NOGARO – AIRE-SUR-L’ADOUR
Samedi, 12 septembre 2015
Jour 4
30 km
L’étape Nogaro – Air-sur-l’Adour sera la plus longue, la plus pénible et surtout celle sous la pluie pendant presque toute la journée.
Il a fait lourd cette nuit et même avec la fenêtre toute ouverte, il faisait encore chaud dans notre chambre. Comme les lits étaient confortables et que les pèlerins étaient fatigués nous avons passé une bonne nuit. Après le petit déjeuner copieux et nous étions prêts pour partir à sept heures trente.
Au moment de prendre la route, il faisait toujours lourd avec un ciel très chargé et quelques éclairs suivis du grondement de tonnerre. A en juger le temps écoulé entre l’éclair et le tonnerre, l’orage n’était pas trop loin mais pas directement au-dessus de nos têtes. A partir du gite il fallait juste franchir la route et monter un petit chemin pour rejoindre le GR 65. Nous n’étions pas encore arrivés sur le GR quand il commençait à pleuvoir à verse. Comme la pluie du matin n’arrête pas le pèlerin, nous avons de suite mis nos pèlerines. Nicolas et moi ont pour le surplus profité de notre bâton de marche combinée parapluie. Claire, une pèlerine belge nous avait sorti l’autre soir un dicton sur le chemin que je ne connaissais pas encore : « Quand la pluie fait tic tic, il faut sortir le plastic ». Heureusement les sac-à-dos modernes disposent de ce fameux plastic pour les protéger contre la pluie, au cas contraire on se serait trouvé en fin de journée avec un contenu mouillé.
Le GR 65 tourne à droite mais nous restons néanmoins sur la route pour le rejoindre quelques kilomètres plus tard. Directement devant nous se trouve la coopérative viticole qui en cette mi-septembre tourne à plein régime. Considérant que les installations devant nos yeux ne sont certes pas les plus grandes de l’Hexagone mais quand-même impressionnantes, il difficile de s’imaginer ou va et surtout qui boira tout ce vin.
Le paysage est encore très marqué par la culture du maïs qui a profité de plusieurs averses de sorte le rendement sera probablement très élevé à en juger la taille des tiges. Une fois de nouveau sur le GR 65 nous longeons un peu la N124 et sommes contents de pouvoir quitter cette partie au plus vite pour continuer en direction Lanne-Soubiran où les champs de maïs commencent à céder la place aux vignobles.
Entretemps il a arrêté de pleuvoir modérément et Saint-Pierre a ouvert ses vannes à grand régime. Quand nous traversons la route pour prendre en direction de la forêt, nous découvrons au dernier moment que près de la seule maison du coin se trouve un petit panneau « Pause-café ». Il est entretemps neuf heures mais compte tenu du ciel chargé on se croirait presque en pleine nuit. La décision est vite prise – nous faisons une pause-café. Je suis toujours très reconnaissant pour ces particuliers qui en cours de route prennent l’initiative d’installer un banc, des chaises – que sais-je pour permettre au pèlerin de faire une pause que ce soit pour cause de fatigue ou tout simplement pour se mettre un peu à l’abri contre les intempéries.
Comme la pluie ne cesse de tomber, nous décidons de reprendre le chemin en espérant que les passages à travers champs, prés et bois ne seront pas trop boueux. Par un temps pareil, à la croisée des pèlerins on peut observer moult manières pour se protéger contre la pluie. Ce qui m’intéresse particulièrement est comment les uns et les autres protègent leurs souliers pour éviter que la pluie n’y rentre. Bien entendu, le randonneur averti dispose de chaussures avec un composant Gore-Tex mais une forte pluie et surtout lorsqu’on doit marcher pendant plusieurs heures à travers des chemins où l’herbe n’a pas été coupée, l’eau risque néanmoins de rentrer. Pour l’éviter on peut soit revêtir un pantalon spécifique contre la pluie ou bien porter des guêtres. J’ai opté pour cette solution mais la pluie qui continue à tomber coule le long des chaussures et avant tout sur la partie inférieure des lacets. Mon intérêt porte dès lors sur des pèlerins qui ont opté pour des couvres chaussures et les interroger si l’investissement en vaut la peine (parlant d’un budget de plus ou moins vingt-cinq euros). Malheureusement je n’en vois pas mais bien des pèlerins avec les solutions de fortune – à savoir des sachets en plastique fixés de manière artificielle sur les chaussures.
Avant de partir on nous avait avertis qu’aucun ravitaillement ne pourrait se faire en cours de route. Lorsque nous arrivons à Lanne-Soubiran nous sommes agréablement surpris de trouver à l’entrée d’une salle polyvalente une femme qui vend des boissons chaudes et du gâteau. Le hall d’entrée se remplit très vite et nous retrouvons presque tous les pèlerins que nous avons croisés durant les derniers jours. Malheureusement seul l’entrée est ouverte et s’avère très vite être trop petite pour accueillir tout le monde de sorte que quelques-uns se réfugient dans la chapelle juste en face. Côté positif, l’entrée donne accès aux toilettes qui ne sont heureusement pas fermées.
Tout le monde est plus ou moins fatigué au vu des conditions météorologiques peu accueillantes. Christiane nous informe pour le surplus qu’elle est complètement mouillée. D’autres pèlerins nous en diront autant. L’investissement que j’avais fait dans mes vêtements anti-pluie remplissent jusque maintenant pleinement leur fonction mais je dois quitter au plus vite cette entrée pour éviter de commencer à transpirer. Pour éviter que Christiane ne prenne un coup de froid, nous reprenons la route au plus vite et avançons plus lentement.
