Llanes - Ribadesella - Camino

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LLANES - RIBEDESELLA
Mercredi, 13 septembre 2017
Jour 13
28 km
J’aimerais bien revenir sur le fait que la veille j’avais demandé à la réception de l’hôtel Villa de Llanes à quel se prendrait le  desayuno. «  a la siete y media ». Comme l’étape qui nous attendait aujourd’hui était également un peu plus longue nous nous présentions donc à sept heures et demie au comedor pour prendre le desayuna. Dès l’accès au local une odeur de café mélangée à d’autres venait à notre rencontre. Tout semblait au beau fixe puisque derrière un des comptoirs circulait une dame d’un certain âge qui apparemment attendait pour servir. Surgit alors l’homme que était assis à la réception qui nous semblait être le mari de la dame déjà très active qui nous informait que le desayuno ne pourrait se prendre qu’à partir de huit heures. Pour être surpris on était surpris. Comme le desayuno n’était pas compris dans le prix de la chambre, nous avons décidé de manger en ville.
Sans le savoir, Nicolas en aura déjà pour son argent et ce dès le petit matin. Nous avions en effet convenu que ce serait chaque jour un autre qui payerait l’hôtel et ce matin la douloureuse était pour Nicolas. Il présentait sa carte de crédit au monsieur à la réception qui dès la prise en main avait des problèmes pour manipuler l’appareil pour faire profiter l’établissement du prix convenu. Une histoire à n’en pas finir – il était tout simplement perdu dans ce qu’on attendait de lui. Pour finir Nicolas a payé cash en doutant fort des compétences de son vis-à-vis.
Nous avons mis dix minutes pour descendre dans la ville et avons trouvé un établissement qui avait mis une pancarte devant sa porte sur laquelle on pouvait lire : desayuna avec tout ce qu’on offrait y compris les prix ad hoc. La porte était grande ouverte, tout était illuminé et il y avait quatre personnes derrière le comptoir. Quand nous voulions entrer on nous disait que c’était encore fermé et qu’on ne servirait pas avant huit heures. Bonjour la tension artérielle !
Comment voulez-vous que dans un environnement pareil un système économique puisse fonctionner et que le touriste face du bouche à oreille pour recommander tel ou tel établissement ? L’argent se trouve par terre encore faut-il vouloir le ramasser.  Force est de constater qu’on n’est pas tellement intéressé par un consommateur quelconque – on en fait à sa tête et le consommateur n’a qu’à s’adapter.
J’avais proposé de prendre le desayuno à Po, le prochain village dans lequel nous passerions aux alentours de huit heures trente et tout au plus à neuf heures. La faim des uns et des autres l’a cependant emportée et nous nous sommes pliés à la volonté du commerce local et attendu l’heure d’ouverture dictée  par un garçon de salle.
Quelle histoire et tout ça au début de notre dernière étape pour cette année de pérégrination.
Quand nous arrivons à Po deux établissements offraient le desayuno à qui veut. Le prendre ici nous aurait peut-être mis à l’abri de la mauvaise humeur du personnel qui travaille dans les bars.
A la sortie du village nous vivons une fois de plus une triste histoire de tenue d’animaux. Dans un ravin dans lequel le soleil a peu de chances d’arriver et où l’humidité règne un cheval est attaché à une corde ce qui lui permettait de passer d’un côté d’un petit pont vers l’autre. Pour le surplus l’animal portait des traces pour avoir été maltraité – rien qu’à voir la manière dont il nous regardait, un mélange entre peur de appel à l’aide, donnait des frissons dans le dos. Sachant qu’un cheval est un animal qui a plutôt tendance à prendre la fuite dans une situation périlleuse contrairement à l’âne qui analyse d’abord la situation et réagit par après, on peut s’imager sa réaction face à un danger quelconque qui le guette dans ce triste coin. Même si cet état des choses vous fait de la peine il faut malheureusement accepter qu’on ne peut rien faire sur place ni dans l’immédiat.
Tout le contraire de ce que nous avons vu à Po nous est offert entre Barro et Niembru. Dans un pré juste avant l’église paroissiale nous rencontrons un cheval en demi sieste avec à son côté droit deux ânes. Pour les amateurs d’ânes que nous sommes, cette image nous fait oublier la triste histoire d’il y a une heure.
L’église paroissiale de Notre Dame des Douleurs de Barro et Niembru a la particularité qu’elle se trouve aux bords de l’estuaire de Niembru. Vue à partir de la route qui contourne le village sa silhouette est doublée dans l’eau stagnante et ce ne sont pas seulement les pèlerins qui s’arrêtent pour la prendre en photo. J’ose cependant prétendre que la voiture qui avait été positionnée sur le parking pour faire partie de la photo a plus intéressé Nicolas que l’église : il s’agit d’une Morgan, voiture que Nicolas a toujours voulu avoir une fois dans sa vie.
A Naves le Camino quitte enfin la six cent trente-quatre. Même s’il continu sur un autre chemin goudronné, le calme fait du bien autant que le sentiment qu’ici on est plus en sécurité que sur la nationale.
Les vestiges de San Antolin de Bedon sont impressionnants. Même s’il est contesté que dans cet édifice du XIIIe siècle un monastère de bénédictins n’ait jamais existé, l’ensemble du complexe parle autre chose. Vu à distance tout laisse à penser à un petit monastère avec quelques dépendances. Dans mon imagination j’y vois le site idéal pour tourner un western mexicain sans pour autant devoir changer de continent - tout y est : une église en semi ruine, des petits bâtiments espacés en état de décomposition, une place centrale etc…
Un peu plus loin se trouve une petite plage avec un bar et nous décidons d’y faire notre pause midi. Les exploitants nous semblent un peu fatigués et pas trop intéressés par des clients – ils y en a d’autres que nous et tout le monde est forcé d’aller au comptoir pour commander ses boissons qui sont servis avec un certain mépris. Nous nous installons sur la terrasse en face de la mer et après un petit échange sur les conséquences éventuelles nous décidons de ne pas demander l’autorisation pour y manger notre bocadillo – le café et le coca payé au bar doivent représenter la contre-valeur du droit de manger sur la terrasse – bingo – personne ne s’y intéresse.
