TINEO
– PALO ALLANDE
Samedi,
22 septembre 2018
Jour
4
29 km
Au petit matin le soleil se lève
tout doucement au-dessus des crêtes et les variantes entre le rouge et le jaune
sont un régal pour les yeux.
A la sortie de Tineo nous croisions
à la fin de la première montée du jour un épouvantail sous forme de pèlerin.
Pas mal fait – mais qu’est-ce que son constructeur veut nous dire : qu’il
en a marre de tous les pèlerins qui passent devant sa porte, compare-t-il le
pèlerin avec un oiseau qui vole de ses propres ailes et dont il veut se
débarrasser au plus vite ou s’agirait-il d’un quelconque acte de bien venu en
reconnaissance de tout marcheur qui laisse un peu d’euros à l’économie locale ?
Plus le soleil se lève, plus il
nous livre des tableaux des paysages merveilleux sous nos yeux. Inutile de
préciser que sur les deux kilomètres qui libéraient la vue sur la vallée tout
pèlerin en profitait pour faire des photos. Nous en faisions autant et chacun
passait son portable à un autre à la quête de l’image parfaite. Pérégriner sur
un chemin pareil au lever du jour, même s’il monte, n’est et pour répéter une
expression chère à mes amis français : que du bonheur.
Après quelques jours de marche
tout un chacun avait trouvé le bon ajustement pour bien marier son sac à dos avec
son corps et on ne le sentait même plus. Voilà un exercice que je ne peux que
vivement recommander à tout marcheur : faire en sorte que l’ajustement du
sac à dos soit parfait, sinon vous payez cash. Il en est de même du soin à apporter
à ses chaussures : veillez à ce qu’elles soient bien aérées en soirée et
sortez les semelles intermédiaires ou orthopédiques pour leur permettre de
sécher. Pour éviter des ampoules, ne lavez pas vos chaussettes tous les soirs –
au risque d’effrayer certaines personnes, pour randonner les meilleures
chaussettes sont celles qui se portent plusieurs jours. Un dernier
conseil si vous lavez vos chaussettes à la main : rincez les
plusieurs fois pour faire sortir tout le savon et ne les mettez pas tant qu’elles
nos sont complètement sèches. Portez plutôt une autre paire et attachez celles
qui sont encore à moitié humide pendant la journée au sac à dos – elles
sècheront vite en cours de route.
Au fil de la route nous passions
de la Sierra de Tineo et à cheval entre les Sierra de Obona et de la Llamas et à
force de discuter de tout n’importe quoi ce qui fallait qu’il arrive est
arrivé. A l’aveugle nous avions suivi un pèlerin devant nous et ce qui nous
suivaient ont pris comme point de mire nos sacs à dos. Au croisement des routes
AS350 et AS-217 nous loupions une flèche jaune et en récompense nous faisions
deux kilomètres de macadam. A hauteur de Villaluz nous rejoignions de nouveau
le Camino et le tout rentre dans l’ordre. C’est ici que nous tombions de
nouveau sur un couple dans lequel la femme marche très bien et semble
fonctionner comme un robot alors que l’homme court plutôt derrière elle scrutant
tout le temps son portable pour bien rester sur le bon chemin. La veille on les
avait déjà croisés et à ce moment il m’avait recommandé de ne pas trop de fier
à ma carte page A4 et donné les coordonnées de son app pour éviter de me perdre
dans la nature.
Que les affiches que nous avions
rencontrées en cours de route comme quoi la Guardia Civil veille sur les
pèlerins n’est pas un vain mot publicitaire a été confirmé en pratique. Sur un
chemin avec des pentes assez raides un 4 x 4 de la Guardia Civil avec deux
agents à bords nous a doublé. Comme j’ai l’habitude de faire un petit signe de
la main pour dire bonjour même à des personnes que je ne connais pas, j’ai eu
droit à un retour aussi aimable. Plus tard sur notre périple j’ai rencontré un
pèlerin à la quête d’un peu de liquide pour lui permettre de rejoindre son
domicile – suivant ses dires on l’avait cambriolé dans un gite au même titre
que d’autres pèlerins. Compte tenu du nombre de personnes à la quête de
liquide, je suis néanmoins un peu réservé quand on m’approche pour une cause
pareille. Finalement je me suis dit : « qu’est-ce que tu ferais à sa
place » ? et je lui ai donné quelques euros ceci d’autant plus que Raymond
2 avait justement connu un cambriolage l’année passée sur le Chemin du Puy ce
qui avait entraîné son retour à domicile pour se procurer de l’argent, une
nouvelle carte d’identité et bancaire.
