Pagny sur Meuse - Chalaines - Camino

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Trajet > 2008
Pagny-sur-Meuse vers Chalaines
Jour 7
Mercredi 7 mai 2008
15 kilomètres
 
 
Le fait de ne pas devoir démonter une tente et la possibilité de profiter d’un petit déjeuner qui vous attend nous ont permis de reprendre la route vers sept heures et demie.
 
Vous comprendrez aisément que Henry et Basile ont hâte de partir. Mais, avant d’arriver sur un secteur où nous retrouverons le calme des derniers jours, nous devons tout d’abord passer par un passage à niveau, longer le rond-point à la sortie de la Nationale direction Paris, passer sous le pont au-dessus duquel les poids lourds passent à toute vitesse et prendre garde de ne pas nous faire écraser par les camions, qui font une halte en quittant la Nationale à cet endroit. Même à cette heure matinale, le trafic est déjà très intense. Une fois de l’autre côté du rond-point, nous faisons une petite halte pour donner aux bourricots la possibilité de se reposer et brouter après cette épreuve un peu difficile.
 
Après le premier virage sur la D36, le calme revient, peu de voitures, nous entendons de nouveau le chant des oiseaux et l’eau de la Meuse qui coule. Ouf …
 
Comme nos porteurs se sentent visiblement très à l’aise, nous faisons abstraction d’un stop près de la chapelle de Massey qui, d’après une légende, a été construite par un grand seigneur des environs, suite à un vœu pour avoir échappé du cachot dans lequel il aurait été retenu. Dans ces conditions, nous n’avons pas vu non plus  le monument qui rappelle la visite du lieu par Jeanne d’Arc.
Pendant tout le parcours, nous avons longé une carrière et un signal sonore au loin m’avertissait qu’un dynamitage serait imminent. Par pure précaution, j’estime qu’il vaut mieux tenir la longe un peu plus serrée pour éviter tout mouvement inopiné à la suite d’une panique, à la fois à cause du bruit et le cas échéant d’une onde provoquée par l’explosion – on ne sait jamais. Pensez-vous. Dans les secondes qui suivaient, il y a effectivement eu une explosion avec le bruit d’usage. Henry et Basile ont suivi leur route comme si de rien n’était. Comparé à seize heures de poids lourds, le bruit de l’explosion était probablement un petit intermezzo passager.
Nous passons près d’une maison, dont la face est blanchie par la poussière soulevée par les camions qui sortent de la carrière. Sur une des vitres, je note que la décoration de Noël s’y trouve toujours. Outre la façade blanchie, le reste de la maison donne l’impression de ne plus avoir été entretenu depuis un certain moment. J’en conclus que le dernier habitant est parti, sans préjudice à l’année exacte quelque part aux alentours de Noël, et nulle âme n’a mis les pieds par ici depuis lors.
J’étais un peu surpris de constater qu’en début de saison les champs dans les alentours d’Ourches-sur-Meuse avaient déjà été fauchés, alors qu’il y a cinq jours il pleuvait encore à verse. Comme d’habitude, nous nous sommes arrêtés un petit peu pour permettre aux ânes de faire le plein. Cette halte me permettait par ailleurs d’ouvrir un morceau de müsli comprimé sous vide. Puisqu’il faut faire la part des choses, messieurs ont immédiatement arrêté la tonte du gazon et, pour être goinfres, ils sont goinfres. Ils n’ont levé le siège qu’après avoir reçu leur part de festin et s’être assurés qu’il ne restait plus de miettes. Voici un côté friand que je ne leur connaissais pas.
Afin de nous permettre d’avancer, nous laissons St-Germain et Ugny sur notre droite et optons pour la petite D144, sur laquelle le croisement de deux véhicules ne peut pas se faire sans lever le pied de l’accélérateur. C’est probablement les ânes qui ont attiré tout le trafic que nous avons rencontré sur cette petite route. Près de Rigny-la-Salle, les fermiers profitent de l’absence de vent pour pulvériser les champs de colza et, comme la plus petite brise ne vient pas à notre encontre, nous n’avons certes pas droit à un arrosage gratuit, mais l’odeur des produits chimique est néanmoins au rendez-vous.
A Rigny-la-Salle, le ruisseau de la Beaumelle donne un certain cachet au village et les arbres qui offrent l’ombre invitent à faire une petite pause, ce qui sera l’occasion pour des garçons qui nous suivaient à vélo de faire des câlins.
Après avoir franchi le pont, nous croyons rêver, un café – le premier depuis cent sept kilomètres qui, en plus est ouvert. Aux deux clients qui sont assis sur la terrasse si on peut ainsi dire, se joignent deux pèlerins qui savourent une bière froide par vingt-neuf degrés à onze heures et quart. Plus tard, nous apprendrons que Julien qui exploite le bar « Le Provençal » vient du Midi et tout le monde dans la grande région sait de qui on parle. Par mauvais temps, compte tenu de la taille du café ce ne sera pas grand monde qui pourra boire en même temps ou il faudra passer par vagues successives. Nos ânes vous diront que c’est quand même triste cette image : deux ânes attachés au réverbère et leurs patrons en train de picoler de l’autre côté de la rue. Eh patron – appelle-t-on cela de la justice ou avions-nous entendu parler de pèlerinage ?
