ASQUINS – VEZELAY - ASQUINS
Samedi, 30 mai 2009
Jour 10
12 km
Aujourd’hui c’est
un grand jour – d’abord parce que c’est la fin de notre périple de cette année
et puis c’est l’arrivée dans un des grands centres de pèlerinage en direction
de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Le temps est au
beau fixe et il n’a pas plu pendant la nuit de sorte que nous pouvons charger
nos bagages au sec. Etant donné que le trajet qu’il nous reste à faire
aujourd’hui n’a que six kilomètres, nous prenons tout notre temps pour remettre
de l’ordre dans nos affaires, bâter les ânes et nettoyer le trop plein de nos
ânes.
Il est neuf heures
quand nous quittons le camping en direction du centre d’Asquins. Près du
terrain de football, les premiers joueurs sont au rendez-vous pour le tournoi
local et nous les plaignons un peu pour l’effort à venir en plein soleil. Il
est vrai que nous avons également fait un effort et sommes en train de le faire
en plein soleil mais, contrairement aux joueurs de football, nous pouvons nous
arrêter quand bon nous semble.
Esconicum ou
Asconicum sont deux anciens noms pour Asquins et signifient pays des sources et
des fontaines. Sur la Place sous l’Orme ou nous avons découvert hier la
première coquille sur le sol, nous laissons l’église Saint-Jacques-le-Majeur à
notre droite et prenons comme on nous a recommandé la rue de Vézelay. Comme la
rue monte assez fortement nous ne marchons pas trop vite et devons de temps à
autre freiner un peu le tempérament de nos porteurs, qui ont visiblement hâte
d’arriver ou faudrait-il dire plutôt de terminer pour cette année.
Nous quittons
Asquins sur la route de Vézelay et à hauteur du Réservoir nous empruntons un
petit chemin rural que des locaux nous ont recommandé hier soir. Plus nous
avançons plus majestueuse nous semble la basilique qui se trouve juste devant
nous, sauf que pour y arriver il nous reste quelques kilomètres à faire et
passer d’une altitude de cent soixante-neuf à trois cents mètres. Dès le matin,
Daniel et moi avions convenu qu’aujourd’hui ce serait les ânes qui dicteraient
le rythme et en signe de reconnaissance pour leurs efforts de ces derniers
jours ils pourraient brouter quand ils veulent. Vous aurez compris que nous avions
mis un peu plus de temps, mais même un estomac d’âne se remplit à un moment ou
à un autre. Pendant les moments où les bouches sont pleines d’herbes fraîches
en attendant d’être dévorées, nous profitons des petits bouts de chemins que
messieurs veulent bien avancer pour trouver une nouvelle bouffée et nous nous
approchons tout doucement de notre but.
Quand nous arrivons
à hauteur de la Croix-Saint-Bernard, nous avons un petit problème d’orientation
étant donné que nous avons un peu trop fait confiance aux dires des locaux.
Faut-il continuer à droite par un chemin en parfait état mais sans trop savoir
où il mène ou bien devrions-nous plutôt opter pour la montée plus que raide et
dans un état qui appelle néanmoins à l’aborder dans des conditions de marcheurs
avertis pour ne pas dépenser toutes ses graines dans les premiers mètres de
l’ascension restante. Henry et Basile profitent pour faire deux pauses et scruter
l’horizon pour vérifier si ce martyre durera encore longtemps. Devant la Porte
Sainte-Croix, nous leurs accordons un dernier et long broutage avant de
continuer. Nous accédons finalement sur la place devant la basilique par la
ruelle devant les maisons du Chapitre.
Il est dix heures et
quart quand je tends la main à Daniel devant la basilique Marie-Madeleine pour
le remercier pour ce joli périple. Au plus profond de moi avec une larme de
joie dans les yeux, j’éprouve une grande satisfaction et remercie saint Jacques
de nous avoir épargné un quelconque pépin. Merci à toi aussi, Henry mon fidèle
compagnon aux longues oreilles pour tous tes services et le plaisir de passer
ce merveilleux temps avec toi.