Dans l’heure qui suit la météo est un mélange entre pluie et soleil avec une prédominance pour la pluie. Quand nous arrivons à Lelin des panneaux indiquent les kilomètres restant sur la journée et un temps approximatif. Comme nous avons déjà fait l’expérience que ces indications sont à prendre avec la précaution nécessaire, nous considérons qu’il s’agit d’une simple indication sans plus pour ne pas trop décourager le pèlerin. Nicolas me confie qu’il contactera à notre retour l’auteur de Miam Miam Dodo pour lui en parler à savoir Jacques Clouteau. Jacques est un ami de longue date de Nicolas et je le connais également depuis peu. Jacques sera probablement ouvert à toute adaptation à faire pour rendre « sa bible » encore plus pratique et nous informera plus tard que les distances reprises dans le Miam Dodo proviennent de sources officielles.
Juste avant de rejoindre une ligne de chemin de fer, le GR 65 prend à droite et à mi-chemin entre la prochaine bifurcation et nous voyons au loin des chaises. L’exploitant d’un gite les a installés ensemble avec une boîte dans laquelle se trouve un tampon pour le Crédential. Comme il ne pleut pas pour le moment nous cassons la croute et certains pèlerins qui nous doublent continuent à marcher avec l’ensemble de leur protection anti-pluie- bonjour la transpiration. Alors que je ne me sens pas encore trop fatigué j’observe une Christiane très épuisée – heureuse soit-elle qu’elle ne sait pas qu’il nous reste encore un long chemin avant d’arriver. Nicolas et moi avions néanmoins une petite idée sur la distance restante de l’étape du jour après avoir consulté le guide et notre GPS.
Sur la portion de chemin qui suit, nous voyons pour la première fois les dégâts causés par la tempête d’il y a quinze jours – des champs de maïs complètement au sol. Un pèlerin qui était parti au Puy me dira qu’il y marché le jour de la tempête et que ce n’était pas triste, voire dangereux.
Le chemin qui nous mènera vers Lacassagne sera un des plus pénible sur tout le périple de cette année : de l’herbe non coupée, plein de trous remplis d’eau et l’obligation de changer continuellement de côté pour éviter de ne glisser – le tout sur une distance de presque trois kilomètres. Cela vous prend à l’usure.
Vers quatorze heures nous arrivons à l’entrée d’Aire-sur-l’Adoure et faute d’un plan de ville nous nous renseignons, comme le jour précédant, également auprès d’un garage comment nous rendre au gite. Le vendeur ne connaît pas la rue que je lui indique, mais me demande chez qui je veux aller. Le gite des pèlerins lui dit quelque chose. « Vous continuez jusqu’au feu tricolore, puis à gauche, ensuite tout droit jusqu’à la pharmacie et puis à droite ». OK quand il faut y aller, il faut y aller. Les feux tricolores sont tout au fond de la rue – très loin, très loin d’où nous sommes. Y arrivés nous voyons au loin le centre-ville et pour arriver à la pharmacie nous avons encore mis trente minutes.
Heureusement le gite est déjà ouvert malgré le fait qu’il n’ouvre normalement que plus tard. Vivement qu’il ne s’agit pas d’un gite communal, l’exploitante aime visiblement son job et nous informe que « tout le monde et mouillé et je ne peux pas laisser les gens à l’extérieur prendre un coup de froid ».
Mon GPS affiche un total de trente kilomètres et eu égard à la météo je suis content de pouvoir déposer mon sac-à-dos et enlever les chaussures. Sauf un peu d’humidité sur la partie avant de mes chaussures je n’ai pas souffert par la pluie ce qui n’est pas le cas pour la majorité de ceux qui arrivent au compte goûte. Comme nos bagages ont déjà été livrés nous pouvons prendre une douche et revêtir nos sandales.
Pour ce qui est du séchage des chaussures il est de nouveau intéressant d’observer la manière de faire des uns et des autres. Il y en a qui mettent les chaussures tout simplement à l’endroit y réservé, d’autres y mettent du papier de journaux mais ne le remplacent pas après une première absorption, d’autres encore laissent le papier mouillé dans les chaussures pendant toute la nuit etc.
Aire-sur-Adour a une riche histoire mais historiquement parlant, l’événement récent que tous ont retenu est l’incendie du vingt-cinq mai mil neuf cent quatre-vingt-deux dans un établissement médico-scolaire qui fit vingt-quatre morts dont vingt-et-un enfants.
Alors que Christiane préfère rester au gite, Nicolas et moi font une visite de l’église Sainte-Quitterie avec son petit jardin d’herbes aromatiques devant la porte. Après nous irons encore prendre une bière dans un café du coin. Même si des pèlerins nous diront demain qu’on y mange à merveille, nous avons vécu un climat plus que tendu entre la patronne et son mari alors que nous étions les seuls clients. Les compliments fait l’un à l’autre n’ont pas trop été à faire éterniser le client et nous avons vite pris le large.
Lors du repas du soir j’ai eu la chance d’être en face du patron du gite qui est d’origine espagnole. Cela m’a permis de pratiquer un peu l’espagnol que j’ai appris durant ma première année de langue espagnole pendant l’hiver passé pour me permettre pour la suite de communiquer un petit peu avec les locaux.
Roland Bisenius