POTHIERES - MARCENEY
Lundi, 25 mai 2009
Jour 5
16 km
J’ai bien dormi la
nuit passée et nous sommes déjà debout et commençons à ranger les affaires dans
nos sacoches quand nous entendons Pierre qui est en train de dresser la table
pour le petit déjeuner dans la cour juste en dessous de notre chambre. Etant
donné que nos provisions fraîches commencent à toucher à leurs fins, nous nous
étions renseignés la veille sur un commerce dans le village. Pierre qui, de
toute façon, voulait faire ses courses aujourd’hui dans le village voisin
propose de les faire plus tôt que prévu et nous amène dans sa voiture jusqu’à
Châtillon sur Seine ce qui nous évite un détour de onze kilomètres. Ici nous
trouvons un bancomat qui veut bien accepter ma carte de crédit et un petit
supermarché dans lequel nous achetons en dehors des denrées alimentaires, des
batteries pour le GPS et des carottes pour nos amis aux longues oreilles.
Il est dix heures
trente quand nous quittons l’Oasis, soit un retard der deux heures et demie par
rapport à notre horaire journalier, mais une avance de quatre heures si nous avions
dû faire le détour à Châtillon à pied. Merci encore une fois à Pierre pour le
taxi. Question température, nous avons presque atteint le même score qu’hier et
on annonce toujours des orages. A la sortie de Pothières, nous empruntons la
D16 qui est une route peu fréquentée et sans aucun arbre qui puisse faire office
d’ombre. En tout, nous croisons quatre voitures, dont deux camping-cars
immatriculés en Allemagne, une voiture immatriculée dans le département que
nous sommes en train de traverser et madame le facteur dans sa voiture jaune
qui nous croise à plusieurs reprises avec ses va-et-vient dans les fermes des
alentours.
A Bouix nous
faisons une petite halte près de l’église dédiée à Saint Martin. En visitant le
cimetière j’accède à l’entrée qui est bien entendu fermée. C’est ici que je
découvre pour la première fois un espace couvert, en avant de la porte d'entrée
de l’église, qu’on appelle le porche comme on me dira plus tard. Nous
rencontrerons encore bien de constructions similaires sur notre route, ce qui
nous étonne. Je ne saurais plus dire exactement où, mais un homme sur notre
route nous dira que les porches ont dans le temps servi d’abris contre les
intempéries aux pèlerins en route vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Je veux
bien accepter qu’ils aient servi en leur temps comme abri pour la nuit quand
les auberges et hôtels n’étaient pas encore aussi fréquents comme de nos jours.
Cependant, compte tenu du nombre d’églises fermées, les porches n’ont rien
perdu de leur raison d’être et remplissent pleinement leur fonction en cas de
pluie ou de soleil battant.
Avant de reprendre
la route, un joggeur nous croise et prend les renseignements d’usage. « Notre
objectif de cette année est Vézelay, lui dis-je » A quoi il me
répond : « Vézelay, voyons – c’est dans cette direction, à plus ou
moins soixante kilomètres, vous y serez ce soir ».
Quelqu’un avait
fait un jour une blague sur le Luxembourg en disant avoir répertorié dans le
vocabulaire luxembourgeois le mot pour la formulation suivante : « Pardon,
monsieur, je n’ai pas trop bien compris ce que vous m’avez dit » Traduit
en luxembourgeois, ça donnerait d’après lui : « Hein ». Eh bien
mon cher, nous sommes le 25 mai, il est onze heures trente, et le représentant
de la Grande Nation, ses connaissances géographiques et le fin savoir sur la
manière avec laquelle des ânes sillonnent le paysage ne me laissent pas d’autre
choix que de rester bouche bée et prononcer un HEIN ?
Entre Bouix et
Poinçon les Larry, Dieu sait pour quelle raison nous commençons tout à coup à
parler un peu de nos confrères et consœurs de travail, en imaginant ce qu’ils
seraient bien capables de penser en nous voyant marcher maintenant. Il n’est
pas interdit de le faire mais je remercie quand même mes neurones d’avoir su
retrouver très vite les priorités qui s’imposent.
A Poinçon, nous
arrivons à pic avec le bus scolaire à hauteur de l’église et nos deux
compagnons sont fixés par des yeux pleins d’admiration à travers les vitres du
bus qui reprend sa route. Une maman qui est venue prendre son enfant nous
propose de l’accompagner pour donner à boire aux ânes. Soudainement, elle voit
de l’autre côté de la route un fermier qui veut juste quitter sa propriété et
lui ordonne de donner à boire aux ânes étant donné qu’il reste un peu de chemin
à faire avant de rejoindre son domicile et mieux vaut ne pas tarder pour tuer
la soif des bêtes. Comme ils en ont déjà l’habitude maintenant, Henry et Basile
vident le seau malgré une petite hésitation devant cette masse qui bouge dans
le seau accompagnée par la petite clochette qui gêne un petit peu au moment où
ils mettent la bouche dans le seau. La manière de faire de cette femme nous
plaît – de nouveau quelqu’un qui sait prendre une décision. Le fermier quant a
lui n’avait pas seulement un cœur pour les animaux mais a également fait le
plein en eau des pèlerins. Une habitante dans le village que nous croisons nous
informe que le thermomètre affiche trente et un degrés - au degré près la
température à Vaucouleurs l’année passée.
