Faye en Haye - Royaumeix - Camino

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Trajet > 2008
Fay-en-Haye vers Royaumeix
Jour 4
Dimanche 4 mai 2008
23 kilomètres
 
Comme convenu, nous nous sommes levés le matin à six heures pour permettre aux propriétaires des chevaux de profiter à leur tour du clubhouse. Un petit coup d’œil à travers la fenêtre – Henry et Basile sont toujours là, au fond du pré - en train de brouter, what else.
 
Comme nous n’avons pas de tente à démonter, le chargement de nos affaires se fait en un temps record et les bourricots sont venus à notre rencontre dès que nous avons mis un pied dans le pré. Prendraient-ils du plaisir à partir de nouveau ? C’est ainsi qu’au son de cloche de huit heures nous sommes déjà en route.
 
A hauteur de l’église de la Croix-des-Carmes, nous tournons à gauche pour suivre un petit bout de chemin sur la D3, puis environ un kilomètre sur la D958 pour nous rendre en direction de Mamey. Henry et Basile foncent comme si on les chassait. La température matinale est fraîche et nous contraint à porter une veste que nous enlèverons cependant dès l’apparition du soleil, qui ne cessera de frapper toute la journée.
 
Lorsque nous entrons dans Mamey, il est neuf heures trente et le village semble être vide, pas un chat – rien. Tout à coup un volet qui s’ouvre, c’est tout. Décidément tout le monde semble profiter du dimanche pour dormir un peu plus longtemps. Au courant de la journée, rares restent les personnes que nous croisons et le repos dominical l’emporte sur toute autre activité dans ce coin de l’Hexagone.
 
Comme les départementales sont très peu fréquentées, nous nous engageons sur la D106. Sur un trajet de presque huit kilomètres, nous traversons une région dont la production agricole est dédiée à perte de vue à environ quatre-vingt pourcents au colza. Dans une légère descente, nous observons dans un virage la trace soit d’une bicyclette ou d’une mobylette qui a continué son trajet dans un immense champ de colza. Intuitivement, nous scrutons le point où la trace s’arrête pour voir s’il n’y aurait pas une personne qui aurait besoin d’aide et que nul n’aurait trouvée jusqu’à ce moment. Fausse alerte.
 
Comme la température ne cesse d’augmenter, nous demandons à un habitant de Martincourt s’il aurait l’amabilité de nous offrir un seau avec de l’eau pour faire boire les ânes. Sur les dix litres que contenait le seau, neuf ne changeront pas de propriétaire. J’en conclus que messieurs n’ont pas encore trop soif.
 
Tout comme Vilcey-sur-Trey, Martincourt a été incendié par les troupes allemandes en retraite en 1944.
 
Comme l’ancien prieuré de Saint-Jacques à proximité de Martincourt est totalement en ruines, nous avons fait abstraction d’un petit détour pour y aller jeter un coup d’œil.
 
Devant une maison près du ruisseau d’Esch, nous rencontrons une famille qui s’est établie à Martincourt depuis quelques mois. Curieux de ce que nous sommes en train de faire avec les ânes, ils écoutent en détail les explications de notre projet. « Ah, vous n’êtes pas les seuls pèlerins qu’on a vu passer par ici depuis que nous habitons la commune – par contre, vous êtes les premiers à passer avec des ânes. »
 
Peu après, nous arrivons près de l’ancien château Pierrefort ou seul un petit coin semble être habité, alors que le reste des bâtisses est en train d’être dévoré par du lierre. Juste en face, se trouve dans un pré une ancienne R4 à laquelle on a enlevé tout sauf les roues et la carcasse, qui sont en train de rouiller sur place.
 
Avant de descendre sur Manonville, nous décidons de nous reposer pour manger. Même si cet endroit nous semble tout à fait approprié, Henry et Basile n’apprécient pas du tout ce choix et nous terminons la pause midi plus tôt que prévu. Pour éviter de nous retrouver avec toutes sortes de petites bestioles qui veulent partager notre casse-croûte, nous avons posé dans le pré le plastique que nous mettons en soirée sous la tente. Le menu se compose de pain sous vide avec une tomate, un peu de fromage, quelques rondelles d’un bâtonnet de saucisse séchée, et pour finir, un peu de chocolat à tartiner – c’est consistant et amplement suffisant. Le dessert – une pomme.
 
Geneviève nous avait confié qu’elle avait grandi au château de Manonville. Ceci nous incite à aller y jeter un coup d’œil. Même si sur la façade nous trouvons un panneau Gîte de France, il n’y a personne. Bien sûr, c’est dimanche.
 