Sur la plage elle-même deux tracteurs étaient en train soit de la nettoyer soit de profiter de la végétation pour enlever les algues. Un des tracteurs a fait marche arrière jusqu’au point de non-retour et a extrait les algues avec un dispositif spécifique. L’autre tracteur les a mis sur un tas à une certaine distance alors qu’un troisième en a assuré le transport en dehors de la plage. Nous n’avons pas pu savoir à quoi elles servaient : pour l’industrie agro-alimentaire ou bien comme fumier sur les champs ?
En reprenant la route, nous croisons l’allemande trempée de l’autre jour qui se baladait avec le type au gaz lacrymogène – seule cependant.
Dans la suite le Camino passe par Naves qui avait été sacré plus beau village d’Asturie en mil neuf cent soixante-et-un. Pour une fois qu’on aurait voulu en voir un peu plus le chemin contourne le village.
Plus loin près de Villahormes en sortant d’un chemin forestier une pratique bien particulière que nous avions déjà rencontrée ailleurs retient notre attention. Le mur d’une bâtisse est partiellement écroulé. Au lieu de le démolir complètement on le laisse tel quel et derrière la partie effondrée on construit un nouveau mur.
Au milieu du village se trouve une des nombreuses cidreries qu’on rencontre dans les environs. L’odeur du cidre s’annonce bien avant qu’on découvre l’exploitation. Malheureusement les travailleurs sont en train de faire la sieste, si non, j’aurais bien aimé gouter ce nectar dans le « vaso » qui est typique pour le servir. Il semble que celui d’Asturie soit le meilleur de toute l’Espagne et qu’on couvre uniquement le fond du verre et pour pouvoir le savourer pleinement il faudrait qu’il soit fraîchement versé.
Dans la forêt entre Cadoso et Nueva nous entendons plusieurs fois un bruit qui semble être des coups de fusils. Comme la dite forêt se résume en réalité dans quelques arbres avec des arbustes à hauteur d’homme, les cris des personnes ne nous rassure pas plus et tout le monde est à sa garde. Ce serait quand même con d’attraper une charge de plomb le dernier jour de notre pérégrination ceci d’autant plus que peu avant nous avions vu des dommages aux fourrages causés par des sangliers.
Quelques centaines de mètres plus loin nous croisons une femme qui rentre avec des sachets pleins de provisions et je lui demande s’il y aurait une chasse dans le coin. Non me dit-elle ; ce sont des jeunes qui sont en train de préparer la fête « del Cristo del Amparo ». Il s’agit d’ériger un tronc d’arbre de plus ou moins trente-cinq mètres tout près de la chapelle.  Quand nous arrivons à Nueva nous craintes se sont heureusement avérées en vain puisque nous croisons des jeunes qui ont amené dans le village le tronc d’un sapin d’une certaine longueur qui sera monté plus tard dans l’après-midi, loin cependant des trente-cinq mètres. Dotés d’attrapes pour faire du bruit, ils avaient réussi à semer l’incertitude parmi les pèlerins sur le chemin qui, faute d’infos, ne savaient pas faire la différence entre une battue et les préparations d’une fête populaire d’Asturie.
Comme il est quatorze heures à notre arrivée et que le soleil ne cesse de charger, nous décidons après vingt-huit kilomètres de nous passer des huit kilomètres restants et de prendre le train à Nueva pour rejoindre Ribadessella.
Nous y séjournerons dans l’hôtel Marina non loin de l’arrêt des autobus ALSA que nous prendrons demain. Cet hôtel d’un certain âge est dans son rapport qualité prix un des moins chers, le plus propre et convivial hormis celui de Mogro dans lequel nous sommes descendus.
Comme tous les ans, même avant d’avoir entamé la rentrée, chacun se retire un peu dans son coin pour dégonfler et laisser défiler les kilomètres parcourus devant son œil interne avec le recul propre à soi. Pour ma part j’ai flâné un peu à travers la ville pour finir sur la digue, rentrer dans une chocolaterie et m’offrir quelques pralines que j’ai savourées sur un banc près du quai tout en admirant la mer sur laquelle le soleil commençait à tirer sa révérence. Quelle plaisir pour le palais après tant de fruits secs, croissants typiquement espagnol, poissons, spécialités locales et bocadillos au fromage et au saucisson.
A la tombée de la nuit alors que nous nous rendons dans un restaurant je découvre soudainement un vélo bien connu et son conducteur stratégiquement placé sur une terrasse. J’étais toujours persuadé qu’on avançait plus vite avec un vélo qu’à pied – voilà que le contraire est prouvé.
Un dernier mot : si un jour vous faites le Camino et avez l’intention de passer la nuit à Bordeaux avant de rentrer, réservez à l’avance pour éviter d’être chassé de la gare à minuit à moins de pouvoir vous faire amener dans le profond bordelais trouver de justesse un des derniers hôtels disponible dans un rayon de trente kilomètres.
Merci à Nicolas, Christiane et Raymond de m’avoir accompagné – c’était un plaisir comme tous les ans de pouvoir partager cette expérience avec d’autres personnes.
Merci comme tous les ans à mon épouse qui me conforte dans ma démarche et sans l’impulsion de laquelle je ne suis pas sûr d’avoir commencé le Camino – je t’aime bien. 
 
 
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