MASLACQ
– NAVARRENX
Jeudi, 17 septembre 2015
Jour
9
25 km
Nous quittons le gîte des
tilleuls vers sept heures trente et sommes parmi les premiers à arriver dans la
petite épicerie locale qui a un nouvel exploitant depuis son ouverture ce
matin. On y trouve le nécessaire pour un pèlerin et les deux personnes derrière
le comptoir sont encore en train de chercher leurs repères à moins qu’elles n’aient
été surprises par l’arrivée matinale des pèlerins. Dans un quotidien local je
peux lire sur la une que la pluie et l’orage d’hier auraient causé des dégâts à
plus de soixante maisons dans le coin.
Juste avant de quitter le village
nous passons près d’une ruine qui fait penser à un passé d’une certaine
envergure mais je n’ai pas trouvé plus d’informations.
Le GR 65 prend à gauche et juste
avant de traverser la route un quad avec un dispositif pour l’épandage
d’engrais ou de semences nous double et prend le virage de manière à ce qu’on est
tenté de croire que son conducteur essaie de mettre hors circuit toutes les
règles de physique et en particulier la gravitation. Nous le reverrons dix
minutes plus tard en train d’épandre son contenu sur un champ, toujours avec la
même allure. Heureusement pour lui il porte un casque.
Sur notre gauche nous voyons le
Gave de Pau dans une petite brume et juste après les ruines de la ferme
Lacluque. Entretemps nous sommes au pied de la première montée éprouvante de la
journée. Les locaux nous en avaient parlé - pour être raide elle est raide.
Aujourd’hui nous rencontrerons
trois nouveaux pèlerins : un jeune autrichien qui est parti près de Vienne
en Autriche, pas Vienne en France, et qui porte un sac-à-dos ancien modèle qui
me semble un peu trop chargé. Il me raconte travailler dans une maison de
retraite et qu’actuellement il a fait une pause et veut aller jusqu’à
Compostelle. Il dormirait de préférence sous des porches, des auvents etc. et
ne rentrerait que rarement dans un gîte. Ce soir ce sera de nouveau une
exception. Une de ses particularités est
qu’il marche très vite. D’autres pèlerins qui l’on déjà croisé lui ont donné le
surnom : « PGV – pèlerin à grande vitesse ».
Une jeune allemande qui est
menuisière a tout vendu et veut également pérégriner jusqu’à Compostelle. Après
elle commencerait une nouvelle vie. Le tout ce qu’elle sait déjà aujourd’hui est
qu’elle sera en Australie pour la fin de l’année – sans plus.
Et puis le plus surprenant – Jun
– le japonais qui sort tout d’un coup sort du brouillard. Jun porte on chapeau
traditionnel japonais en paille de riz porté au japon par les
moines zen et adeptes du shingon pour effectuer un pèlerinage. La moindre des
choses qu’on peut dire est qu’il ne passe pas inaperçu. Avec ses
quelques mots d’anglais il arrive à se débrouiller et chaque fois qu’on parle
avec lui, il termine avec un OK sec dont le timbre sort du plus profond de son
ventre. Devinez une de ses particularité – oui, il photographie tout.
A la lecture du profil du jour
nous avions vu qu’il y aurait encore deux montées avec un dénivelé positif
assez conséquent. Comme convenu avec Nicolas et Christiane, je les attendrais chaque
fois au sommet pour me permettre de marcher à mon rythme avec une cadence pas
trop élevée mais continue. Cette manière de marcher m’a encore une fois
confirmé qu’elle est la bonne pour moi puisque j’ai doublé pas mal de pèlerins
qui au début de la montée m’ont dépassé en flèche. J’ai attendu Nicolas et
Christiane dans le Complexe Abbaye Camin-de-Lichonet près de Sauvelade. Comme la montée était assez raide
et que le soleil n’avait pas encore chauffée tout son environnement, nous y
avons pris un café. Le gérant nous a
particulièrement recommandé d’aller visiter l’église qui serait la plus belle
sur tout le chemin. Soit nos goûts diffèrent, soit le gérant n’a pas encore vu
d’autres églises et chapelles sur le GR 65.
Jusqu’à l’heure de midi le soleil
et la pluie jouait au cache-cache et nous étions heureux de trouver sur on
sommet avec une vue superbe sur les Pyrénées une ferme avec un garage attenant
dans lequel se trouvait un banc et une invitation pour s’y reposer y compris
des boissons, de l’eau chaude et du café. Nous avons décidé d’y casser la
croûte ceci d’autant plus qu’on s’y trouvait à l’abri du vent. La seule
pèlerine qui nous rejoignait était une dame d’un certain âge qui avait revêtu
un pantalon anti-pluie, une pèlerine qui me ressemblait plus à une pèlerine
d’hiver que d’été et pour finir un poncho. Inutile de préciser qu’elle
transpirait.