Manonville est cité pour la première fois dans un document officiel en l’an 977 et son château, qui aujourd’hui accueille un gîte de France, date des XIe et  XIIe siècles. Le château tel qu’on le voit maintenant a été reconstruit à la suite d’une destruction partielle pendant la Guerre de 30 ans. 
 
Entre Manonville et Minorville, un cultivateur a érigé un épouvantail grandeur nature dans un champ. Comme une légère brise s’était levée, les bras en plastique n’ont pas été sans laisser les effets escomptés près de Henry. Pendant deux cent mètres, il a foncé sur Minorville comme si en bout de course un prix l’attendait. Lorsqu’il se sentit de nouveau en sécurité, monsieur s’est arrêté, a jeté un coup d’œil en arrière, a soulevé la tête vers le haut en retroussant les lèvres pour se donner à un superbe flehmen. Bravo Henry, tu l’as bien eu celui-là – tu vois il n’ose même pas nous suivre.
 
A Minorville, le repos dominical est également respecté à la lettre sauf une dame qui nous offre un seau avec de  l’eau pour les bourricots qui lui font pitié. Henry et Basile dans leur grande générosité refusent de boire dans un seau qui n’est pas le leur. Ce comportement hautain devra cependant changer en fin de journée. Considérant que la chaleur avait atteint une certaine limite et compte tenu du fait qu’ils n’ont pas à leur disposition le carré de sel qu’ils lèchent dans leur grange à volonté, je leur offre l’équivalent d’une cuillère de sel qui est immédiatement accepté et mâché et remâché. Inutile de préciser que même un seau qui n’est pas le leur peut contenir quelque chose de très précieux. Ainsi ils ont retrouvé le goût de boire tout d’un coup.
 
Contrairement aux autres églises que nous avons croisées sur notre chemin, celle de Minorville dont la tour est orientée vers le Nord a l’air d’être bien entretenue. On nous raconte que celle d’aujourd’hui fut reconstruite au second Empire.
 
A Minorville, nous avons considéré qu’il était trop tôt pour s’arrêter aujourd’hui et décidons de continuer jusqu’au prochain village qui, d’après la carte, est Royaumeix. Dur, dur – en cette fin de journée le soleil continue à frapper et nous mettons très longtemps pour parcourir quatre kilomètres. A un certain moment nous longeons un pré avec des chevaux qui, à l’approche des ânes, chargent et foncent droit vers la clôture. Si les chevaux étaient dans tous leurs états, les ânes par contre semblaient les ignorer. De notre côté, nous avons soulevé les bras tout en gesticulant avec nos bâtons de pèlerin. Cet acte de prudence a forcément dû avoir l’effet voulu, puisque les chevaux se sont retirés au fond du pré tout en signalant qu’ils n’appréciaient pas nos gestes.
 
A Royaumeix dont on a vu de très loin la tour de l’église, nous nous sommes renseignés auprès d’un couple qui nous croisait à vélo s’il existait une place pour passer la nuit dans le coin. Visiblement nous avons dû faire une impression honnête à Michèle et Daniel, puisqu’ils nous ont offert un coin approprié dans la cour de leur exploitation agricole. Et, sans le demander, nous avons eu droit à une bière rafraîchissante et on nous a offert même d’utiliser la douche et les WC.
 
Royaumeix dont la forêt représente l’attribut principal de la commune est le village type que nous avons croisé ces derniers jours. Quelques maisons neuves ou en train d’être retapées, beaucoup de maisons délaissées, une église de style néogothique qui a vu de meilleurs jours, fermée comme on ne s’y pouvait attendre autrement, et un contact aisé avec les personnes que nous avons rencontrées.
 
Comme le château du village est inaccessible, nous avons continué notre visite d’exploration et avons été surpris de tomber sur un établissement moderne d’hébergement pour personnes âgées, qui peut accueillir une soixantaine  de résidents.
 
Lors de notre échange avec Michèle et Daniel, nous avons décrit le chemin que nous venions de faire depuis notre départ et avons notamment évoqué notre halte près de l’ancienne abbaye de Sainte-Marie-aux-Bois et souligné notre déception de ne pas avoir pu la visiter puisque sous mains privées. C’est alors que Daniel nous  confie qu’un membre de sa famille y habitait depuis un certain temps et qu’il venait de décéder, il y a une quinzaine de jours des suites d’un accident.
 
Qu’est-ce qui fait en sorte que, pendant cette première étape du Camino, nous rencontrons à plusieurs reprises des personnes qui nous parlent de quelqu’un que nous venons justement de croiser en personne, à son domicile ou que nous verrons sous peu ? Si c’est le fruit du hasard, il doit être bien de notre côté…
 
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