Un vieil homme, qui vient se joindre à nous, me confie que les ânes sont dans un très bon état de même que leurs sabots – j’ai un œil pour ça. Vous voyez Henry et Basile, voilà un deuxième expert qui vous trouve très bien chaussés. Personne n’a encore posé la question si les ânes étaient ferrés, ce qui a déjà fait monter la tension chez l’une ou l’autre personne en randonnée avec des bourricots.
Comme nous sommes encore à plus d’une heure avant la pause de midi, nous continuons notre route au rythme des ânes. Soudain à la sortie du village, une voiture rouge nous suit et une femme derrière le volant crie à haute voix : « Monsieur, monsieur. » Au moment de nous retourner, nous voyons qu’elle tient de la main droite le volant et de la main gauche à l’extérieur de la voiture le bâton de pèlerin de Daniel. Quelle belle image des habitants des villages français en dehors des grands axes !
A hauteur de l’église de la Nativité de la Vierge sur laquelle on peut lire Domus Dei 1834, nous tournons à gauche et continuons notre route via Rigny-Saint-Martin pour arriver à Chalaines vers douze heures et demie. Près de l’église, qui elle aussi est dédiée à la Nativité de la Vierge, nous trouvons un peu d’herbe pour les ânes et surtout de l’ombre – l’endroit idéal pour la pause de midi. Une fois installés, nous avons du temps pour regarder de plus près l’église dont je ne voudrais pas vous cacher  qu’elle est fermée. Franchement dit, à voir le clocher, ma présence trop près de l’édifice au moment où sonnent les cloches ne m’inspire pas trop de confiance.
Attirés par le charme de Henry et Basile, une femme qui habite en face de l’église vient aux nouvelles et nous propose de dresser nos tentes dans leur jardin qui se trouve du côté opposé. A première vue, nous ne voyons que la face d’une sorte de grange avec une très petite porte et sommes un peu dubitatifs, si nous devions accepter cette offre ou non. Comme la vie est à ceux qui osent, nous sommes d’accord pour jeter un coup d’œil derrière la façade de la grange et, surprise, nous voilà dans un pré entretenu comme il faut, avec un petit jardin et un robinet avec de l’eau courante potable. C’est décidé, nous restons et présentons nos excuses à madame pour avoir douté de l’endroit à la vue de la façade.
Dans l’après-midi, le fils de la maison, Thomas est notre guide pour visiter Vaucouleurs, marquée par l’histoire et avant tout par Jeanne d’Arc.
Notre visite nous amène tout d’abord à la mairie pour faire tamponner notre Credential. Ensuite, nous montons vers la chapelle Castrale avec la Crypte du XIIIe et la Porte de France, où Thomas nous explique en détail le passé de Jeanne d’Arc dans la ville.
Il y a plus de trente ans, j’avais fait la route des abbayes en partant de Rouen en direction du Mont-Saint-Michel. Je me rappelle vaguement avoir lu quelque part à Rouen que Jeanne d’Arc, à la tête des troupes françaises, était passée par Vaucouleurs lors de sa glorieuse marche  contre les armées anglaises. Jamais je n’aurais imaginé, au moment me trouver à l’endroit où elle fut brûlée en 1431, de visiter un jour en pèlerinage le lieu de départ de sa marche.
Nous redescendons dans le Centre de Vaucouleurs et à notre grande surprise la porte de l’église Saint Laurent est grande ouverte. A l’intérieur, c’est le calme et la température fraîche fait du bien. Nous admirons en détail des vitraux qui racontent l’histoire de Jeanne d’Arc et avant de sortir nous allumons chacun un cierge et réglons l’obole dans la caisse aménagée à cet effet. Ne me demandez pas pourquoi j’ai allumé un cierge – à ce stade du pèlerinage, je ne saurais pas vous le dire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle en l’allumant je me suis dit – c’est pour tout sans savoir pour quoi en détail. Quand même une petite chose – maintenant j’ai au moins la conscience tranquille vis-à-vis de ma belle-mère et pour preuve j’ai pris une photo, mais ça c’est une autre histoire.
Dans la ville, nous longeons une pharmacie sur laquelle un panneau digital affiche trente et un degrés. Avant de nous offrir de quoi boire, nous rentrons encore dans un magasin spécialisé en articles agricoles. Dans un coin réservé à des effets vestimentaires, je crois rêver. Dois-je donc vraiment trouver la première référence du Camino sur un emballage publicitaire pour des chaussettes. La publicité est la suivante : la force de la terre à vos pieds et le modèle s’appelle « Compostelle » avec une photo de trois jeunes passant sous l’entrée d’une ville et, pour bien illustrer où le concepteur marketing en voulait arriver, il a encore ajouté une coquille Saint-Jacques dans un coin de l’emballage. J’inviterais bien cette personne à voyager quelques jours avec nous pour savourer la force de la terre sous ses pieds.
A Vaucouleurs, nous trouvons le premier supermarché sur notre route et en profitons pour acheter quelques provisions dont une paella en boîte. De retour près de nos tentes, nous étudions deux fois la note d’emploi, pour chauffer séparément le riz et les fruits de mer avec les ingrédients. Même si a priori je ne suis pas trop en faveur de tout ce qui est offert en boîte, je dois avouer que c’était très bon. 
 
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