Il tombe sous le
sens que nous ne pouvons pas rentrer dans la bsilique avec les ânes – quoi que.
Ce sera pour plus tard dans la journée. Pour l’instant nous sommes à la
recherche du tampon officiel pour notre Crédential attestant notre passage à
Vézelay.
Devant le parvis de
la basilique et plus tard dans la ville, inutile de préciser que nos bourricots
sont les stars du jour. Photo par-ci – photo par-là, un petit câlin, de
l’admiration et de l’étonnement, des questions sans fins et ainsi de suite.
C’est ainsi que nous descendons la rue Saint-Etienne et croisons des touristes
d’un jour qui montent trop vite cette rue et la couleur de leurs visages en est
témoin. Sur la place du champ de Foire, nous nous offrons une bière pour fêter
notre arrivée et sommes assez tranquilles jusqu’au moment où un bus s’arrête à
quelques mètres devant nous et un groupe de japonais en descend. Je suis encore
toujours étonné qu’on nous ait demandé l’autorisation de photographier les ânes
– pour la suite je laisse à votre propre imagination le nombre de prises qui
ont éternisé Henry et Basile.
Après cette pause
photos, nous remontons doucement la rue Sainte-Etienne et rencontrons devant le
parvis de la bailique un surveillant qui nous offre son pied-à-terre dans la
commune pour abriter pendant une heure nos bagages et permettre ainsi aux ânes
de nous accompagner sans leur charge sur le dos.
Comme nous avons
rendez-vous en début d’après midi avec René et l’épouse de Daniel qui ont bien
voulu accepter de venir nous prendre avec la bétaillère à Asquins nous ne
restons plus trop longtemps puisqu’il est prévu de revenir plus tard une fois
que nous aurons déposé les ânes dans un pré appartenant à l’hôtel où nous
passerons la nuit avant de rentrer demain.
Juste avant de
redescendre à Asquins nous rencontrons quand même des confrères et consoeurs en
route vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Un couple de Hollandais – vous devinez
certainement qu’ils ne sont pas venus ni à pied ni avec des ânes – bien entendu,
à vélo. Partis le même jour que nous, ils ont à leur actif sept cent quatre-vingts
kilomètres. Une femme toute seule a fait cent quarante kilomètres avec un sac à
dos plutôt bien chargé. Comme nous, son périple de cette année s’arrête ici à
Vézelay. Buen Camino.
Sans âne, ni bâton
du pèlerin à la main, nous sommes revenus plus tard dans l’après-midi et je
trouve le temps pour visiter la basilique dans laquelle un point de vente en
train d’être fermé à l’entrée. La basilique dont les origines remontent au IXe
siècle est un chef-d’œuvre de l’art roman avec une longueur de cent vingt et
une nefs d’une hauteur de dix-huit mètres.
Il est dix-sept
heures trente et les Vêpres viennent de commencer. La seule charge à porter est
mon appareil photographique et, comme pas mal de touristes, je flâne un peu
dans l’édifice jusqu’au moment où je décide de m’asseoir sur une des chaises. J’ai
pu alors laisser passer en revue tous ces moments de joie, de partage, de rêve,
de fatigue et de doute de ce périple avec en arrière-fond ces merveilleuses
voies des Fraternités monastiques de Jérusalem qui assument la charge de
l’animation spirituelle de la basilique. Avec toute la richesse du vocabulaire à
mon actif, il est très difficile de décrire un tel moment et je ne peux que souhaiter
à chacun de pouvoir faire une telle expérience un jour.
Instinctivement, je
cherche dans mon pantalon mon enregistreur sur lequel j’ai dicté les passages
clefs du périple pour pouvoir m’en servir au moment de l’écriture de mon récit
afin de pouvoir enregistrer une partie de ces Vêpres. Malheureusement, je
l’avais laissé dans la chambre d’hôtel – malheureusement pour cet instant et
heureusement après coup puisqu’il serait probablement très très difficile de se
remettre dans la même ambiance en réécoutant l’enregistrement un jour.
J’ai encore passé
un bon quart d’heure sur place, rien que pour savourer – carpe diem.