Sur notre route en
direction de Larrey, nous apercevons sur notre droite une colline avec l’église
Saint-Germain qu’on ne peut pas ne pas voir. Déjà superbe en plein soleil,
quelle beauté cet édifice doit-il offrir à l’œil de son observateur à la nuit
tombante avec les lumières allumées à l’intérieur.
Comme le temps
devient de plus en plus lourd, nous laissons Larrey sur notre droite et prenons
la D102 en direction de Marceney où il y aurait un loueur d’ânes d’après ce
qu’on nous avait dit. A peine arrivés dans le village nous commençons notre
recherche d’un abri pour la nuit pour éviter de nous retrouver plus tard dans
une intempérie avec un ciel de plus en plus menaçant. Notre œil d’expert en
matière de recherche d’un abri a d’emblée présélectionné un petit pré avec un
hangar – juste ce qu’il faut. Au premier croisement nous tombons sur la mairie
devant laquelle se trouvent quelques véhicules et la porte d’entrée est
ouverte. Monsieur le maire qui est présent nous informe que la commune n’a
malheureusement pas une propriété pour nous accueillir et nous propose de
tenter notre chance près du camping ou du loueur d’ânes. Comme je n’en sais pas
plus sur les ânes de Marceney, je veux éviter une soirée stressante à Henry et
Basile par une chaleur pareille et informe monsieur le maire que nous continuons
encore un peu notre recherche avant
d’aller, le cas échéant au camping. Avant de prendre congé, il nous propose
d’aller voir les Anglais de l’autre côté de la rue.
Après un Suisse,
maintenant des Anglais pour héberger des Luxembourgeois en France en route vers
l’Espagne avec deux ânes d’origine allemande et belge – ne devrait-on pas
décrocher sous peu le prix de la rencontre européenne ?
Pourquoi pas –
allons voir les Anglais. Pour être surpris, je suis surpris quand la porte
s’ouvre après avoir sonné. La personne que j’avais intuitivement attendue quand
on m’avait annoncé des Anglais était plutôt unes personne à la retraite. Nous
apercevons cependant une belle jeune femme qui dans un espace de quelques
secondes scanne les ânes et les pèlerins et nous dit : « just wait a
bit – je vais demander à mon mari. » Comme je suis intimement convaincu
que l’histoire se répète de temps à autre et humainement drainé dans une
logique comparative, je dirais que Rebecca sera en termes d’accueil pour 2009
ce que Véronique a été en 2008.
Quelques instants
plus tard Rebecca, revient avec Douglas, son mari, et ils nous ouvrent l’accès
à leur propriété. Dans un premier temps, nous mettons les ânes dans un grand
pré dont la clôture ne semble pas à tout endroit résister à une envie
éventuelle des ânes pour inspecter les alentours. C’est la raison pour laquelle
nous préférons les attacher à leur corde. Du coup, Rebecca propose de voir un
endroit qui est complètement clôturé et qui s’avère être le pré idéal que nous avions détecté à l’entrée
du village. Les bourricots acceptent volontiers un seau avec de l’eau et nous
scrutons les alentours pour nous installer à notre tour.
Avant de ce faire,
on nous invite à prendre un rafraîchissement au choix, de l’eau froide et/ou un
verre de rosé. Au fur et à mesure que nous échangeons un peu ce qu’on fait, la
confiance de part et d’autre l’emporte et Douglas nous demande si nous
souhaitons dormir dans la maison à côté, il voudrait bien nous la montrer.
C’est seulement à ce moment que nous découvrons l’ensemble de la propriété que
ce jeune couple vient d’acquérir qui se compose de deux maisons contiguës, un
parc, une piscine, quelques hangars et un terrain qui doit facilement faire les
deux hectares. L’objectif de Rebecca et de Douglas est de transformer une de
ces deux maisons en chambres d’hôtes et ce soir nous serons en avant-première les
premiers hôtes. Je leur ai promis de parler de leur projet de chambres d’hôtes
sur mon site.
Nous voilà donc à l’abri
pour une nuit qui s’annonce chargée en termes de météo et les ânes proches d’un
hangar. Ainsi nous avons à notre disposition un petit salon, une autre pièce
avec douche et WC et un green house.
Après avoir pris
une douche, froide de nouveau, puisque le bâtiment est en restauration, nous
décidons de ne pas sortir nos cocottes et d’aller manger au restaurant du
camping près de l’Etang de Marcenay. Pour y aller nous empruntons une partie de
la route que nous venons de franchir pour arriver au village et passons près du
pré dans lequel se trouvent les ânes dont on nous avait déjà parlé. Il fait
toujours très chaud et les deux kilomètres pour arriver au lac pèsent lourds
dans les pieds d’un pèlerin qui a faim. Même en cette fin de journée, nous
observons encore des avions de chasse que nous avons rencontrés tout au long de
la journée.
L’Etang de Marcenay considéré comme
étant un des plus grands du département de la Côte d’Or a été créé par les
moines de l’abbaye de Molesmes en 1239. Avant de rentrer plus tard au green
house de Rebecca et Douglas, nous visitons encore les restes d’un haut-fourneau
le long de l’Etang qui a été édifié en 1742 et qui a fonctionné pendant cent
vingt-quatre années.