Par la suite, il avait repris le chemin. A mon retour à la maison j’ai
entendu sur la chaine « 24 oras » que la police de Santiago venait
d’arrêter deux femmes, l’une âgée de trente-neuf ans et l’autre de
vingt-trois » qui au courant des semaines passées auraient vidé une
quarantaine de moziallas dans plusieurs albergues. Ceci prouve par ailleurs le
triste constat que tout ce qui ressemble à un pèlerin n’est pas pour autant un
pèlerin.
En ce qui concerne la protection
de la nature, l’Espagne travaille à deux vitesses et je ne parle que du
personnellement vu. D’un côté on a les éoliennes à pertes de vue et de l’autre
nous étions passés dans un village ou deux personnes sans protection aucune ni
pour eux même, ni pour les maisons avoisinantes, ni non plus pour les personnes
qui passaient, ont cassé une toiture couverte avec de l’éternit. Ils ont tout
jeté sur une remorque attachée à un tracteur placée en bas de la toiture.
Quelques kilomètres plus loin nous avons trouvé des débris sur le chemin rural
– le reste se trouve probablement quelque part plus loin.
Entre Samblismo et Colinas mon
plan A4 indique : « tres pasos de regatos sin puentes »
autrement dit des passages sans ponts au-dessus d’une rivière qui ne porte que
peu d’eau. L’absence de précipitations des dernières semaines nous a permis d’y
passer sans que l’eau ne pénètre dans les chaussures. En cas de fortes pluies
les choses doivent néanmoins être différentes. Dans ce cas et pour éviter
d’avoir les chaussures pleines d’eau il faut rebrousser chemin et ici se payer
deux kilomètres de retour, passer par la route et faire deux kilomètres
supplémentaires pour revenir à la même hauteur. Au cas où la route ne se trouve
pas aussi prête, il faut trouver une autre solution. Cette solution pourrait
notamment se trouver dans votre sac à dos. Je parle en particulier des sandales
en matière synthétique qu’on chausse en fin de journée. Chacun s’équipe à cet
effet comme il veut – néanmoins ceux qui marchent beaucoup savent apprécier à
leur juste mesure tout gramme emporté de trop. Des sandales pareilles
pourraient notamment être chaussées pour passer à travers l’eau et éviter ainsi
de se mouiller les chaussures ou se trancher les pieds. Pour le surplus si
l’hygiène dans un gite laisse à désirer les sandales peuvent être chaussées
pour prendre une douche et éviter ainsi d’être victime d’une mycose des pieds.
Pour passer la nuit j’avais
réservé à l’hôtel La Nueva Allandesa à Pola Allande. A notre arrivée on nous a
informé que le restaurant accueillait une bodega (un mariage) pendant la soirée
et on nous distribuait des boules Quies pour éviter d’entendre trop la musique.
Si dans certains hôtels nous avions une chambre à coucher, d’autres offraient
pour trois personnes deux chambres différentes. A tour de rôle l’un de nous
avait droit à la chambre pour une personne – cette soirée c’était mon tour.
Finalement la musique ne s’entendait presque pas. Cependant les tirs de canon
pour annoncer le début des festivités et surtout ceux le matin à cinq heures
trente pour annoncer leurs fins étaient quelque peu bizarre.
Reste à signaler deux choses que
peuvent intéresser un pèlerin ou un touriste de passage. Primo les endroits
ouverts au public pour laver et sécher son linge qui se trouvent dans presque
tous les villages d’une certaine taille – il s’agit juste de les trouver. Nous
avons payé six euros pour le lavage et quatre euros pour le séchage, soit un
peu plus de trois euros par tête. Secundo : ne prélève pas de cash ou on
veut. Nous avions testé plusieurs bancomats sur lesquels s’affichaient e.a.
VPAY. Impossible de prélever quoi que ce soit sauf auprès des banques Santander
– nous l’avons essayé dans différents villages et toujours le même résultat.
Attention néanmoins aux frais de prélèvement qui peuvent fortement varier.