches d’escaliers dont chaque
marche a une autre configuration – bonjour les dégâts. Marc et moi avons abordé
les choses lentement sans nous arrêt pour éviter de ne plus pouvoir redémarrer
si l’on prend une pause en cours de route. Ouf – après la montée de ce matin et
les escaliers qu’on vient d’escalader pour être servi, on est servi.
Arrivé
en haut des escaliers Marc a estimé qu’il ne pas trop se fier aux apparences et
surtout ne pas croire que cela irait mieux derrière le prochain virage. Quand
il a raison, il a raison – Dieu sait comment – certainement pas à la lecture du
trajet puisqu’il a oublié le descriptif du chemin sous l’assiette de notre
bocadillo. Nous avons donc suivi les signes jaunes jusqu’à San-Sebastian sans
trop de difficultés même sans description.
Si
San-Sebastian est beau, on ne peut néanmoins pas comparer cette ville à la
beauté du sentier qui longe le littoral
quand la mer se verse contre les falaises et l’écume qui monte sur un fond bleu
du ciel et de la mer d’un côté et la végétation verte entre les falaises de
l’autre.
Après
deux heures de marche sur ce sentier caillouteux on voit au loin San-Sebastian
Donastia qui vit son dernier week-end de vacances de la saison. Avant d’y
arriver nous sommes bien contraints d’entamer une longue descente depuis le
mont Urgull qu’on gardera en mémoire. A la mi descente on a une vue superbe sur
la baie de la Concha et du mont Igeldo qui sera au programme demain. Outre la
baie de la Concha on connaît San-Sebastian aujourd’hui pour son fameux festival
du film d’un côté et de l’autre le festival de jazz. Même si la ville est
connue pour être une des plus pluvieuses d’Espagne, nous y avons échappé
puisque nous avons profité d’un temps superbe et de températures estivales
jusque tard dans la soirée.
Avant
d’aller à notre hébergement nous avons cru bon prendre un verre sur une des
nombreuses terrasses. Le fait de pouvoir se décharger du sac à dos était un
vrai plaisir. Cette erreur était la seule du genre pour tout notre périple
puisque reprendre la route par après – même s’il ne s’agissait que d’un
kilomètre – était un vrai calvaire. Par la suite nous avons toujours rejoint
d’abord le gîte et c’est seulement par après que nous avons pris place sur une
terrasse.
Nous
avons logé à l’Hostel Uzturre qui se trouve au 13 Pena y Goni au 2e
étage. Ils ne servent ni un cena ni un desyauno puisqu’il y a plein de
restaurant dans la rue et les alentours. Pour dormir nous étions dans une
chambre avec quatre lits. Peu après notre arrivée un jeune couple de la
Nouvelle Zélande a pris possession des deux lits restants. Comme on n’arrive
pas à manger avant vingt heures, nous avons profité d’aller encore à la plage
qui ne se trouve qu’à deux cent mètres de notre logement et pour compenser
l’attente avant d’aller à table nous sommes rentrés dans une boulangerie
pâtisserie pour savourer un café avec des petits gâteaux. Comme une petite épicerie se trouvait en face
de l’hostel nous avons profité pour faire le plein pour le jour à venir – un
dimanche. Lors du cours d’espagnol, Maite nous avait donné de plus amples
informations sur les fins de journée et des cenas – entre vingt-et-une heures
et vingt-deux heures les rues étaient noires de monde et les files d’attente
devant les restaurants étaient en conséquence. Il est vrai – ici on vit
autrement, plus relaxe quoi.