Pendant mon absence à domicile,
mon épouse s’occupait des ânes. Pour le surplus Florence et Guy avaient offerts
leurs services pour aller voir mes ânes une fois tous les trois jours comme moi
je le fais en leur absence avec les leurs. Avec un peu de recul je ne peux
qu’applaudir l’initiative que nous avions pris en son temps dans notre association
de propriétaires d’ânes au Luxembourg de veilleur l’un sur les animaux de
l’autre en son absence. C’est au moment où je passais sur un petit pont
au-dessus du ruisseau Saleys que je
recevais un SMS m’informant que mes copains aux longues oreilles se portaient à
merveilles.
Entretemps le soleil a fait son
apparition et les vues sur les Pyrénées sont excellentes – qu’elle beau
paysage.
Avant d’arriver à Méritein nous
descendons un chemin rural à travers une forêt où les intempéries ont encore
faits des dégâts. Arrivé au fonds de la vallée je suis surpris par le nombre de
véhicules stationnés de part et d’autre du chemin. Il s’avère qu’il s’agit de
cueilleurs de champignons et chacun a son petit coin secret pour remplir son
panier ou du moins essaye de le faire.
Les efforts de la journée
commencent tout doucement à se faire sentir. C’est ainsi que la portion du
trajet entre Méritein et Navarrenx semble interminable dans la mesure où il
s’agit d’un chemin qui longe un quartier résidentiel où on ne voit que du
chemin goudronné devant soi.
Dès les premiers pas dans
Naverrenx on voit qu’il s’agit d’une ville fortifiée. Tout comme Nicolas je
m’intéresse un peu pour cette architecture. La ressemblance avec certaines
fortifications de la ville de Luxembourg est étonnante et nous disons entre
nous que Vauban a encore fait parler de lui. Hélas, ce n’est pas Vauban qui y
était à l’œuvre mais l’architecte italien Fabricio Siciliano qui a vécu avant
Vauban. Vauban aurait-il copié les idées de Siciliano ?
C’est dans la rue de l’Abreuvoir
que nous trouvons le gîte « l’Alchimiste » qui est un donativo. Dans
un donativo on participe aux frais, chacun à sa manière – nous avons mis dans
la boîte l’équivalent de ce qui nous avons payé ailleurs. A l’origine le
donativo portait également sur des petits travaux qu’on pouvait faire lors de
son passage en contrepartie du repas et du logement. Aujourd’hui ce genre de
participation est plutôt mal vu par une certaine catégorie de personnes qui y
voient du travail fourni au noir. On nous avait dit qu’il faut chercher l’arbre
à soulier qui se trouve devant sa maison. Problème de communication ou fatigue,
j’étais parti pour scruter l’horizon pour un arbre d’une dizaine de mètres au
moins qu’on pourrait voir de loin. L’alchimiste a encore fait fort et a
installé devant la porte de la maison un arbre d’une hauteur à peine d’un mètre
– il s’agit d’un tronc d’arbre. Le gite est une ancienne maison dans laquelle
dès le premier pas on se sent à l’aise. Cette maison a une âme avec des petites
chambres, deux salons et sa grande cheminée. Comme il ne fait pas chaud ce
soir, l’alchimiste nous a dit que le feu serait allumé quand nous prendrons le
repas qui aujourd’hui sera également végétarien pour tout le monde. Tous ceux
qui y séjourneront se connaissent entretemps : Louisette et Bernard, Yun
le japonais, le PGV et l’allemande, une dame de la Bretagne et une autre de
Nice.
Avant de manger nous nous rendons
encore à l’église Saint-Germain où un accueil pèlerin avait été annoncé. Une
bonne trentaine de pèlerins s’y retrouve. Les explications sont données par une
dame et un monsieur d’un certain âge. J’étais assis dans le cinquième banc mais
je n’ai plus rien compris. Si la dame avait un timbre assez fort, celui du
monsieur laissait fortement à désirer. J’ai assisté à d’autres accueils
pèlerins où la préparation du discours ou du message qu’on voulait faire passer
allait de pair avec ce qui était annoncé dans l’invitation.
C’est dans une ambiance presque
familiale devant le feu de la cheminée que nous avons mangé et l’alchimiste
nous a expliqué ce qui l’inspire et comment il rédige le contenu des tuiles que
nous avons rencontré en cours de route et dont la maison est pleine. A la fin
du repas une autre personne de la communauté de ce gîte a tamponné le Crédential
et a jouté une remarque manuscrite à la plume. Comme il avait entendu que
j’étais parti en son temps dans les environs de Metz, je peux lire aujourd’hui
dans mon Crédential « Un très bon chemin Roland de la part d’un metzin »